À l’hôpital ou chez soi, apprendre malgré la maladie

À l’hôpital ou chez soi, apprendre malgré la maladie

Enseignement

À l’hôpital ou chez soi, apprendre malgré la maladie

Maladies, accidents, troubles psychologiques… Certains enfants et jeunes sont contraints d’effectuer un séjour, bref ou long, en hôpital. Pour apprendre malgré la maladie, ils se voient proposer par les écoles à l’hôpital un suivi scolaire relevant de l’enseignement spécialisé de type 5. Et parce qu’après l’hospitalisation s’enchaîne bien souvent une période de convalescence à domicile, des associations prennent le relais. Focus sur L’Amarelle, une classe à l’hôpital de Jolimont, et sur École Hôpital & Domicile (EHD), une association de professeurs bénévoles. Deux initiatives fonctionnant de concert et apportant aux enfants malades bien plus que du soutien à la scolarité.

Céline Teret Images : Théodora Jacobs 01-02-2023
Une classe ordinaire...

Une grande table et ses chaises colorées. Une carte du monde suspendue non loin d’un poster arborant la conjugaison des verbes «avoir» et «être». Des dessins épinglés au mur, des crayons et pinceaux rassemblés sur l’appui de fenêtre. Un espace jeux, un coin lecture et son étagère regorgeant de livres jeunesse. Au premier coup d’œil, L’Amarelle est une classe tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Si ce n’est, peut-être, ce tuyau d’oxygène et ses branchements qui se faufilent discrètement sur un pan de mur, tel un indice furtif. Car L’Amarelle se situe au cœur du service pédiatrie de l’hôpital de Jolimont, à La Louvière. Et les élèves que cette petite classe accueille chaque jour sont des enfants et des jeunes hospitalisés dans ce même bâtiment.

Enseignante à L’Amarelle, Béatrice Grégoire en est aussi l’initiatrice. Elle raconte: «L’école existe depuis 1998. Il y a cette classe, ici à Jolimont. L’Amarelle fait référence à une plante médicinale de montagne. C’est aussi un clin d’œil au jeu d’enfants, la marelle. Il y a également une autre classe située à 500 mètres d’ici, au CHU Tivoli. On l’a appelée La Coraline, aussi en référence à une plante.» L’Amarelle et La Coraline sont deux classes intégrées dans des hôpitaux mais rattachées administrativement à une école d’enseignement spécialisé (Le Piolet à La Louvière). Si les locaux sont mis à disposition par les institutions hospitalières, ces classes et leurs enseignantes dépendent de l’enseignement spécialisé dit «de type 5» et donc de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Le type 5, késako?

Brève digression… Dans le jargon institutionnel de l’enseignement, les écoles à l’hôpital se rangent dans la catégorie «enseignement spécialisé de type 5». Le décret du 3 mars 2004 organisant l’enseignement spécialisé le définit en ces mots: «Le type 5 est destiné aux élèves qui, atteints d’une affection corporelle et/ou souffrant d’un trouble psychique ou psychiatrique, sont pris en charge sur le plan de leur santé par une clinique, un hôpital ou par une institution médico-sociale reconnue par les pouvoirs publics. Ce type d’enseignement peut être dispensé, quel que soit le lieu où séjourne l’élève durant sa maladie ou sa convalescence…»

En Belgique, les premières structures d’accompagnement scolaire en milieu hospitalier émergent timidement dans les années 50, dans des hôpitaux à Anvers, Bruxelles et Liège. C’est à partir des années 70 que l’enseignement spécialisé assoit institutionnellement les écoles à l’hôpital qui, depuis, ont vu leur nombre s’accroître. Aujourd’hui, une vingtaine d’écoles d’enseignement spécialisé de type 5 sont reconnues, subventionnées et organisées par la Fédération Wallonie-Bruxelles. La taille de ces écoles diffère. Il y a des petites structures, comme c’est le cas de L’Amarelle et de La Coraline à La Louvière. Il y a aussi des structures plus importantes, tentaculaires, disposant de plusieurs implantations, du fondamental au secondaire. Ce qui fait qu’in fine, ce sont plus de 60 services hospitaliers ou institutions qui disposent d’un accompagnement scolaire. Des classes dans les hôpitaux, donc, mais aussi dans des centres thérapeutiques pour adolescents, des centres de psychiatrie infantile…

«Selon qu’on est avec des petits ou des ados, en psychiatrie ou en somatique, le projet sera adapté. C’est vraiment du sur-mesure», souligne Christian Lieutenant, ancien directeur de L’École L’Escale à Bruxelles (une grosse structure) et membre de l’Association des pédagogues hospitaliers (APH). Aujourd’hui pensionné après une carrière dévolue à l’enseignement spécialisé de type 5, Christian Lieutenant, c’est un peu «Monsieur Type 5».

