Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Archives

Les migrants, acteurs de la politique de développement ?

Le 17 juillet dernier, le ministre de la Coopération au développement, Armand De Decker, de retour de Rabat où il participait à la conférence eurafricaine surles migrations, rencontrait les diasporas de Belgique. Par diasporas, il faut entendre les représentants d’associations de ressortissants originaires du sud. Autour de la table, oncomptait principalement des Africains, quelques Marocains mais peu d’Asiatiques ou de Sud-Américains. Le public visé était clairement les Africains dont les pays sontprioritaires en matière de coopération1.

24-08-2006 Alter Échos n° 212

Le 17 juillet dernier, le ministre de la Coopération au développement, Armand De Decker, de retour de Rabat où il participait à la conférence eurafricaine surles migrations, rencontrait les diasporas de Belgique. Par diasporas, il faut entendre les représentants d’associations de ressortissants originaires du sud. Autour de la table, oncomptait principalement des Africains, quelques Marocains mais peu d’Asiatiques ou de Sud-Américains. Le public visé était clairement les Africains dont les pays sontprioritaires en matière de coopération1.

L’objectif de la rencontre était double : présenter aux membres des diasporas du sud divers projets défendus par le SPF Coopération au développement etlancer un processus de consultation de ces derniers afin de glaner des suggestions et surtout s’acquérir leur participation dans des projets de développement. Un mot d’ordre: que la migration cesse d’être une obligation pour devenir un choix….

L’actualité récente a démontré l’urgence de la question. En trois jours, du 18 au 20 août, pas moins de 1300 boat people avaient atteint lescôtes espagnoles. Convaincu que la politique de développement peut contribuer à agir sur les causes de ces migrations, Armand De Decker défend une approche globale reposantsur un rôle plus conséquent de la société civile. En mars dernier, trois ministères (les Affaires étrangères, l’Intérieur et laCoopération au développement) organisaient une concertation sur les migrations afin de coordonner leurs politiques.

Un Mida pour le Maroc

Mais quel rôle les diasporas seraient-elles amenées à jouer ? Depuis 2001, le programme Mida Grands lacs2 vise à mobiliser des ressources descommunautés burundaise, congolaise et rwandaise à l’étranger afin de contribuer au développement de leur pays d’origine. Mis en œuvre parl’OIM3, ce programme international est soutenu au niveau belge par le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement.L’idée circule de créer une institution équivalente en charge des migrations au sein de l’ONU.

Migr’actions4 est un autre exemple de cette politique. Mais ce programme s’achèvera à la fin de cette année car le Ciré, son principalorganisateur, a estimé que sa fonction première était de s’occuper des demandeurs d’asile sur le territoire belge.

Dans le courant de 2007, le programme Midma sera lancé sur le modèle de Mida. Son objectif est de mobiliser les compétences et les ressources de la diaspora marocainerésidant en Belgique pour le développement du Nord du Maroc. Mais la comparaison avec Mida Grands Lacs s’arrête ici car là où le programme africain couvraitles domaines de la santé, de l’éducation et du développement durable, Midma se propose de renforcer les centres d’appui aux PME, des conseils sur des dossierséconomiques (création de PME, financement, etc.), des réflexions sur la stratégie régionale en matière de développement économique. « Leprogramme visera donc à favoriser la migration circulaire (« brain circulation »), contribuer au développement économique régional du Nord du Maroc,renforcer/créer un ou des centre(s) d’appui aux PME et renforcer les liens avec le pays d’origine », explique-t-on au SPF Coopération au développement.

Des transferts financiers qui dépassent de loin la coopération

Des études ont montré que les ressortissants originaires des pays du sud transfèrent chaque année des sommes quatre fois supérieures à tous les budgets decoopération des pays occidentaux5. Une manne financière qui n’est pas passée inaperçue du gouvernement mais qui reste difficilement « canalisable». Deux approches sont pour l’instant sur la table : réduire les coûts des transferts (« appelés remittances ») de ces fonds privés dusprincipalement au monopole de quelques sociétés dont Western Union. Et encourager l’utilisation de ces fonds dans le cadre de projets de développement. Une piste : le « trespor uno mexicain »6. « Je préconise la création d’un « Fonds européen de transferts et de développement », explique Armand De Decker,« en nous inspirant du modèle bien connu « tres por uno » mexicain. Il réunirait des fonds privés – les transferts à destination du Maghreb, duSahel et d’Afrique subsaharienne – et des fonds publics – en provenance de notre coopération au développement. »

Autre piste explorée, le « Development Marketplace » (DM)7, ou la bourse aux projets de développement. Ce concours organisé par la Banque mondialefonctionne déjà depuis plusieurs années à Washington et accorde des bourses aux meilleurs projets de développement défendus par des membres des diasporas.L’objectif principal du DM est d’identifier et de soutenir des idées novatrices dont les résultats peuvent être appliqués ou étendus dans d’autressituations.

Reste à savoir sur quelles modalités et selon quelles procédures le SPF Coopération au développement entend collaborer avec ces diasporas. La réunion du17 juillet réunissait plus d’une centaine de personnes. Mais les attentes autour de la table étaient diverses et confuses : revendications politiques, remerciements pour des aidesoctroyées, demandes de soutien à des projets particuliers. Reste à voir si le SPF Coopération se donnera les moyens de consulter ces migrants sur une base approfondie sanstomber dans le piège de la consultation de forme et l’effet d’annonce de programmes déjà bien avancés dans leur conception.

1. La liste des pays partenaires de la coopération belge est disponible sur le site de la DGCD.

2. Le Programme MIDA Grands Lacs.
3. Le site de l’OIM (Organisation Internationale pour les migrations) : www.iom.int
4. Migr’actions sur le site du Ciré (Coordination et Initiatives pour et avecles Réfugiés et Étrangers)
5. Rapport OCDE sur les migrations en Europe occidentale : « Tendances desmigrations internationales et des politiques migratoires » .
6. Principe dui programme « Tres por uno » ou « trois pour un » au Mexique : pour chaque peso investi dans le pays par un résident à l’étranger, l’État fédéral,l’État local et la municipalité apportent chacun un peso supplémentaire.
7. Le « Development Marketplace » sur le site de la Banque mondiale.

nathalieD

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)