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Migration, une rime féminine ?

Le 27 octobre dernier, Iteco1, centre de formation pour le développement et la solidarité internationale, organisait un forum consacré à la santé, auxcultures et aux migrations. Parmi les problématiques abordées : l’accès des femmes migrantes aux soins de santé. C’est que la migration est désormaismajoritairement féminine.

14-11-2005 Alter Échos n° 197

Le 27 octobre dernier, Iteco1, centre de formation pour le développement et la solidarité internationale, organisait un forum consacré à la santé, auxcultures et aux migrations. Parmi les problématiques abordées : l’accès des femmes migrantes aux soins de santé. C’est que la migration est désormaismajoritairement féminine.

« Les femmes sont porteuses du capital santé de la famille, rappelle Carine Thibaut d’Iteco. Elles emportent dans leur migration cette responsabilité. C’estpourquoi il est urgent de réfléchir aux stratégies nécessaires pour s’assurer que la migration n’entraîne pas une aggravation des problèmes desanté de ces populations. »

Augmentation et féminisation

Karen Bähr Caballero, juriste et doctorante en développement à l’UCL, rappelle que peu d’études existent sur les femmes, la santé et les migrations.« Or, on assiste, précise-t-elle, depuis une dizaine d’années à un double phénomène : l’augmentation et la féminisation de la migration.» En 2000, l’ONU comptait 3 % de migrants à travers le monde pour 1,8 % en 1995. De même, 51% des migrants sont des… femmes. Aux États-Unis, ce chiffre atteintmême 54 %. Depuis les années 1980, cette migration est principalement économique, et largement précarisée puisque les migrants qui viennent en Europen’obtiennent que difficilement des papiers et parfois seulement après une longue période de clandestinité.

Elles sont actrices de leur développement même si, comme le rappelle Karen Bähr Caballero, « les structures socio-économiques et le machisme politique etéconomique n’ont pas perdu leur influence ». La santé est une motivation importante dans le projet de migration notamment : le manque de soins de santé, des pratiquestelles que les mutilations sexuelles, la polygamie constituent autant de facteurs de migration.

Quand l’Etat recule, la santé faiblit

Fortement marqués par les politiques d’ajustement structurel depuis la fin des années 1980, les pays du tiers monde ont vu une diminution drastique du rôle del’Etat. Avec des répercussions importantes dans le domaine de la santé qui, dans les politiques menées par le FMI ou la Banque mondiale, n’est plus conçuecomme droit universel garanti.

« On voit en Amérique latine, rappelle Karen Bähr Caballero, des cliniques privées magnifiques où les patients arrivent en hélicoptère àcôté desquels des hôpitaux publics n’assurent plus que des soins de santé d’urgence. On abandonne également progressivement la prévention. Lespopulations vivent dans une insécurité grandissante tant au niveau de l’alimentation que de l’habitat ou du travail. »

Quant à la migration des hommes, elle a profondément transformé le rôle traditionnel de la femme, qui a dû prendre en charge la famille, sans pour autantbénéficier de ressources supplémentaires. Le travail féminin se développe mais n’entraîne pas de mieux-être économique car il resteprécaire et s’effectue dans des conditions difficiles.

Bénéficiant souvent d’un réseau social d’aide et de solidarité, ce sont des quartiers entiers qui émigrent pour se retrouver dans un autre pays, unautre continent. L’impact est important sur la communauté qui reste dans le pays d’origine puisque des enfants sans père ni mère sont élevés par lesgrands-mères qui, souvent sans ressources, attendent plusieurs années avant que les parents puissent leur faire parvenir un peu d’argent.

Une fragilité propre aux femmes

Les femmes migrantes sont particulièrement fragiles face au crime organisé, aux abus et à l’exploitation sexuels. Mais elles n’ont pas pour autant accès aux soinsde santé dans la zone de transit et dans le pays d’accueil!

Autre phénomène auquel on assiste : une augmentation de la violence contre les femmes dans l’espace public. Des membres de bandes délinquantes, refoulés dans leur paysd’origine à la suite d’une condamnation, exercent envers les femmes une répression sociale intense allant jusqu’à surveiller le comportement vestimentaire etsexuel des filles même quand celles-ci n’appartiennent pas à la bande.

Face à la démission de l’État en matière de santé et d’enseignement dans les pays d’émigration, les communautés se solidarisent. Commec’est le cas parmi les populations africaines qui se constituent en tontines et récoltent de l’argent pour réaliser un projet de construction d’une école, decréer une petite entreprise ou de payer des médicaments. Mais ce n’est pas la panacée, loin de là. « Ces initiatives sont efficaces dans le cadre de petitsprojets, note Karen Bähr Caballero, mais à long terme, elles ne peuvent se substituer à l’État et assurer un véritable développement. »

1. Iteco, rue Renkin, 2 à 1030 Bruxelles – tél : 02 243 70 30 – fax : 02 245 39 29

nathalieD

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