Mot d’ordre: adaptation

Retour au 7e étage de l’hôpital de Jolimont. En ce lundi après-midi, Béatrice Grégoire et sa collègue Stella Cacciatore jouent à un jeu de société avec Achille, un petit garçon dont les sparadraps blancs dépassant du col de son tee-shirt laissent soupçonner une récente opération. Sorti il y a peu du service réanimation, Achille passe le pas de la porte de L’Amarelle pour la première fois. Demain, il est prévu que ses parents lui apportent son cartable et des feuilles de cours, pour potasser tout ça ici, dans sa classe de substitution. Pour l’heure, l’intention des deux enseignantes est surtout de faire connaissance avec le nouveau venu et de le mettre à l’aise. «Alors, Achille, dis-moi, quelle est la date d’aujourd’hui?», interroge Stella devant le panneau en feutre rouge affichant les jours de la semaine, mois et saisons. Généralement, cette question se pose en début de journée, avec tous les élèves de L’Amarelle, tel un rituel permettant de faire connaissance. Mais Achille est seul en classe pour l’instant.

«Parfois on a trois enfants, parfois douze, explique Béatrice Grégoire. Quand un enfant arrive, il ne restera pas pour autant toute la journée. Ils partent au compte-gouttes pour se faire examiner, faire un soin, une échographie… Certains enfants de l’hôpital de jour sont juste de passage quelques heures. Ça vient, ça part, ça entre, ça sort. Une journée ne ressemble jamais à une autre. Le mot d’ordre pour nous, enseignantes, c’est l’adaptation.»

L’Amarelle accueille chaque année entre 600 et 800 enfants et jeunes, âgés de 2 ans et demi à 15 ans. «On a de tout, poursuit l’enseignante. Les enfants atterrissent ici suite à un accident de la route, un malaise, une chute, un accident domestique… Toutes sortes de maladies, parfois génétiques, parfois aussi des cancers qui nécessitent des opérations ou traitements à l’hôpital. De plus en plus souvent, il y a des cas de tentative de suicide, des jeunes en détresse psychologique…» Pour les enfants ne pouvant se déplacer, l’accompagnement scolaire peut se faire à leur chevet, dans leur chambre. Pour les autres, c’est en classe que ça se passe. Rien d’obligatoire cependant. Vient qui veut.

La classe, une bulle

Contrairement au personnel soignant, les enseignantes ne portent pas la blouse blanche. Tout faire pour que l’enfant s’extirpe, l’espace de quelques heures, de sa maladie, de ses maux. «Pour l’enfant, sortir de sa chambre pour venir ici en classe, c’est un peu comme s’il retrouvait une petite vie normale, des repères familiers, souligne Stella Cacciatore. Et souvent, ils nous disent que le temps passe plus vite ici.»

Sa collègue Béatrice enchaîne: «Ici, ils n’ont pas l’impression d’être dans un hôpital… Et sortir de leur chambre leur permet de sortir de l’inquiétude de leurs parents. La classe, c’est une bulle pour eux. Les enfants sont souvent contents de rejoindre un groupe. Ils se découvrent dans leurs différences, d’âge, de pathologie, d’apprentissage… Et nous, enseignantes, on est très disponibles pour eux. La parenthèse passée ici à l’hôpital doit être un moment où l’enfant ou le jeune peuvent se poser, reprendre un peu confiance en eux. Je tiens vraiment à ce que les enfants soient bien, soient respectés là où ils sont.»

Lien avec l’école d’origine

«L’idée de l’école à l’hôpital, c’est que les enfants malades ne décrochent pas de l’école, poursuit l’enseignante. On assure une continuité avec le travail scolaire entamé par l’enfant dans son école d’origine. Dès que l’enfant a son travail, on peut s’y mettre mais toujours à son rythme. C’est de la gestion au cas par cas.»

