La Maison Source. Des gestes et des mots pour accompagner les parentalités fragilisées

La Maison Source. Des gestes et des mots pour accompagner les parentalités fragilisées

Social

La Maison Source. Des gestes et des mots pour accompagner les parentalités fragilisées

Deux bassins de vie en province du Luxembourg. Deux lieux pour se ressourcer : une maison à Barvaux et un appartement à Bastogne. Entre les murs de La Maison Source, une équipe de professionnelles de la petite enfance accompagne des jeunes parents issus de milieux précarisés dans les activités du quotidien avec leurs enfants. Chaque année, une soixantaine de familles passent le pas de la porte. Elles atterrissent ici via des services sociaux et de la santé de la région : CPAS, ONE…

La Maison Source leur propose alors un accompagnement individuel ou collectif. La formule varie selon les besoins et les envies. Les séances collectives s’étalent sur la journée et réunissent 3 à 6 parents accompagnés de leur enfant. «En collectif, les mamans discutent, s’entraident, amènent des idées, deviennent amies, développent leur réseau…, explique Marie Spoden, initiatrice et coordinatrice de La Maison Source. Pour certaines familles, l’individuel convient mieux, c’est au cas par cas.» En cette période de Covid et de confinement, l’option «séance individuelle» est de rigueur et le temps passé sur place est, par conséquent, écourté. «On a dû s’organiser autrement, tout en veillant à ce que les mamans continuent à être régulières, poursuit la coordinatrice. C’est important, cette régularité. Six mois dans la vie d’un enfant, c’est beaucoup pour le bien grandir.»

Céline Teret Images : Manon Kleynjans 29-12-2020
Des mamans, surtout

95% des parents participant aux activités de La Maison Source sont des femmes. La majorité de ces mamans sont soit célibataires, soit isolées, soit les deux. Certaines sont porteuses de handicap. «Toute une série de raisons expliquent la participation plus importante des mamans, remarque Marie Spoden. Statistiquement, beaucoup de femmes seules vivent avec leurs enfants. Par ailleurs, lorsqu’une femme est enceinte, elle est souvent mise à l’écart des démarches d’emploi et de formation.» Une mise à l’écart qui renforce l’isolement vécu par la plupart de ces mamans. À La Maison Source, elles viennent chercher des conseils concrets pour s’occuper de leur enfant, mais aussi une présence. «Pour nous, c’est important que ces mamans aient envie de venir. Les rares fois où elles sont un peu poussées à venir voir ce que nous pouvons leur proposer, c’est ensuite pour leur laisser le choix. Et souvent, elles poursuivent.»

Espaces didactiques

La Maison Source a démarré en 2013. En 2015, Marie Spoden dépose les valises de son projet à Barvaux, dans une jolie petite villa aux châssis bleus louée par son association fraichement créée. Quatre ans plus tard, la seconde implantation, à Bastogne, fait son nid dans un appartement, au deuxième étage d’un bâtiment paroissial.

La Maison Source, c’est donc une vraie maison et un vrai appartement, dotés de leurs pièces de vie, à l’image du quotidien des familles. Tout dans ce projet est pensé autour du «faire». Acquérir des compétences, en tant que parent et en tant qu’enfant, passe par les vivre concrètement, par des mises en situation empreintes de la vie de tous les jours. C’est donc au salon que les parents découvrent le jeu avec leurs enfants, dans la cuisine qu’ils leur préparent à manger, dans la salle de bain qu’ils font les soins. Les gestes du quotidien sont apprivoisés dans ces espaces didactiques pour être répétés et testés une fois de retour à la maison. «Ici on pratique en permanence avec le parent des gestes anodins qui vont aider l’enfant à grandir, explique la coordinatrice. On va permettre aux mamans d’expérimenter d’autres façons de faire, des pistes face aux difficultés rencontrées à un moment donné… Les mamans ont l’occasion d’échanger avec des animatrices spécialisées dans l’accueil de la petite enfance. On ne dit pas qu’on a toutes les solutions, mais on propose, on essaie ensemble.»

