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Regard critique · Justice sociale

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""Parle-moi de l'emploi", réflexion sur le chômage et expériences pratiques pour l'emploi"

17-12-2001 Alter Échos n° 111

« Un matin de septembre 1999, un étrange phénomène s’est produit en France. Alors que les Français croyaient être installés dans une crise sansprécédent avec pour conséquences dramatiques toujours plus de chômage, de précarité et d’exclusion, ils se sont réveillés enpériode de croissance et de ‘plein emploi’. Relayée par les médias, la rumeur se répandit. Et depuis, ce jour béni, mois après mois, les courbesdu chômage baissent à une telle allure que les entreprises crient même à la pénurie de main-d’œuvre ! Mais alors, que sont devenus tous ces chômeurs? De quel emploi nous parlent les politiciens et les médias ébahis ? Et qu’en est-il du chômage ? » C’est ainsi, sur un ton volontiers iconoclaste etirrévérencieux, que Thierry Benoît, l’auteur, commence son livre : « Parle-moi de l’emploi… , D’une nécessaire réflexion sur le chômageà des expériences pratiques pour l’emploi. » Thierry Benoît est connu en France mais également en Belgique car il est, notamment, fondateur des Boutiques Club Emploidont nous avons souvent parlé dans les pages d’Alter Echos à travers la maison de l’emploi de Braine-le-Comte, membre du réseau des Boutiques Club Emploi.
La réflexion de l’auteur part d’une histoire concrète, celle de la Boucle et des boutiques, véritables « fil rouge » tout au long des chapitres de l’ouvrage. Lorsd’une des réunions du réseau des Boutiques Emploi en Belgique, Thierry Benoît en avait défini les principes fondateurs de la manière suivante :l’entrée libre pour toute personne sans aucune distinction, une gratuité et une complémentarité des services pour fournir toute la logistique nécessaireà la recherche d’emploi et l’implication des entreprises, des collectivités locales, des administrateurs, des salariés, des retraités et des chercheursd’emploi. Quant aux objectifs :
> Changer la perception du chômage en resituant cette question au cœur des préoccupations de la Cité ;
> Développer des pratiques diversifiées (techniques de recherche d’emploi mais aussi mobilisation des personnes et actions collectives) en vue de combiner développementlocal, insertion et cohésion sociale.
« En final, avait ajouté Thierry Benoît, notre objectif est de rendre aux chômeurs leur place comme citoyens. »
Exploration par chapitre
Le premier chapitre permet une plongée au cœur des chiffres. Après une promenade en Amérique du Nord souvent citée en exemple pour son dynamisme et ses « performancesinégalées » en matière d’emploi et bien vite démystifiée par l’auteur, Thierry Benoît balade le lecteur sur le « vieux » continent qui grâceà l’Union européenne, compte et recompte ses chômeurs un à un avec des calculettes différentes selon les pays. Il égratigne au passage la France dont »les variations saisonnières de la courbe de chômage feraient rire n’importe quel apprenti météo. » Selon Thierry Benoît, on fait dire aux chiffres ce quel’on veut. Dans ces conditions « donner aux citoyens la possibilité d’accéder à des informations fiables et à des chiffres réels, c’estpeut-être aussi promouvoir la nécessaire prise de conscience pour revenir à une véritable démocratie qui ne serait pas effrayée par ses propres carences etfaiblesses. »
Dans une deuxième partie, il s’agit de mieux resituer historiquement le chômage, de s’interroger sur les représentations que peut avoir chacun d’entre-nous surla place qu’occupe l’emploi et donc celle du chômage. Pour cela, Thierry Benoît s’appuie sur une étude qu’il a réalisée2, il y a quelquesannées, avec d’autres chercheurs dans le cadre du Laboratoire de Changement social et sur leur expérience de terrain développée depuis un peu plus de 20 ans.
Que représentent le chômage, le chômeur, la chômeuse pour chacun d’entre-nous ? Quel regard portons-nous sur ce qui angoisse tant les Français, les Belges,… ? Sommes-nous victimes, responsables ou acteurs ? Ou peut-être les trois à la fois… et nos représentations vis-à-vis du chômage ne sont-elles pas desvecteurs inhibiteurs de toute transformation sociale ?
Faire appréhender au lecteur cette systématisation des enjeux, des pouvoirs et des territoires des tribus qui composent la Cité permet à l’auteur dans unetroisième partie de l’amener à découvrir que l’ensemble des forces existantes se présente en ordre dispersé dans la bataille contre le chômage etqu’à ce niveau d’inorganisation, la guerre n’est pas près d’être gagnée.
Enfin, Thierry Benoît termine sur une note plus optimiste : le partage de l’expérience de la Boucle et des Boutiques Club Emploi. Ce qui lui permet de décrire àpartir d’une pratique concrète comment de nouveaux lieux de paroles se créent et font émerger de nouveaux questionnements, de nouvelles grilles de lecture de l’emploiet du chômage. C’est aussi le principal atout de l’ouvrage : pouvoir créer des passerelles en croisant terrain et réflexion politique, méthodes ettémoignages. Le message quant à lui est clair : nous avons tous un devoir d’information, de vigilance et d’imagination pour refuser un « plein emploi » qui s’accommoderait d’unchômage dit incompressible.
1 Thierry Benoît, Parle-moi de l’emploi… , D’une nécessaire réflexion sur le chômage à des expériences pratiques pour l’emploi,Éd. l’Harmattan, Paris, 2001, 343 p.
2 Face au chômage : perceptions et pratiques des acteurs locaux de l’emploi à l’égard des chômeurs de longue durée – Th. Benoît, F. Blondel,N. Rifai, I. Taboada-Leonetti – Laboratoire de Changement social – 1995.

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