Pour assurer cette continuité, collaborer avec l’école d’origine est donc indispensable. Qui plus est, les écoles d’origine restent responsables de leurs élèves, même en cas d’absence pour maladie de moyenne ou de longue durée. Elles doivent assurer le suivi scolaire et la certification de tous leurs élèves. Une obligation aux contours flous, qui génère parfois quelques grincements de dents du côté des écoles à l’hôpital. De l’avis du secteur du type 5, la collaboration est très variable. Certaines écoles d’origine réagissent rapidement et activement, surtout dans le fondamental, d’autres répondent moins efficacement, voire semblent aux abonnées absentes. Christian Lieutenant, «Monsieur Type 5», préfère parler de «coresponsabilité»: «C’est à la fois aux écoles du type 5 d’aller vers les écoles d’origine, de montrer qu’elles sont là, professionnelles, reconnues, et aux écoles d’origine d’assurer leurs obligations légales et de collaborer activement avec les écoles à l’hôpital.»

Du côté de L’Amarelle, Béatrice Grégoire semble dans l’ensemble satisfaite de la réactivité des écoles: «Pour le primaire, ça se fait assez facilement. Pour le secondaire, c’est un peu plus compliqué d’avoir des contacts avec les profs, car ils sont plus nombreux, mais on parvient à avoir une réponse, par téléphone, mail… Et aujourd’hui, les jeunes travaillent de plus en plus via des plateformes numériques scolaires. Ils peuvent avoir accès rapidement à leurs cours et à des exercices en ligne.» L’enseignante d’ajouter: «On a un bon retour des écoles, car tout ce qui est fait ici n’est plus à faire.»

Le meilleur de l’enfant

Pour définir sa pratique d’enseignante à l’hôpital, Béatrice Grégoire aime emprunter l’expression «pédagogie du détour»: «On est profs mais on prend des chemins détournés. Il faut toujours qu’on garde en tête qu’on est une école. Donc, même quand je sors un jeu de société pour l’enfant, je sais ce que je vise d’un point de vue pédagogique. On fait petit à petit, on ne force pas. On va aussi voir ce qui ferait plaisir à l’enfant. La particularité de l’enfant hospitalisé, c’est qu’il présente une problématique médicale. L’enseignant à l’hôpital est obligé de faire attention à ça. Un enfant qui ne va pas bien, ici, on va avancer avec lui, à son rythme. Pour nous, c’est tout à fait naturel et normal. C’est très différent dans l’enseignement ordinaire, où certains enfants souffrent de leurs différences. Ici, on réconcilie parfois les enfants avec le terme ‘école’. Ici, certains jeunes parviennent à être eux-mêmes, parce qu’il n’y a pas le regard qu’il peut y avoir dans une classe ordinaire. Parfois, des interactions s’opèrent entre grands et petits, des dons se révèlent… Ici, on a le meilleur de l’enfant. Ce qu’ils aiment dans cette classe, c’est le calme, ils sont entendus, écoutés, ils ont l’impression d’avoir une place. J’aime beaucoup ce contact avec les enfants dans un moment précis, un temps arrêté, l’attention qu’on peut vraiment leur porter.» Ce que l’enseignante déplore néanmoins, c’est le manque de reconnaissance et de valorisation du type 5, notamment dans la formation initiale et continue des enseignants.

Collaborer avec l’équipe hospitalière

Béatrice et Stella évoquent aussi cette position particulière au sein de la structure hospitalière. Faire partie de l’équipe sans vraiment en faire partie, en quelque sorte. Ce qui n’empêche pas une collaboration étroite avec le personnel soignant. «On est dans le service, on est dans nos murs, même si on est des électrons libres, souligne Béatrice Grégoire. Et on fait partie du traitement global de l’enfant. Comme il y a la logopède, le kiné, la psychologue…, il y a l’enseignante. Chaque matin, les infirmières nous remettent une liste des enfants hospitalisés et nous signalent si leur état leur permet ou non de venir en classe. C’est l’occasion d’échanger avec elles sur l’état des enfants. Et, une fois par semaine, on participe au ‘tour psycho-médico-social’, avec une infirmière, un médecin, une assistante sociale, une psychologue, et au cours duquel chaque patient est passé en revue.» Autant d’espaces d’échange qui permettent aux enseignantes d’interroger, interpeller, de partager.

Et après l’hôpital?

C’est une tendance générale dans le monde hospitalier: économies obligent, les durées d’hospitalisation rétrécissent et les hospitalisations de jour prennent du galon. Et c’est là que ça se corse pour les jeunes malades… Si certaines écoles de type 5 détachent des enseignants à domicile (comme à Liège, où l’école Léopold Mottet dispose de son propre service de suivi à domicile), c’est rarement le cas. Bien souvent, dès la sortie de l’hôpital ou de l’institution, les «services» du type 5 s’arrêtent. Il est trop coûteux pour ces écoles de dépêcher des enseignants à domicile.