Tout dans ce projet est pensé autour du «faire». Acquérir des compétences, en tant que parent et en tant qu’enfant, passe par les vivre concrètement, par des mises en situation empreintes de la vie de tous les jours.

Expérimenter avec l’accompagnement d’une animatrice permet aussi aux mamans de passer au-dessus de certaines craintes, d’oser ce qu’elles n’auraient pas osé seules. «Les mamans ont beaucoup d’appréhensions, de peurs, raconte Carmen, animatrice. Faire ensemble, ça leur permet de sentir que c’est possible.»

Partir des besoins

Le développement de l’enfant, son alimentation, sa santé, mais aussi le jeu, le suivi scolaire, les achats, les déplacements, les loisirs… Toute une série de thématiques peuvent ainsi être abordées à La Maison Source, l’air de rien, en faisant, tout simplement. Rien n’est imposé, tout est suggéré, accompagné. La clé : partir des besoins exprimés par les parents. «Lors de la première rencontre, on explique tout ce qu’on peut faire et on sonde leurs besoins, explique Marie Spoden. On part de ce que les mamans ont envie de faire. Certaines nous diront qu’elles ne parviennent pas à jouer avec leur enfant. D’autres qu’elles se sentent seules et fatiguées. Ou qu’elles souhaitent des conseils en matière d’alimentation.»

Le soutien aux parents s’étend parfois en dehors des murs de la Maison Source. Carmen se souvient de cette maman craignant de se rendre au magasin avec sa fille. Ou d’une autre maman n’osant pas prendre le train. «On les accompagne, on va avec elles, poursuit l’animatrice. Elles se sentent alors en confiance et capables de le faire toutes seules par la suite. Ça les grandit.»

Bien-être de l’enfant et des parents

Lisa était enceinte de sa première fille lorsque le CPAS lui a conseillé de passer à La Maison Source. C’était il y a cinq ans. «J’étais toute seule à l’époque. Je suis arrivée ici avec des bagages assez lourds de mon passé. Je ne savais pas comment j’allais atterrir et gérer cela toute seule, émotionnellement, sentimentalement. J’avais besoin de créer des liens avec mon enfant, de trouver les gestes… Je n’étais pas très câline. La Maison Source m’a aidée à mettre les bonnes flèches à mon arc pour avancer.»

Lisa vient régulièrement, pour un accompagnement individuel. Elle préfère, parce que «recevoir des conseils d’autres mamans, ça ne me rassure pas, avoue-t-elle. Je préfère être seule avec une animatrice.» Ce matin, Lisa est venue à La Maison Source avec Viviana, sa seconde fille, un an et des poussières. Dans le salon de la maison didactique de Barvaux, la petite agrippe un à un les jouets mis à sa disposition pour mettre ses sens en éveil. Elle s’assied, rampe, puis tente de se lever sur ses petites jambes hésitantes. Lisa l’accompagne dans ses mouvements, tout en discutant avec Carmen, une animatrice qu’elle connaît bien maintenant. Carmen explique ce moment partagé : «Je prends des nouvelles de Lisa, pour savoir comment elle va, en tant que maman, en tant que femme.»

J’ai trouvé ici une oreille attentive, un soutien moral et physique, pour moi et mes enfants.

À La Maison Source, le développement global de l’enfant est au centre des préoccupations, tout autant que le bien-être des parents. Parce que l’un ne va pas sans l’autre. «On propose des activités entre la maman et l’enfant, pour créer du lien, poursuit Carmen. Mais si on sent que la maman n’est pas bien, on propose de prendre l’enfant à part. Ça permet à la maman de se détendre. Si les mamans vont bien, elles profitent mieux de leur enfant. Les mamans savent aussi qu’elles peuvent tout nous dire. Ici, elles ne seront jamais jugées.»

