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Regard critique · Justice sociale

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"Les jardins potagers, terreaux de solidarité et de réinsertion sociale et économique"

07-05-2001 Alter Échos n° 97

Dans le cadre de l’année des saveurs, la cellule des « Parcs et Jardins de la Province de Namur »1 a organisé le 19 avril, dans les locaux de l’Écolehôtelière provinciale de Namur, un colloque intitulé « Les Jardins de la solidarité ». Terriblement copieux, il rassemblait des spécialistes en provenance de France :(Ecopôle-Nantes et le réseau Cocagne) et de différents coins de Wallonie-Bruxelles (la ferme de la Vache du CPAS de Liège, le terrain de maraîchage du CPAS de Namurmais aussi la Ligue des Coins de Terre, les Fraternités ouvrières de Mouscron, la Cité Jardin de Saint Vaast et l’Institut Bruxellois pour la Gestion del’Environnement.)
M. Demaure d’Ecopôle2 a raconté l’histoire des jardins communautaires de Nantes : « Il n’est pas simple de créer un grand parc public à vocationpotagère. Il faut procéder à une enquête publique, rassembler des budgets. L’Association des Jardins familiaux nantais s’est constituée en 1980 pourgérer des jardins potagers dont le propriétaire était la Ville de Nantes, chargée, elle, de l’aménagement des chaussées, des abris de jardins, etc.À l’origine, il s’agissait d’occuper les vides laissés par les grands programmes de logement social en périphérie des ZUP (Politique des villes). En1994, la municipalité a relancé une nouvelle fois un programme volontariste : création de 100 jardins par an pendant 5 ans avec une ligne budgétaire spécifique de500.000 FF/an. Aujourd’hui 740 parcelles sont réparties sur 15 sites (1.000 ha d’espaces verts publics) ». L’évolution de ces jardins depuis 1995 est marquée parla volonté de casser l’image caricaturale des jardins ghettos sociaux et de choisir de nouvelles implantations de sites : square dans le centre ville, en bordure de rivièreà la porte d’un grand lycée, dans un square en pied d’immeuble etc.
Récemment, s’est mis en place à Nantes un schéma directeur des jardins familiaux, une commission paritaire d’attribution des jardins, un poste de chargé demission spécifique, une politique de sensibilisation des jardiniers à l’environnement, une ouverture des jardins aux publics scolaires et une mise en réseau des 7associations de gestion qui se sont créées. Les parcelles de jardins, propriétés de la Ville, sont louées aux associations qui perçoivent une cotisationauprès des jardiniers adhérents (frais d’entretien et de gestion – eau, électricité, assurance).
Quant au réseau Cocagne3, il a essaimé une cinquantaine de jardins à travers toute la France depuis 1991. Une charte affirme 4 principes de base : l’insertion sociale etprofessionnelle de personnes en difficulté, la production de légumes biologiques, leur distribution hebdomadaire auprès d’un réseau d’adhérents(cotisation de 400 F/semaine pour une famille de 4 personnes), la collaboration avec les agriculteurs biologiques locaux. Les vertus équilibrantes du travail de jardinage individuel etcollectif, le fait de passer de la position d’assistés à celle de producteurs permettent aux personnes en situation de précarité de retrouver un statut social et dese refaire une image valorisante (en 1999, sur 47 jardins évalués, 32% de personnes ont connu une sortie vers l’emploi, 13% vers une formation, 13% vers une insertion sociale). M.Henckel, directeur du réseau Cocagne, explique la fonction de ces jardins : ýNous avons vécu 20 années miséreuses. Aujourd’hui, 1.850.000 personnes ont de bassalaires en France et les inégalités perdurent, on voit que la pauvreté ne mène qu’à l’implosion personnelle et non à l’explosion sociale.En embauchant un ou deux maraîchers professionnels pour accueillir et former les personnes exclues, nous recréons du lien social et permettons une insertion économique grâceau support de ces jardins. »