Les parents doivent alors trouver des solutions de repli: assurer eux-mêmes le suivi scolaire, parfois avec un coup de pouce du titulaire de classe ou en s’appuyant sur les supports numériques en plein boom depuis la période Covid. Dans ce domaine, l’association ClassContact, par exemple, connecte gratuitement les enfants malades ou hospitalisés à leur classe. Mais parfois, ce n’est pas suffisant, voire c’est une charge supplémentaire pour des parents déjà éreintés par l’angoisse et la gestion quotidienne de la maladie de leur enfant.

Relais aux profs bénévoles

Alors, lorsqu’une période relativement longue de convalescence à domicile s’annonce, les enseignants du type 5 aiguillent bien souvent les familles vers d’autres structures. L’association École Hôpital & Domicile (EHD) en est une. Et Rita fait partie de l’équipe de professeurs bénévoles de l’EHD. Après une carrière de 38 ans dans l’enseignement, cette ancienne prof de math souhaitait «se rendre utile et mettre ses connaissances en math au profit de personnes qui en ont besoin».

Ce matin, Rita s’engouffre dans l’entrée d’une petite maison située dans le centre historique de Binche. En haut de la volée d’escaliers, Elia et sa maman l’accueillent, comme chaque semaine ou presque. Rita s’empresse de demander: «Alors Elia, ça a été ton examen de math avant-hier?» La jeune fille, assise à table, arbore un large sourire: «La théorie, je crois que j’ai tout bon. Pareil pour l’appliqué, à part un détail. Dans l’ensemble, ça a été très bien. C’est tout ce qu’on avait préparé ensemble!» Elia est élève au Collège de Binche, non loin de là. Il y a deux ans d’ici, elle s’est soudainement retrouvée en souffrance, incapable de bouger, se lever, dormir… S’est ensuivie une batterie d’examens médicaux, qui n’ont rien révélé de précis, si ce n’est qu’Elia est atteinte d’une maladie auto-immune.

Depuis quelques mois, Elia se sent mieux et d’attaque pour reprendre sa dernière année de secondaire entamée avant sa maladie. «Mon école m’aide. La plupart de mes profs restent assez disponibles. Si besoin, je peux les contacter. On communique aussi en ligne et grâce à un casier réservé pour moi dans la salle des profs. Et j’ai l’aide d’une élève qui est un peu mon relais avec la classe et les profs.» Rita acquiesce: «Oui, l’équipe enseignante est très réactive. La prof de math nous transmet les cours, avec une partie non complétée pour qu’on puisse les travailler ensemble ici, à domicile. Ce n’est pas le cas de toutes les écoles.»

Une «vraie chance»

Parce que l’EHD ne dispose pas de professeurs dans toutes les matières, Elia révise ses cours de latin et grec seule. «Pour les cours de math, avec Rita, mais aussi pour les cours d’anglais et néerlandais, ça m’aide beaucoup d’avoir quelqu’un qui vient chez moi pour m’expliquer les matières et me préparer aux examens. On fait aussi en fonction de mon rythme, car certains jours, j’ai encore du mal à travailler de longues heures.»

Pour la famille d’Elia, découvrir l’existence d’une association telle que l’EHD fut une «vraie chance», comme le souligne sa maman: «En tant que parent, on est désemparé. Face à la maladie, bien sûr, mais aussi au niveau scolaire. Quand on a senti qu’Elia allait mieux, on s’est dit qu’il fallait qu’elle reprenne l’école pour, d’une certaine façon, reprendre une vie ordinaire. L’école d’Elia a toujours gardé contact avec nous, mais il fallait un suivi à domicile. Je ne savais pas vers qui me tourner. C’est le centre PMS de l’école qui nous a aiguillés vers l’EHD.» Autre avantage non négligeable pour cette famille: le soutien scolaire proposé par l’EHD est gratuit. «Nous n’aurions pas eu les moyens de payer des cours particuliers», précise la maman d’Elia.

Le vide du domicile

Elia fait partie des 200 enfants et jeunes qu’École Hôpital & Domicile accompagne chaque année. L’association vient de souffler ses 40 bougies. Composée de 10 antennes régionales à Bruxelles et en Wallonie, EHD intervient à la fois dans les hôpitaux et à domicile. Ses professeurs sont tous des bénévoles, de même que le personnel administratif qui fait tourner la baraque. Quelque 400 bénévoles en tout.