Évoquant ce que ses passages à La Maison Source ont apporté à ses filles, Lisa se souvient : «Passer du temps ici, une fois par semaine, a permis à Nina, ma grande fille, d’être moins craintive vis-à-vis des autres enfants. Quant à Viviana, elle est contente de sortir de chez nous, de jouer avec d’autres jouets, de sentir d’autres odeurs, de voir d’autres gens…  J’ai trouvé ici une oreille attentive, un soutien moral et physique, pour moi et mes enfants.» La maman esquisse un sourire et poursuit : «Rien que pour ça, je referais bien un troisième enfant !»

 

Face aux besoins de première nécessité

Aujourd’hui, Lisa est aussi venue à La Maison Source de Barvaux pour faire un tour dans la boutique de seconde main de l’association. Accompagnée par Carmen, elle monte à l’étage et s’engouffre dans un local aux murs couverts de caisses. Là, les deux femmes entament des fouilles, dans l’espoir d’y trouver de quoi remplir la hotte de Saint-Nicolas et le traineau du Père-Noël. «Je suis fan du seconde main, lance Lisa. J’ai récupéré beaucoup de vêtements de très bonne qualité ici pour mes filles. Financièrement, ça aide, c’est ça que je ne dois pas acheter.»

Arrêtons de penser que les gens gèrent mal leur argent! Ils vivent avec trop peu, c’est tout.

 Depuis ses débuts, le projet de La Maison Source inclut un service de seconde main «pour répondre à un important besoin de première nécessité», souligne Marie Spoden. Alimentée de dons, la boutique vend à petits prix des vêtements pour enfants, des jeux et jouets, des vêtements de grossesse, du matériel de puériculture… Ces derniers mois, la boutique s’est petit à petit muée en distribution de colis gratuits. Parce que la pandémie de Covid et les règles sanitaires sont passées par là. Mais aussi, parce que «ça faisait plus sens», comme l’explique Marie Spoden : «L’argent restait un frein. Beaucoup de gens doivent compter leurs sous arrivés en milieu de mois. Même si un body n’est vendu qu’à 0,20€, ça reste beaucoup d’argent pour ces familles. En plus, les familles doivent constamment se justifier par rapport à leurs dépenses. Arrêtons de penser que les gens gèrent mal leur argent! Ils vivent avec trop peu, c’est tout. Alors, si recevoir des colis peut les soulager, c’est tant mieux !»

En cette période de crise sanitaire, La Maison Source a enregistré une forte augmentation des dons matériels. La coordinatrice se réjouit de «cette grande générosité de la part des citoyens». La distribution de colis gratuits s’est d’ailleurs étendue à des personnes qui ne côtoient pas habituellement La Maison Source, dont une vingtaine de familles des centres pour réfugiés de la région.

Découvrir les potentiels de l’enfant

Alors que sa maman est toujours à l’étage, la petite Viviana pleure à chaudes larmes. Au salon, Marie Spoden prend la petite dans ses bras, lui parle d’une voix douce, fait le tour de la pièce en marquant des arrêts pour solliciter son attention. Marie lui tend un jouet, le manipule avec elle. Viviana joue. Sourit. S’apaise.

La coordinatrice poursuit alors : «Certains parents n’imaginent même pas tout le potentiel qu’a un bébé. Tout simplement, parce qu’on ne leur a jamais expliqué tout ce qu’ils peuvent apprendre à leur enfant en dialoguant, en jouant avec lui… C’est la base pour que l’enfant puisse bien se développer. Il y a aussi tout le côté affectif. Apprendre à anticiper le moment de la séparation, par exemple. Tout cela, les mamans ne peuvent pas le savoir. Nous, on le sait parce qu’on l’a étudié ou lu, parce qu’on en a parlé avec des proches… Les parents isolés ou qui n’ont pas accès à l’information sont vite coincés dans des situations. Les animatrices expliquent ce que l’enfant peut ressentir dans certaines situations et, avec les parents, elles cherchent des pistes adaptées.»

