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Les CPAS wallons poussent l'insertion, avec peu de moyens

La Radioscopie 2008 des politiques d’insertion socioprofessionnelle dans les CPAS wallons vient de sortir. Un rapport bisannuel toujours très instructif quant aux évolutionsen matière d’insertion du public des CPAS.

12-12-2008 Alter Échos n° 264

La Radioscopie 2008 des politiques d’insertion socioprofessionnelle dans les CPAS wallons vient de sortir. Un rapport bisannuel toujours très instructif quant aux évolutionsen matière d’insertion du public des CPAS.

Sur 42 664 bénéficiaires, les CPAS wallons et germanophones remettent dans une forme active d’insertion 19 152 bénéficiaires, soit 45 % de leur public. On retrouvedans ces chiffres les mises à l’emploi, les mises en formation et les mises aux études.

Des chiffres dont la Fédération des CPAS wallons n’est pas peu fière et qu’elle entend visibiliser. C’est notamment le rôle de la radioscopie20081 qui vient de paraître. « Le grand public continue trop souvent à imaginer un CPAS qui s’inscrirait dans une logique d’assistanat en octroyant passivement unrevenu d’intégration aux personnes, regrette Claude Emonts (PS), président de la Fédération des CPAS wallons. Cette image ne correspond pas du tout à laréalité. D’autre part, les CPAS ne sont pas suffisamment soutenus financièrement pour le travail colossal effectué. Ainsi, l’insertion professionnelle et les mises auxétudes sont trop peu subsidiées. Quant aux mises en formation, elles ne le sont que partiellement et dans un cadre restreint. » Des revendications loin d’être neuvesdans le chef des CPAS mais qui, avec l’augmentation du nombre de bénéficiaires ces dernières années, n’en trouvent aujourd’hui que plusd’acuité.

Les étudiants

Ainsi, en 2002, les CPAS wallons et germanophones prenaient en charge 3 866 étudiants. En 2008, le chiffre est de 6 068, soit une évolution de 57 % en 6 ans. Actuellement, legouvernement octroie une majoration du remboursement de l’aide sociale octroyée, de 50 à 70 %. Le reste étant à charge du CPAS. La demande de ceux-ci à êtresubsidiés à 90 % est jusqu’à présent restée lettre morte.

La mise en formation

4 201 personnes étaient mises en formation au 1er janvier 2008. Ici aussi, l’on doit constater une forte progression : + 11,3 % par rapport à 2006 (et 49,3 % depuis 2005).Dans le cadre restreint d’une formation par le travail organisée par un pouvoir public de formation et pour une période de 6 mois, le gouvernement fédéral permet unremboursement à 70 % de l’aide sociale octroyée, le reste étant à charge du CPAS.

Les bénéficiaires du revenu d’intégration (RI)

Le nombre de bénéficiaires du RI croît sensiblement depuis la dernière radioscopie (2006) : + 2,2 % en 2 ans mais il croît de plus de 21,5 % sur les 6dernières années. 58,3 % des bénéficiaires du RI sont des femmes. La Flandre, depuis 1998, voit le nombre de ses bénéficiaires diminuer pour, depuis 2002,quasi se stabiliser et baisser à nouveau en 2008 (- 15 % en 2 ans). Bruxelles progresse depuis 2000 de manière importante (x 60 %). Si l’on regarde le nombre debénéficiaires pour 100 habitants, pour la Flandre, on a 0,35 ; pour Bruxelles, 2,05 et pour la Wallonie, 1,03.

La prise en charge des « punis » du chômage

Au 31 octobre 2007, les CPAS étaient amenés à prendre en charge 2 163 bénéficiaires ayant subi une sanction de l’Onem. Ce chiffre représente 6,3 % dutotal des bénéficiaires du RI dans les rangs des CPAS. C’est une croissance spectaculaire de 580 % en deux ans. Et selon les CPAS, ce problème ne fait que s’amplifier. AlterÉchos a, en son temps, consacré un article à cette problématique dans le n° 237 (cfr « Activation deschômeurs : le rythme de la croisière n’amuse pas les CPAS« ) et y revient, dans ce numéro même, pour ce qui concerne la Région bruxelloise.

Les bénéficiaires de l’aide sociale équivalente (ASE)

Le chiffre des ASE poursuit sa baisse2, avec une diminution de 33,1 % en près de deux ans. Au niveau de la répartition par genre, le phénomène est exactementinverse à celui du RI et l’on trouve 57,09 % d’hommes parmi les bénéficiaires. Parmi ceux-ci, figurent essentiellement les candidats réfugiés politiques. Et parmiles isolés (qui représentent 32 % des situations), 78 % sont des hommes.

Des bénéficiaires de plus en plus jeunes

Les CPAS ont une population de plus en plus jeune avec une difficulté certaine pour remobiliser la tranche d’âge des 18-24 ans, considérée par les CPAS comme la plusdifficile. Notons également que les moins de 18 ans pris en charge par les CPAS sont de plus en plus nombreux. « Même si, en chiffres absolus, cela n’est pas un chiffre important,il y a lieu de s’interroger sur ce phénomène qui s’accentue au fil des ans, alerte la Fédération. On est passé de 0,4 % en 2006 à 1,07 % en 2008, soit unchiffre de 445 bénéficiaires en Région wallonne. » Les personnes de plus de 45 ans voient également leur nombre progresser (+ 2,5 %). Par contre, la tranche25-44 ans voit son chiffre diminuer considérablement (- 5,4 %).