Active depuis de nombreuses années à EHD, Françoise Boedt-Drion est responsable de l’antenne d’Ath-Enghien-Soignies-Mons. Sur son territoire, l’accompagnement scolaire se fait surtout là où la demande est la plus forte: à domicile. «Quand on y pense, c’est quand même incroyable qu’il y ait un tel vide en matière de soutien scolaire à domicile et que ce vide soit comblé par des bénévoles, lance d’emblée Françoise Boedt-Drion. Il y a très peu de services pour les enfants malades coincés chez eux, surtout en province. La circulaire officielle de l’enseignement spécialisé sur l’école à l’hôpital mentionne pourtant l’EHD comme association partenaire. Très bien, mais nous ne recevons quasi pas de subsides. Notre association est reconnue, respectée, appréciée, mais n’est pas suffisamment valorisée au niveau structurel.»

Entre familles, profs et écoles

Sur son territoire, Françoise Boedt-Drion assure le réseautage et la mise en lien entre toutes les parties prenantes. Elle va à la rencontre des familles, pour sonder les besoins et les motivations. «On est attentifs à ce qu’il y ait une maladie identifiée et une école référente. C’est important pour nous que le jeune ait envie d’être accompagné. S’il n’est pas motivé, nos professeurs bénévoles s’épuisent.» C’est aussi Françoise qui auditionne les candidats professeurs, bien souvent «des enseignants pensionnés qui ont envie de se rendre utiles». Une charte signée avec les familles et les bénévoles permet d’asseoir un cadre. La durée et la fréquence des interventions varient au cas par cas.

Autant que possible, Françoise se rend dans les écoles d’origine, pour discuter avec les professeurs. Pour ce qui est de la collaboration avec les écoles d’origine, son constat est similaire à celui des écoles du type 5: «Certains enseignants jouent vraiment la carte de la collaboration, d’autres moins.»

Détresse psy en hausse

Les enfants et les jeunes suivis par EHD sont atteints de pathologies diverses: «Des maladies physiques, simples ou compliquées, des maladies orphelines, dégénératives…, énumère Françoise Boedt-Drion. Parfois, des maladies psychologiques aussi. Mais, en cas de troubles psychiques, on est très prudents. Si le jeune est vraiment mal psychologiquement, qu’il est dans le creux de la vague, débordé par ses émotions et ses angoisses, sa capacité d’apprentissage est bloquée. Et face à un volet fermé, nous, on ne sait pas amener du scolaire. Ça serait contre-productif pour le jeune, et nos professeurs ne sont pas outillés pour faire face à ce genre de situation. Alors, on met le jeune en attente, le temps qu’il trouve un soutien psychologique. Ou on lui propose un contrat court. Dans ces cas-là, on collabore étroitement avec l’équipe soignante et le jeune. On fait le point régulièrement.»

Les différentes antennes d’EHD le constatent: de plus en plus de jeunes sont en détresse psychologique et la période Covid a renforcé cette tendance à la hausse. Même son de cloche du côté de l’enseignement de type 5. Béatrice Grégoire, de L’Amarelle, l’évoque: «Il y a des cas de phobie scolaire, de harcèlement à l’école, des tentatives de suicide, des dépressions… Ces jeunes-là sont bien plus nombreux qu’il y a 20 ans. Mais comme L’Amarelle est une petite structure, ces jeunes sont réorientés vers des structures pédopsys plus élaborées.»

Du côté des écoles du type 5, on déplore qu’avec les jeunes en détresse psychologique, la collaboration avec les écoles d’origine est difficile. Les profs des écoles d’origine se démènent peu pour assurer le suivi scolaire d’un élève qui leur a rendu la vie impossible ou qui pratique l’absentéisme assidu. Par ailleurs, l’enseignement de type 5 accueillant de plus en plus de jeunes atteints de troubles psychiques, le secteur demande à revoir la composition de ses équipes par un encadrement paramédical adapté et plus important. Christian Lieutenant explique: «On peut faire appel à du personnel paramédical dans l’enseignement spécialisé… sauf pour le type 5! Les législateurs ont probablement considéré à l’époque que, dans les hôpitaux ou les centres psys, il y avait tout ce qu’il faut. Mais en classe, on a des enseignants. Et en dehors, les psys ou les assistants sociaux de l’hôpital ou de l’institution n’ont pas cette approche scolaire.» L’enseignement de type 5 demande donc du renfort.

Céline Teret

Céline Teret