 

Installer la confiance, sans juger

À 50 kilomètres au sud de la maison barvautoise, dans l’appartement du centre de Bastogne, Céline sort la petite Galina de sa grenouillère hivernale. La jeune maman et sa fille viennent passer l’après-midi ici, auprès d’Isabelle, l’animatrice du lieu. Ces rendez-vous hebdomadaires ont commencé il y a plus de six mois. «C’est l’infirmière de l’ONE qui m’a parlé de La Maison Source, raconte Céline frénétiquement. Généralement, je suis très stressée quand je ne connais pas les gens, mais ici, le contact est directement bien passé. Je venais au départ pour des questions d’alimentation. Mais on me donne aussi d’autres conseils, pour bien tenir la petite, parce qu’il m’arrive d’être un peu brusque, sans m’en rendre compte. J’apprends à aller doucement, à prendre le temps…»

Tout ce qui se passe ici reste ici. Tout ce qu’elle me dit lui appartient. Je ne juge pas.

Aux côtés d’Isabelle, Céline joue avec Galina, assise sur le tapis de jeux du salon. Dans la cuisine, elle l’installe sur la chaise haute, puis épluche les légumes pour la potée. À l’approche de l’heure de la sieste, les deux femmes se dirigent vers la chambre. Céline change la petite, l’installe dans le lit et ferme précautionneusement la porte après l’avoir rassurée. «Je suis présente, explique Isabelle. Je donne des conseils si Céline en a besoin. Tout ce qui se passe ici reste ici. Tout ce qu’elle me dit lui appartient. Je ne juge pas. C’est aussi grâce à cette confidentialité qu’une relation de confiance s’installe. »

Les mamans ont toutes une histoire, il y a des fissures, elles ont peur que ça se reproduise.

 Autour de la table du salon, entre deux gorgées de café, Céline partage des bribes de son histoire : «Je suis assez stressée depuis que la petite est là. J’avais peur qu’on me la prenne. Moi, je n’ai pas eu l’amour de mes parents. J’ai eu celui de mes grands-parents chez qui j’ai été placée.» Céline apprend à avoir confiance en elle, en tant que maman. «À l’ONE et à La Maison Source, on me dit que je suis une bonne maman…», répète-t-elle, comme pour se rassurer. «C’est important pour moi d’offrir des cadeaux à Galina, pour son anniversaire… Mais avec le Covid, les magasins sont fermés.» On la sent contrariée. «Ma mère ne m’offrait pas de cadeaux… J’ai peur de ressembler à ma mère…» Isabelle intervient, rassurante : «Céline, rappelle-toi, tu as fêté l’anniversaire de Galina avec elle vendredi passé !» Céline sourit et acquiesce, puis part vérifier si la petite dort toujours. Isabelle enchaîne : «Les mamans ont toutes une histoire, il y a des fissures, elles ont peur que ça se reproduise. Elles ne veulent pas que leur enfant revive ce qu’elles ont vécu. Alors on essaie de casser ça. On en discute, j’aide à mettre des mots dessus.»

 

Une structure préventive

Les parcours de vie cabossés défilent à La Maison Source. «On en entend des choses ici… Elles sont courageuses ces mamans», confie Marie Spoden. La coordinatrice dessine quelques traits communs des vies croisées dans son association : «Les parents sont souvent très jeunes, leur réseau social et familial est très restreint, parfois inexistant. Ils ont peur de se tourner vers l’aide, parce qu’ils ont des antécédents compliqués. Ils ont parfois des parents qui eux-mêmes ont vécu une enfance difficile, ont été placés, ont rencontré des cas d’addictions, de violences… Ce n’est pas le cas de tous les parents. Certains ont simplement vécu des moments d’isolement. Mais dans toutes ces situations, le panel des besoins fondamentaux n’est bien souvent pas rempli. C’est dur. Les langes, l’alimentation saine, les vêtements… ça coûte. Il faut pouvoir anticiper. Cuisiner, se déplacer… Tout est rendu compliqué. Et souvent, ça se reproduit de génération en génération…»

