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Regard critique · Justice sociale

Environnement/territoire

Les produits équitables séduisent les communes

Lutter contre la pauvreté dans le Sud en sensibilisant pouvoirs locaux et citoyens à une plus grande consommation de produits équitables, tel est le but d’une campagne qui cartonne en Belgique.

11-05-2012 Alter Échos n° 337

Lutter contre la pauvreté dans le Sud en sensibilisant pouvoirs locaux et citoyens à une plus grande consommation de produits équitables, tel est le but d’une campagne qui cartonne en Belgique.

L’opération connaît un succès grandissant dans notre pays. Consommer équitable, entre prise de conscience citoyenne et mouvement de mode, séduit les populations. Pierre Laviolette, responsable de la campagne « Communes du commerce équitable »1 pour Max Havelaar.

Alter Echos : Quand a commencé la campagne en Belgique ?
Pierre Laviolette : La campagne flamande « Fair Trade Gemeente » a débuté très tôt, dès 2004. Plusieurs communes de Bruxelles ont enchaîné. En Région wallonne, elle a commencé quatre ans plus tard. Nous avons ciblé la thématique environnementale dans laquelle s’inscrit tout à fait le commerce équitable. Echevins de l’environnement, écoconseillers, agences de développements locaux… Autant d’acteurs qui ont pu répercuter la campagne. Certaines communes mettent du temps à obtenir le titre de Commune du commerce équitable car les acteurs sur le terrain sont peu nombreux, d’autres voient leur dossier clôturé plus vite car elles remplissent aisément les critères de sélection. En moyenne, il faut un à deux ans pour obtenir le titre. En fait, nous préférons que les choses n’aillent pas trop vite, ce type de campagne s’inscrivant sur la durée, en imprégnant l’esprit des gens en profondeur pour qu’ils développent un maximum d’initiatives.

La campagne des Fairtrade Towns (Communes du commerce équitable) est née en 2001, dans le petit village anglais de Garstang et touche aujourd’hui les villes d’une vingtaine de pays. Chez nous, les communes doivent répondre à six critères : l’engagement de l’autorité communale à consommer des produits équitables ; le même engagement de la part des commerces et de l’horeca ; une participation des entreprises, organisations et écoles ; une communication active pour développer la campagne ; la création d’un comité local de pilotage afin de représenter les acteurs locaux et le développement de la consommation de produits agricoles locaux et durables. Notre pays a également choisi de promouvoir les petits producteurs du cru. En Wallonie, une cinquantaine de communes participent. L’initiative est encadrée par Max Havelaar et soutenue par la Région wallonne, la Communauté française et la Direction générale de la Coopération et du Développement.

AE : Le plus compliqué n’est-il pas de convaincre les autorités communales de rompre avec des habitudes d’achat de marques de produits ?

PL : Ce n’est jamais facile de rompre les habitudes. A une commune qui désire s’inscrire dans une politique de développement durable, nous lui disons de se montrer cohérente en adhérant à une politique d’achat de produits du Sud, garantissant un prix minimum pour les producteurs, et en se manifestant par des actions bien concrètes. Dans beaucoup de communes, différentes initiatives existent déjà et notre campagne permet de les fédérer et d’aller plus loin. C’est d’ailleurs très marquant par rapport à notre critère de consommation de produits locaux. Produits du Sud et produits d’ici participent des mêmes valeurs et c’est la raison pour laquelle ce point, propre à la Belgique, a de quoi convaincre le plus grand nombre.

AE : Outre la fierté d’obtenir le titre, et la publicité qui en découle, quels sont les autres avantages à devenir Commune du commerce équitable ?

PL : Tisser des liens sociaux : employés de la commune, membres de l’associatif et citoyens se retrouvent avec cette envie de porter un même projet. Mais comme toute dynamique participative, il s’agit d’un travail de longue haleine. Il suffit pourtant d’une ou deux personnes emballées par le projet pour entraîner dans leur sillage d’autres passionnés.

AE : N’est-ce pas devenu un phénomène de mode ?

PL : L’image améliorée d’une commune, dynamique et dans l’air du temps, est sans nul doute un élément déterminant pour les pouvoirs locaux. Avec les élections qui s’annoncent, on voit certains dossiers s’accélérer pour les finaliser. Pas question de passer à côté d’une occasion de plus grande visibilité. Mais l’important, justement, dans cette campagne, c’est de dialoguer avec différents acteurs et pas seulement avec les communaux. A nous, avec nos partenaires Oxfam et Maya, de veiller au grain et de vérifier qu’il existe bien une dynamique porteuse qui ira bien au-delà du titre. De toute façon, chaque commune titularisée doit remettre, l’année suivante, un dossier présentant les nouveaux objectifs à atteindre. Nous assurons le suivi et vérifions la teneur des activités engagées.

AE : Avez-vous déjà rencontré des difficultés, voire des pressions, du fait que vous concurrencez des marques alimentaires non équitables ?

PL : Dans les communes, nous fonctionnons notamment avec les marchés publics. Une commune qui décide de travailler sur le développement durable peut, dans ses marchés publics, décrire le type de produits qu’elle désire utiliser, en l’occurrence ici, choisir de façon délibérée des produits équitables. Aujourd’hui, de plus en plus de marques ont ne fut-ce qu’une ou deux gammes de produits à caractère équitable pour répondre à la demande grandissante. Que certaines marques se sentent exclues, c’est sûrement le cas, mais les communes sont libres de faire leur choix.

Hier et aujourd’hui

La commune de Florennes a obtenu le titre de commune équitable en octobre 2011. Elle fut l’une des premières à se lancer dans l’aventure en Wallonie. Yasmina Dejgham2, responsable du projet : « Florennes participant à l’Agenda 21, promouvoir le commerce équitable semblait logique. Mais nous avons surtout été poussés par la demande des citoyens eux-mêmes, demandant à ce que la commune se positionne quant à une consommation plus responsable, au développement durable, aux produits bio et aussi équitables. Il y avait également l’envie d’aider les producteurs locaux. Avec l’aval du collège, j’ai rapidement monté un comité de pilotage. Nous avons à Florennes, un magasin de produits équitables « Tous ensemble », géré par une asbl, qui a vu sa clientèle fortement augmenter. A l’administration communale, nous utilisons café, sucre et boissons équitables ainsi que des produits du terroir. Mon but cette année est de cibler au maximum les écoles. La bibliothèque de Florennes est aussi très active et nous aimerions monter avec elle et notre centre de réfugiés Fedasil une animation spécifique lors de la Semaine du commerce équitable en octobre prochain. »

Anthisnes a reçu ce titre le 12 mai 2012. Cécile François, coordinatrice de la campagne3 : « Nous nous sommes inscrits il y a un an. Il existait déjà différentes initiatives, notamment dans les écoles, pour sensibiliser aux produits du commerce équitable. Ce titre fait que nous allons beaucoup communiquer auprès de la population qui est très demandeuse. Anthisnes est une petite commune, tous les commerçants se connaissent. Une nouvelle taverne propose du vin équitable, la population demande à disposer d’une liste de producteurs locaux. Nous avons un maraîcher bio qui possède sa propre épicerie « La Ferme de Targnon », et une épicerie du terroir au château de l’Avouerie, qui vend de plus en plus de produits équitables. »

Nivelles et Olne se sont également vues décerner ce titre ce 12 mai.

Gilda Benjamin

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