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Logement

Les 65 habitants du squat 123 doivent partir en octobre

Le bâtiment du squat 123 de la rue Royale a été vendu en octobre dernier, les habitants ont jusqu’au 31 octobre 2018 pour partir. Les recherches de solutions s’activent et l’incertitude se fait ressentir.

04-06-2018
123 © Sarah Barbier

Le bâtiment du squat 123 de la rue Royale a été vendu en octobre dernier, les habitants ont jusqu’au 31 octobre 2018 pour partir. Les recherches de solutions s’activent et l’incertitude se fait ressentir.

Au numéro 123 de la rue Royale à Bruxelles se dresse un ancien bâtiment administratif de sept étages de la Région wallonne. Il a été transformé en squat légal il y a 11 ans à la suite d’un accord entre la Région et l’ASBL woningen 123 logements. Cet accord permettait à la Région de ne pas payer de taxes imposées par la Région bruxelloise en cas d’immeuble inoccupé. Aujourd’hui, les 65 habitants sont dans l’incertitude, ils savent qu’ils doivent partir pour le 31 octobre. La Région wallonne a vendu l’immeuble à Upgrade Estate, une entreprise spécialisée dans les logements d’étudiants. «Il y a un an, ils sont venus mettre des panneaux ‘A vendre’ sur les châssis du premier étage. Après six mois, il était marqué ‘Vendu’. On a tous fait la tête», raconte Michel Warny, un ancien SDF qui se qualifie «d’habitant intermédiaire». Il est présent au squat depuis 2010 mais n’y a jamais habité 7 jours sur 7. «J’ai découvert le squat par une ASBL quand j’étais dans la galère, j’ai commencé par la chambre d’amis. Aujourd’hui j’y suis bien trois fois par semaine, c’est un passe-temps».

« C’est la panique chez nos sans-papiers »-

Les membres du conseil d’administration de l’ASBL l’avouent : «C’est la panique chez nos sans-papiers». Cette crainte ne touche pas uniquement ces personnes. «On cherche, on cherche. On ne sait pas encore où on va aller»,déclare un habitant lors de l’atelier vélo du jeudi soir dans l’ancien garage du bâtiment. Au milieu d’une trentaine de vieilles bicyclettes, de centaines d’outils, de garde-boue,… et dans une lumière artificielle jaune, les résidents partagent leur ressenti. «Il y a des gens qui sont au bout du rouleau ici»,déplore Michel Warny. «On sent que les gens sont perdus. On sent qu’ils commencent à se préparer, à envisager le retour chez les parents, un ami, trouver une cave ou un box pour positionner leurs affaires». Certains habitants n’ont pas beaucoup attendu et sont déjà partis. «Il y en a qui sont déjà allés à la Poissonnerie, un autre squat à Schaerbeek»,s’exclame Michel Warny.

À côté des départs anticipés, des solutions pour la création d’un autre squat sont recherchées. «Nous avons pensé à exploiter l’ancien bâtiment d’Actiris près de la Bourse, mais ce serait que pour trois ans avant d’être démoli… », soupire Michel Warny. Cet «habitant intermédiaire» a aussi fait des recherches d’immeuble de son côté en tentant de rentrer dans des bâtiments vides. «Il y en a un que j’ai essayé près de Herman-Debroux, mais ça n’a pas été car j’étais seul. Puis j’ai essayé deux autres à l’avenue Louise avec un ami, sans succès».

Déjà trop tard pour trouver une solution durable ?

Près d’un vélo en réparation, suspendu par des cordes oranges, un autre locataire rajoute : «Si on trouve, ce sera priorité aux sans-papiers». Cependant, Michel Warny estime qu’il est déjà trop tard pour trouver. Dans cinq mois, les 55 adultes et 10 enfants devront être partis. «Pour transformer un bâtiment, il faudrait six mois. Ça demande beaucoup de gestion, de connaissances, de négociations avec la justice, la police, les pompiers, le proprio etc» . Michel Warny estime qu’aujourd’hui la recherche est retombée. «La maison tourne en rond et le CA n’est pas dans la possibilité de déménager si facilement un bâtiment». Occuper un immeuble vide demande beaucoup d’organisation et de mise aux normes d’occupation. C’est-à-dire avoir au minimum de l’eau, de l’électricité, une cuisine et des douches.

 Le Conseil d’administration tente de trouver une solution auprès du politique. Cependant, il reste bloqué. «Un échevin nous a dit qu’il n’avait pas envie de nous proposer des bâtiments vides qu’il a dans son parc foncier, il craint que nous ne partions pas», confient les membres du CA. De plus, «on entend aussi que les bâtiments ne sont pas aux normes de logement. Ils sont donc réservés pour des activités. Effectivement, si c’était le cas ils les loueraient, mais nous c’est de l’occupation temporaire. Ce ne sont pas les mêmes conventions. Ça peut être salubre, il faut juste que ce soit habitable». Le CA estime que les propriétaires publics ne se sentent pas responsables d’offrir des solutions face à la crise du logement. «C’est plus facile d’éjecter des personnes quand ils sont présents pour des activités que de se retrouver avec une défense pour le droit au logement, des familles qu’on ne peut pas mettre dehors», déclare le CA. Selon l’équipe populaire, un mouvement de citoyen, en 2016 il y avait 30 000 logements vacants à Bruxelles. Si le CA ne trouve pas de solution de la part du politique, il tentera de reloger une partie du squat 123 dans dix maisons que l’ASBL occupe à la rue du Progrès à Schaerbeek via un accord avec Infrabel, le propriétaire. Pour l’instant, il y a une vingtaine de personnes qui risquent de se retrouver à la rue.

Pour mettre en place un squat légal, il existe une convention sur l’occupation d’un bien. Celle-ci exige qu’il y ait des indemnités à la place d’un loyé. De plus, il doit être précisé pourquoi le bien ne peut être mis en location. Les motifs doivent être clairs. Le bien ne doit donc pas être sur le marché locatif. Un préavis en cas de départ dit aussi être stipulé. Enfin, les futurs occupants doivent négocier et inscrire dans un contrat la modalité de l’occupation avec le propriétaire. Les responsabilités des deux parties doivent être claires : qui s’occupe des travaux, des assurances, etc.

En savoir plus

Le 123 : royale occupation

 

 

«Propriétaires cherchent squatteurs», Focales n°43, avril 2018, Léo Pottier.

Sarah Barbier

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