Les sanctions

Sur l’ensemble des bénéficiaires (RI + ASE), 1,8 % a subi une sanction durant l’année 2007. Les raisons évoquées sont les suivantes : non respect du projetindividualisé d’intégration sociale (PIIS) : 0,7 % ; non disposition au travail : 0,5 % et fraude : 0,29 %. « Les sanctions sont généralement utiliséesaprès le recours au dialogue et à la mise en demeure, précise la Fédération. Cela reste assez faible au total. »

L’article 60 § 7

L’outil d’insertion professionnelle par excellence pour les CPAS est l’art. 60 § 7. « Nous nous attendions en 2008 à une stabilisation, ce n’est pas vraiment le cas. Les chiffressont en diminution. En effet, nous passons de 4 175 art. 60 § 7 en 2006 à 3 988 art. 60 § 7 en 2008, soit une baisse de 4,5 %. » Toutefois, cette diminution estcompensée par d’autres formes de mise à l’emploi et dans l’ensemble le nombre de mise à l’emploi est en progression.

« L’engagement par un CPAS d’un art. 60 § 7 n’est pas sans coût, tient à souligner la Fédération. Au contraire, après avoir retiré l’ensembledes subsides dont il peut bénéficier, le CPAS reste avec un coût net de plus de 10 000 euros par an et par engagement. Il est donc mensonger de laisser à penser que lesCPAS, en demandant une intervention financière aux asbl par exemple, font du profit. La politique art. 60 § 7 coûte cher aux CPAS et communes. » Ici encore, les CPASréclament une subsidiation beaucoup plus forte de la part des autorités ainsi qu’une reconnaissance « à la mesure de l’effort des centres ». Une autre idéereçue serait qu’un art. 60 §
7 est forcément un tremplin vers les allocations de chômage. « C’est faux, rétorque la Fédération, 42 % des art. 60§ 7 retrouvent la voie d’une insertion professionnelle durable. L’étude de la Fédération des CPAS à ce sujet est formelle3. » Ajoutonségalement que selon cette étude, le meilleur outil d’insertion durable est l’art. 61 avec un taux de réussite à long terme de 68 %.

La part relative des art. 60 § 7 utilisés au sein même du CPAS tend à diminuer. « Cela peut être expliqué par le fait que les CPAS sont souvent enmanque de personnel d’encadrement et en manque de locaux », avance la Fédération. La part de mise à disposition dans les asbl progresse, elle, de 2 %. Le secteur del’économie progresse de 1 %. Une faible augmentation que la Fédération attribue au secteur de l’économie sociale qu’elle égratigne au passage :« Certains CPAS se sont montrés peu satisfaits de la collaboration avec le secteur de l’économie sociale qui établit un trop grand turn over et, finalement, formetrès peu les personnes, contrairement aux intentions mentionnées au départ. »

Les mises à disposition dans les communes régressent quant à elles légèrement et il est intéressant de remarquer que 20,3 % de l’ensemble des art. 60§ 7 travaillent pour des maisons de repos. Par contre, leur mise à disposition dans les entreprises privées commerciales est en baisse régulière depuis 2004. Unphénomène qui s’explique par le nombre croissant de conflits et de procès lors de ces mises à disposition et une volonté affichée de privilégierl’art. 61 qui progresse de près de 19 % pour devenir la première mesure d’insertion après l’art. 60 § 7 (cf. Alter Échos n° 256, »Article 60 àtous prix« ). Et notons qu’elle prend le dessus sur l’art.60 § 7 mis à disposition du secteur privé4.

La mesure Sine destinée aux entreprises d’économie sociale, qui jusqu’en 2006 était insignifiante, devient une mesure importante de mise à l’emploi. L’Activa sestabilise et l’on constate un regain étonnant de la mesure PTP. Enfin, dernier constat pour le moins interpellant : seuls 47 % des CPAS organisent un contact formalisé entre le serviced’insertion et le service social général. La Fédération note même une régression dans ce type de contacts structurés : – 15 % en 5 ans !

La radioscopie foisonne encore de chiffres, tous plus intéressants les uns que les autres, nous ne pouvons que renvoyer au document le lecteur intéressé.

1. L’étude complète est disponible sur le site web de la Fédération des CPAS wallons : www.uvcw.be/cpas
2. Une baisse qui s’explique, selon Rocardo Cherenti, auteur de la radioscopie, par de multiples facteurs. « En 2000, on comptait 40 000 candidats réfugiés par an enBelgique. En 2008, le chiffre passe à 15 000. Par ailleurs, dans les 40 000 candidats réfugiés, deux choses. Soit ils ont eu une réponse négative et ilsn’ont plus le droit. Soit alors la réponse a été positive et ils sont reconnus… ils n’ont plus alors une aide sociale, mais un RI. Enfin, depuis janvier 2007,les nouvelles procédures de demande d’asile ont été « basculées » en aides matérielles exclusives (ils n’ont donc plus une aide socialeéquivalente). »
3. S. Lemaître, Impact des mesures d’insertion des CPAS wallons – Étude quantitative – Rapport de synthèse, 2004.
4. L’article 61 vise l’engagement d’une personne aidée par un CPAS dans une entreprise privée ou une asbl qui a conclu une convention avec le CPAS ; dans ce cas,c’est l’entreprise ou l’asbl qui est directement l’employeur, pour l’art. 60 mis à disposition du privé, c’est le CPAS.

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