Ces situations difficiles, la coordinatrice les avait déjà rencontrées dans sa précédente vie professionnelle, elle qui a enseigné pendant dix ans dans une école spécialisée. C’est d’ailleurs là qu’a germé son projet : «En tant que prof dans ce type d’enseignement, on se rend vite compte que les enfants ne sont pas tous égaux dès la petite enfance… Ces enfants sont bien souvent orientés dans le spécialisé parce qu’ils ont manqué de réponses à leurs besoins fondamentaux. Quand j’enseignais, je me disais que la vie devait être bien compliquée pour ces enfants et pour leurs parents… Alors, je me suis demandée : plutôt que d’attendre que des services spécifiques soient appelés parce qu’il y a des problèmes, pourquoi ne pas monter un projet adapté à un public isolé et précarisé, avant qu’il ne rencontre des situations compliquées ?» Prévenir plutôt que guérir. Travailler sur les causes, pour éviter à la source les négligences et les manques impactant tant le développement de l’enfant que le bien-être des parents. C’est sur ce terreau que le projet de La Maison Source a pris forme et continue à se développer aujourd’hui.

Des outils adaptés

Céline, la jeune maman de Bastogne, a étudié dans l’enseignement spécialisé. Parce qu’elle «oublie des infos», elle «ne retient pas tout». Aujourd’hui, elle a «du mal à écrire, à lire, à calculer, confie-t-elle. Pour moi, c’est un handicap.» Isabelle, l’animatrice de La Maison Source, lui a confectionné un petit carnet. Des tableaux avec les quantités de nourriture, les heures de prise des biberons s’étalent sur les pages. «Comme Céline ne parvient pas à tout retenir, je note des infos utiles dans son carnet. Avec d’autres mamans, on fera autre chose. On met en place des outils adaptés, pour leur faciliter la vie.» L’objectif de Céline est aussi de trouver du travail. Là encore, Isabelle la soutient dans ses démarches, l’aiguillant vers des structures adaptées, indiquant tout au passage dans son carnet, lui rappelant les coups de téléphone à passer.

C’est l’heure du départ. Céline glisse encore : «Je suis contente de venir ici, ça me change les idées. Je vois Isabelle, je rencontre d’autres mamans. À la maison, je suis toute seule avec Galina, mon compagnon travaille. Galina, je la vois heureuse ici.» La navette du CPAS qui transporte Céline et Galina ne va pas tarder. La petite se réveille justement. Céline la dépose délicatement dans son maxi cosy et dévale les escaliers. Isabelle l’accompagne, les bras chargés des larges sacs de la jeune maman. Jusqu’au claquement de la portière du véhicule, l’animatrice aura été à ses côtés.

Un réseau qui se tisse

L’équipe de La Maison Source est composée de cinq professionnelles de la petite enfance, pour trois équivalent temps plein. La plupart de ces animatrices sont formées en psychomotricité relationnelle. Leurs compétences reposent aussi sur d’autres expériences professionnelles, des formations ou des «atouts innés», souligne la coordinatrice. «Même si on est des professionnelles, il n’y a pas de hiérarchie avec les familles. On est entre nous, c’est une relation d’égal à égal.»

Avec le temps, un véritable réseau s’est tissé autour du projet. Des bénévoles viennent prêter main forte. Des services sociaux et de la santé conseillent aux familles de passer. En fonction des situations de vie rencontrées, La Maison Source aiguille elle aussi les parents vers des structures plus spécialisées. Des intervenants extérieurs viennent aussi donner des ateliers ponctuels, en matière de diététique, de logement, de premiers secours…

La place des papas

Axée sur la petite enfance (de 0 à 3 ans), La Maison Source tient cependant à pérenniser les relations nouées avec les familles. L’association organise des activités extrascolaires, pour les enfants de 4 à 6 ans. Des sorties gratuites sont ouvertes à tous les membres des familles. Pour découvrir d’autres lieux, une ferme, la piscine, et ainsi oser s’aventurer dans des endroits peu visités par ces familles.