Chez nous, les jardins potagers ont aussi une histoire qui date de la fin du XIXe siècle quand s’est constituée la Ligue des Coins de Terre4 en France et en Belgique :déjà en 1913, 69.250 familles jardinaient des coins de terre mis à leur disposition par la Ligue. Aujourd’hui, ce sont les CPAS de Liège et de Namur qui ont comprisles bienfaits du maraîchage pour les bénéficiaires du minimex ou de l’aide sociale : à Liège, la Ferme de la Vache5 sert de projet pilote dans un siteclassé datant du XVIe siècle. Le projet a démarré en 1998 près du quartier Pierreuse avec une subvention actuelle de 2 millions en provenance du cabinet wallon desAffaires sociales (Detienne). Le jardin collectif est accessible de mars à fin octobre, pour les jardiniers-stagiaires à raison de 20h/semaine. Ceux-ci tout en apprenant la culturebiologique et le respect de l’environnement retrouvent une forme d’autodiscipline et découvrent un système d’économie solidaire. La convivialité estrenforcée avec des repas cuisinés et partagés le vendredi, avec le partage des récoltes (livraison de légumes à des familles en difficulté, CroixRouge etc.) Les stagiaires reprennent chaque semaine leur panier de légumes. (333 kg en 2000). Au-delà de la production de légumes, des ateliers de cuisine, de jardinage etmême de réparation vélos font également partie du développement communautaire de la Ferme de la Vache. Et un programme de valorisation du site des coteaux de laCitadelle accompagné d’activités pédagogiques et d’une création de jardins familiaux pour personnes à revenus modestes ne possédant pas de jardinest également en chantier.
Quant au CPAS de Namur6, il développe depuis 1985 un projet de maraîchage plus traditionnel avec un public plus âgé (5 personnes à raison de 38h semainerémunérées par l’article 60) Un marché est organisé tous les 15 jours pour le personnel du CPAS et le public des maisons de repos liées au CPAS et durestaurant du cœur.
Face au jardinage spontané de terrains en jachère par la population, l’Institut bruxellois pour la gestion de l’environnement7 a décidé de gérer cesjardins potagers dont les terrains appartiennent à la SNCB, à des CPAS, des Communes et quelques propriétaires privés. « Il fallait réduire les problèmes desécurité et supprimer la frustration lorsque les jardiniers doivent abandonner le terrain qu’ils exploitent depuis 20 ou 30 ans. La mission de l’IBGE était decréer des parcs publics au détriment des jardins potagers. L’idée fut de profiter de l’occupation spontanée pour les y maintenir. » exprime M. Vanderhulst. Cinqsites sont gérés aujourd’hui. Des prises d’eau sont forées jusqu’à la nappe phréatique au lieu d’installer l’eau courante « parcequ’il faut mériter l’eau. ». Les parcelles sont cédées contre des loyers symboliques par bail 3-6-9. Ce qui oblige un contact annuel et une responsabilisation. Desaires c
ommunes de compostage, des abris de jardin et des sanitaires sont équipés par l’IBGE. La demande de parcelles est plus forte que l’offre. Les Cercles horticoles sontpour l’IBGE des partenaires privilégiés et incontournables pour faciliter la gestion, la convivialité et créer un dynamisme autour de ces jardins potagers collectifset solidaires.
1. « Parcs et Jardins de la Province de Namur », av. Reine Astrid, 22 à 5000 Namur, tél. :081 72 97 07, fax. : 081 72 97 23. Contact : Dominique Regnier. Site : http://www.parcsetjardins.org
2. Ecopôle, rue des Hauts pavés, 116 à F-44000 Nantes, tél. +33 240 76 96 15.
3. Réseau Cocagne, chemin des Verjoulots, 9 à F-25000 Besançon, tél. : +33 381 21 21 10, e-mail : verdon@aol.com
4. Ligue des coins de terre, rue de Huy, 40 b à 4300 Waremme, tél. : 019 32 23 93.
5. Ferme de la vache, CPAS de Liège, place St jacques, 13 à 4000 Liège, tél. : 04 220 58 36.
6. CPAS de Namur, rue d’Harscamp, 3 à 5000 Namur, tél. : 081 24 25 11.
7. IBGE, Gulledelle, 1000 à 1200 Bruxelles, tél. : 02 775 75 11.

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