Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Vu de Flandre

Les papys immigrés aussi seuls que les vieux de Brel

Selon une étude de l’administration flamande, le cliché selon lequel on s’occuperait davantage des seniors dans les familles d’origine immigrée ne correspond plus à la réalité.

Selon une étude de l’administration flamande, le cliché selon lequel on s’occuperait davantage des seniors dans les familles d’origine immigrée ne correspond plus à la réalité.

C’est un cliché qui a la vie dure. Les Belges de souche s’en remettraient à des institutions pour s’occuper de leurs seniors tandis que les familles d’origine immigrée prendraient en charge les leurs. Selon une étude de l’administration flamande, ce schéma ne colle pas, ou plus, à la réalité. 1 446 personnes âgées de 18 à 44 ans ont été sondées et l’échantillon a été séparé en deux parties selon l’origine géographique : Union européenne et hors-UE, principalement Asie et Afrique dans ce dernier cas. Et la conclusion de Lieve Vanderleyden, l’une des auteurs, est claire : « Le pays d’origine ne joue pas de rôle significatif. L’aide accordée aux parents et beaux-parents est la même, que l’on soit d’origine belge ou étrangère. Alors que nous nous attendions à ce que les personnes âgées d’origine non occidentale se reposent davantage sur leur entourage. »

Mais, pour les acteurs de terrain, ce n’est pas vraiment une surprise. Les aides-soignants voient de plus en plus d’immigrés âgés parmi leurs patients, et certainement dans les grandes villes et les bassins traditionnels d’immigration comme le Limbourg. « Nos aides-soignants à domicile sont de plus en plus confrontés à des patients qui viennent d’autres cultures », confirme Carine Ogiers de la Croix jaune et blanche. « Et avec le vieillissement de la population, cela deviendra de plus en plus fréquent dans les prochaines années. Le secteur ferait bien de s’y préparer. »

Pour Carine Ogiers, cette étude vient à point nommé pour attirer l’attention sur cette problématique. « Lorsque les personnes âgées reçoivent de l’aide, c’est la plupart du temps à la demande de leurs enfants. Mais l’image que ceux-ci se font de la famille et l’idée que celle-ci doit toujours être au centre de tout pèsent lourd sur leurs épaules. Certainement en ce qui concerne les soins aux aînés », estime-t-elle. « D’un côté, les jeunes voudraient bien s’occuper eux-mêmes de tout ce qui ne nécessite pas un spécialiste. Mais d’un autre côté, cela s’avère souvent impossible. Parce que l’on parle là de la deuxième ou de la troisième génération, de gens qui sont parfaitement intégrés, avec un travail, des ambitions professionnelles, une maison à rembourser et des enfants dont il faut s’occuper. Ce groupe se retrouve coincé entre deux modèles – en partie à cause de ce cliché qui a la vie dure. » Selon Lieve Vanderleyden, la naissance des enfants est souvent un moment charnière dans cette optique.

Attentes limitées

Lorsque les seniors font appel à leurs enfants, c’est le plus souvent pour de petites choses : faire les courses, aller à la banque ou nettoyer les carreaux, par exemple. Pour des soins plus médicaux, ils solliciteront en premier lieu leur conjoint. Les plus de 65 ans estiment en général, quelle que soit leur origine, que ce n’est pas le rôle de leurs enfants de s’occuper d’eux. Cela n’étonne pas Lieve Vanderleyden : « Ils ne veulent pas être un poids pour leur descendance. Parce que celle-ci a sa propre vie et ses propres soucis. Dès lors, ils limitent d’eux-mêmes leurs exigences. Et quand ils souffrent de la solitude, ils développent surtout des attentes vis-à-vis de leurs voisins et de leurs amis et connaissances. »

Mais l’augmentation de la diversité implique également que le secteur des soins se mette à penser et à travailler autrement. « La Croix jaune et blanche organise par exemple des séances d’information sur l’obésité à domicile. Un peu sur le principe des réunions Tupperware. Parce que c’est un problème assez récurrent auprès des musulmans âgés. La femme hôte invite les gens des alentours et nous venons expliquer quels sont les dangers de la maladie, ce qui permet en même temps de réduire la méfiance vis-à-vis d’une organisation comme la nôtre. »

Enfin, selon Jo Vandeurzen, le ministre flamand de l’Aide sociale (CD&V), un des moyens de réduire les réticences des anciens à avoir recours au système de soins sera également d’engager de plus en plus de jeunes d’origine immigrée dans ce secteur. Une campagne de promotion visant cette population sera bientôt lancée, a-t-il encore précisé.

Pierre Gilissen

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)