Deux fois par mois, un petit groupe de papas se donne également rendez-vous, pour échanger, avec un membre de l’équipe. «Ce sont souvent des papas seuls, qui viennent chercher des conseils», explique Carmen, animatrice. Et sa collègue Isabelle de rappeler combien «la place des papas est tout aussi importante que celle des mamans dans le développement de l’enfant.»

Enfants placés, pour garder le lien 

La Maison Source accueille aussi les parents dont les enfants sont placés. Elle se veut un «lieu neutre», où le lien se crée ou se recrée, se tisse et se maintient, tant bien que mal. Un lieu loin des regards qui pèsent, qui jugent… Avec le temps et les expériences rencontrées au travers de son projet, Marie Spoden pose un constat : «En Belgique, nous manquons d’espaces de soutien à la parentalité dans des situations où les enfants sont placés. 60% des enfants placés ne retournent jamais dans leur famille. Même s’il est essentiel de protéger les enfants de situations extrêmement difficiles, même si les parents n’ont pas la chance d’avoir une vie stable, est-ce une raison pour rompre définitivement le lien ? Pour les parents, ne plus du tout voir leur enfant est très difficile à vivre. Et les enfants devront porter toute leur vie cette idée que leurs parents n’ont pas su s’occuper d’eux.» Dès lors, La Maison Source souhaite renforcer ses activités d’accompagnement individuel des parents dont les enfants sont placés. «Parce que ces parents-là ont vécu beaucoup de souffrance et ont rarement quelqu’un dans leur environnement social ou familial qui va les aider, les respecter, les porter vers le haut.»

 

Des prix… à la reconnaissance ?

La Maison Source s’est vue décerner le Prix belge des droits de l’enfant 2019 (1), puis le Prix fédéral de lutte contre la pauvreté 2020 (2). Deux prix pour mettre à l’honneur le travail abattu par toute une équipe. Deux coups de pouce financiers aussi, qui assurent à l’association une meilleure stabilité financière… Pour un temps du moins. Depuis sa création, l’association jongle entre appels à projets et soutiens financiers ponctuels. Rien de vraiment structurel, pour l’heure. Le staff de l’association est financé par Viva for Life (Cap48). Un soutien qui ne durera pas éternellement.

La précarité infantile est une compétence transversale, elle touche l’aide à la petite enfance et à la jeunesse, la lutte contre la pauvreté, l’enseignement.

Pour stabiliser financièrement son projet et l’inscrire dans la durée, Marie Spoden s’empare de son bâton de pèlerin avec l’intention de faire le tour des cabinets ministériels. «La précarité infantile est une compétence transversale, elle touche l’aide à la petite enfance et à la jeunesse, la lutte contre la pauvreté, l’enseignement.» Le message qu’elle porte est celui de la prévention. « Il faut bousculer les mentalités, réfléchir autrement. Plutôt que de passer 15 ans à faire du travail curatif quand les enfants sont devenus grands, pourquoi ne pas passer 3 ans à faire du préventif dès la petite enfance ? » La coordinatrice y tient coûte que coûte : « Un enfant, c’est un enfant, point barre. Qui que soient ses parents, il a le droit de bien grandir, comme les autres.»

 

(1) Mis sur pied par l’ONG Plan International Belgique, le Délégué général aux droits de l’enfant (DGDE) et le Kinderrechtencommissariaat.

(2) Du SPP Intégration sociale, dans le cadre du Plan fédéral de lutte contre la pauvreté.

Céline Teret

Céline Teret