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Les contours du « projet commun francophone » commencent à apparaître

Les quatre groupes de travail du Groupe Wallonie-Bruxelles ont remis leurs rapports et conclusions intermédiaires qui seront discutées ce 10 juillet, en vue de la rédaction durapport final global. Tour d’horizon.

03-07-2008 Alter Échos n° 255

Les quatre groupes de travail du Groupe Wallonie-Bruxelles ont remis leurs rapports et conclusions intermédiaires qui seront discutées ce 10 juillet, en vue de la rédaction durapport final global. Tour d’horizon.

Fraîchement créé, le Groupe Wallonie-Bruxelles1, co-présidé par Antoinette Spaak (FDF) et Philippe Busquin (PS), avait lancé ses travaux ennovembre dernier. L’objectif annoncé : définir un projet commun à tous les francophones de Belgique. Le Groupe s’est partagé les tâches en quatresous-groupes de réflexion pour aborder les matières économiques, sociales, de mobilité et développement durable, les matières culturelles, lesmatières personnalisables et enfin, les matières d’enseignement, de formation et de recherche scientifique.

En introduction de leur rapport intermédiaire pour le groupe « matières culturelles », Isabelle Simonis (PS) et Alain Maskens (Manifeste bruxellois) notentl’importance d’améliorer la cohésion entre les francophones des Régions wallonne et bruxelloise. « D’une part, les tensions communautairesrécurrentes imposent aux francophones de se doter d’un projet qui renforce la solidarité qui les unit ainsi que la cohérence de leurs actions. D’autre part, lamultiplicité des institutions francophones au sud du pays rend d’autant plus importante la recherche de synergies et de complémentarités entre elles, pour plusd’efficacité. »

Renforcer la solidarité, rechercher des synergies, améliorer l’efficacité des mesures : trois recommandations qui se retrouvent, peu ou prou, dans les quatre rapportsintermédiaires. Au rayon des complexités à revoir, le groupe épingle – entre autres… – la pluralité des sources de financement et l’absencede clarté des pouvoirs publics à l’égard du secteur de l’éducation permanente et de l’animation culturelle. Une pluralité et un flou normatif qui« nuisent à l’image du secteur, toujours suspecté de double subventionnement alors que la réalité est aujourd’hui celle du co-subventionnementobligé ». De ces difficultés, les rapporteurs déduisent un « paysage surréaliste où la majeure partie des asbl doivent consacrer une part excessive deleur énergie et de leurs ressources humaines à la chasse aux subventions. » Ils recommandent donc une « plus grande transparence dans l’offre de soutien », une« cohérence dans les exigences légitimes de rigueur de gestion », ou encore « une cartographie précise du secteur et de ses pouvoirs subventionnants».

L’enseignement, une urgence absolue

Le rapport sur les matières économiques, sociales, de mobilité et développement durable, présenté par José Daras (Écolo) et Jean-ClaudeVandermeeren (FGTB) a rappelé la situation paradoxale de Bruxelles, l’une des régions les plus dynamiques d’Europe du point de vue de ses indicateurs économiques,mais où les indicateurs sociaux trahissent, en revanche, une précarité et une exclusion croissante de la population. Avec un taux de chômage dépassant les 20 % etmême les 35 % en ce qui concerne les moins de 25 ans (soit exactement le double de la moyenne européenne !), des « discriminations ethniques à l’embauche », ladualisation scolaire et le retard scolaire, les Bruxellois ne sont pas forcément les mieux lotis du royaume…

Le constat est également assez dur pour la Wallonie en matière d’emploi alors que « 14 % des entreprises rencontrent des difficultés pour recruter ». Despistes d’action ont été proposées par Robert Deschamps, professeur d’économie aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix (Namur), afin de doperla politique de l’emploi. Selon lui, il y aurait lieu d’investir dans la recherche et le développement, dans la formation et d’encourager les investissementsd’entreprises. Toutes proportions gardées, le rapport précise que « les dépenses publiques des Régions et de la Communauté en matière derecherche et dans l’enseignement supérieur, correspondent à 60 % de celles que consacre la Flandre dans ces secteurs ». Voilà de quoi prouver, si besoin était,que le dynamisme d’une région ne tient donc pas du miracle…

Outre ces constatations, les rapporteurs poursuivent la flagellation : « Dans l’espace francophone, l’enseignement est bien financé mais il est notoire qu’il donnede mauvais résultats. Il est donc urgent de rattraper notre niveau d’investissement dans le domaine de la recherche et, parallèlement, de mettre en place des procéduresd’évaluation de la qualité de notre enseignement. » Décrite plus loin comme « l’une des plus grandes urgences auxquelles la Wallonie et Bruxelles doiventfaire face », la question de l’enseignement n’a pas fini de faire couler l’encre… Concernant l’opportunité de le scinder et d’en confier lacompétence aux Régions, le professeur Deschamps a jugé que la mesure serait « nuisible en termes économiques » et qu’il y avait plutôt lieu de« responsabiliser les écoles en leur donnant plus d’autonomie de gestion », les directeurs d’école étant invités à « agir comme descadres ».

Régionalisations et refédéralisation

Enfin, le rapport sur les matières personnalisables présenté par Denis Grimberghs (CDH) et Felipe Van Keirsbilck (CSC) a établi une série de recommandations pouraméliorer le fonctionnement des institutions, comme la mise sur pied d’une « plate-forme de concertation intra-francophone pour organiser les négociations avecl’ensemble des partenaires sociaux du secteur non marchand public et privé » ou encore la création d’un « fonds régional d’investissement pourfinancer les infrastructures communautaires » permettant notamment de « contribuer au meilleur arbitrage des moyens budgétaires ». Le groupe a égalementpréconisé la régionalisation de la politique des hôpitaux, y compris universitaires, celle de la récolte des données en matière de santé, ducontrôle médico-sportif et de la prévention secondaire des assuétudes ainsi que la régionalisation intégrale de l’aide sociale aux détenus et auxautres catégories de justiciables. Il recommande également le transfert aux régions de la compétence relative à la tutelle administrative générale surles CPAS. A contrario, le groupe plaide pour « l’intégration de l’assurance dépendance dans le cadre de la sécurité sociale fédérale». Pour ce qui est de la répartition forfaitaire, typique à Bruxelles, les rapporteurs osent toucher au tabou : « Il faut revoir les cl&eac
ute;s de répartitionforfaitaire (80/20) entre francophones et néerlandophones et les faire évoluer sur la base des résultats des élections régionales (87/13). »

On le voit, même si nombre de propositions semblent faire consensus entre les membres du Groupe, il reste encore des questions ouvertes, des points d’accord à trouver et despoints de désaccord à désamorcer (notamment en matière d’enseignement2). Le rapport final ira sans doute un pas plus loin. On peut par ailleurs facilementimaginer que l’évolution des négociations institutionnelles en cours au niveau Fédéral va lourdement peser sur les débats entre les « constructeurs duprojet commun francophone ». Maintenant comme à l’avenir. La réciproque sera-t-elle vraie, sachant que plusieurs propositions du Groupe nécessitent une réforme de laConstitution ou la modification de lois spéciales, au niveau fédéral ?

1. Groupe constitué de 18 représentants des quatre partis démocratiques (députés, ministres, sénateurs) ainsi que de 18 membres de lasociété civile. Site : www.groupewalloniebruxelles.be
2. Le socialiste Christophe Collignon, président du groupe sur les matières économiques et sociales, a suggéré de régionaliser l’enseignement,proposition qui a suscité débats et oppositions farouches… notamment dans le groupe « Enseignement » et dans son propre groupe.

aurore_dhaeyer

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