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Regard critique · Justice sociale

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Le Quiz : Métamorphoses de la question sociale

Quiz proposé par Abraham Franssen et Edgar Szoc

04-05-2007 Alter Échos n° 228

Quiz proposé par Abraham Franssen et Edgar Szoc

Loin d’être une catégorie « naturelle », s’imposant d’elle-même comme simple reflet d’une réalité sociale objective, la «pauvreté » résulte avant tout d’un processus de construction et de catégorisation politique, sociale et culturelle. C’est à la définition et autraitement de ses marges que l’on peut le mieux reconnaître les logiques sociales et culturelles dominantes d’une société. Par l’aumône faite à unepauvreté sacralisée, la société médiévale affirmait la prédominance d’une vision religieuse par laquelle elle justifiait son ordre social etsymbolique. En enfermant les vagabonds, la société moderne émergente (à partir de la fin du XVIIe et au XVIIIe siècle) prétendait lesdiscipliner et leur inculquer une morale du travail.

L’irruption de la « question sociale » à la fin du XIXe siècle a explicité l’exploitation des masses laborieuses dans lasociété industrielle. Ce qui se trouve chaque fois en jeu, dans la production sociale et culturelle de la marginalité et dans le type de traitement qui lui estréservé, c’est bien le type de légitimation et la nature des rapports sociaux d’une société.

Quand bien même on prétend les objectiver au travers de la production d’indicateurs, de statistiques, de concepts, et au travers même de ce processus de construction decatégories descriptives, la pauvreté, la marginalité, l’exclusion, la délinquance, la folie, la maladie ne sont pas des notions objectives, mais consistentd’abord en un rapport social qui évolue dans le temps. Derrière les figures successives du pauvre, du vagabond, du sous-prolétaire, de l’exclu, du SDF, on retrouvechaque fois l’imaginaire d’une société (son « modèle culturel »), le type d’intégration qu’elle promeut et le poids des rapports dedomination (« rapports de classe ») qui conduisent à désigner les catégories sociales considérées comme marginales, déficientes,déviantes, pathologiques.

La catégorisation et le traitement de la pauvreté mettent toujours en œuvre les images historiques du sujet, les jugements normatifs et les rapports entre groupes sociauxpropres à chaque époque historique, distinguant chaque fois de manière renouvelée « bons » et « mauvais » pauvres.

Triviale poursuite : qui a dit ?

1 – « Dans notre siècle, la charité ne peut plus être cette femme aveugle qui verse sans compter l’or aux mains des misérables. Trop de cet or se perd ettombe en mauvaises mains, trop de cet or alimente la paresse et le vice. La charité doit être intelligente. L’assistance par le travail sage et raisonné, parce qu’elleest un point d’arrêt sur la route qui conduit au paupérisme, qu’elle permet de distinguer le misérable digne de pitié du parasite punissable, qu’elledonne l’occasion de sauver le premier, de châtier le second, constitue l’un des plus beaux côtés de l’organisation de la charité moderne, cherchantà réaliser ce triple idéal : la maison de refuge au misérable, la prison au vicieux, le travail à l’ouvrier ».

A – Laurette ONKELINX ;
B – Maurice BEKAERT ;
C – Louis XIV ;
D – Etienne DAVIGNON.

2 – « Ordonnons que les pauvres de chaque ville, bourg et village, soient nourris et entretenus par la ville, bourg ou village dont ils sont natifs et habitants sans qu’ils puissentvaquer et demander l’aumône ailleurs qu’au lieu où ils sont ».

A – Ordonnance municipale de Moulin ;
B – Nicolas SARKOZY ;
C – Dominique de VILLEPIN ;
D – Règlement communal de la ville de Bruxelles.

3 – « On dit qu’il y a trois millions de personnes qui veulent du travail. C’est pas vrai, de l’argent leur suffirait. »

A – Lionel JOSPIN
B – COLUCHE
C – Karl MARX
D – Guy BEDOS

4 – « Attendu qu’il est parfaitement connu de tous que je n’ai pas de quoi me nourrir et me vêtir, j’ai demandé à votre pitié, et votre bontéme l’a accordé – de pouvoir me livrer et de me recommander à vous. Ce que j’ai fait aux conditions suivantes. Vous devez m’aider et me soutenir pour lanourriture et pour le vêtement, dans la mesure où je pourrai vous servir et bien mériter de vous. Aussi longtemps que je vivrai, je vous devrai le service etl’obéissance et je n’aurai pas le pouvoir de me soustraire à votre puissance, mais je devrai au contraire rester toute ma vie sous votre puissance et votreprotection« .

A – Un demandeur d’emploi dans le cadre du plan d’accompagnement des chômeurs ;
B – Benoît XVI ;
C – Un demandeur d’aide sociale, dans le cadre du contrat d’intégration ;
D – Un serf, dans cadre d’un serment d’allégeance.

5 – « Ordonnons que chaque sujet, homme ou femme, quelle que soit sa condition, qui est valide, âgé de moins de 60 ans, qui n’exerce pas d’activité, qui nepossède pas de biens dont il puisse vivre, ni de terres auxquels s’adonner soit obligé de servir celui qui l’aura ainsi requis ; et il recevra seulement pour la placequ’il sera obligé d’occuper les gages en nature, nourriture ou salaire qui sont d’usage. Cependant les employeurs (les seigneurs) ne seront pas obligés de les garderà leur service plus longtemps qu’il ne leur est nécessaire. Si un homme ou une femme ainsi requis de servir ne le fait pas, ce fait étant attesté par deux hommesdignes de foi devant le shérif, il sera immédiatement conduit dans la prison la plus proche où il sera maintenu sous bonne garde jusqu’à ce qu’il soit certainqu’il serve sous les formes énoncées ci-dessus« .

A – George BUSH ;
B – ALBERT II ;
C – Franck VANDENBROUCKE ;
D – EDOUARD III.

6 – « Tout homme a droit à sa subsistance : cette vérité fondamentale de toute société, et qui réclame impérieusement une place dans laDéclaration des droits de l’homme, nous paraît être la base de toute loi, de toute institution qui se propose d’éteindre la mendicité. Ainsi chaque hommeayant droit à sa subsistance, la société doit pourvoir à la subsistance de tous ceux de ses membres qui pourront en manquer, et cette secourable assistance ne doit pasêtre regardée comme un bienfait (….), elle est le devoir strict et indispensable de tout homme qui n’est pas lui-même dans la pauvreté, devoir qui ne doit pointêtre avili, ni par le nom, ni par le caractère de l’aumône ; enfin, elle est pour toute société, une dette inviolable et sacrée ».

A – L’abbé PIERRE ;
B – Philippe VAN PARIJS, partisan de l’allocation universelle ;
C – Déclaration du forum altermondialiste de Porto Alegre ;
D – Co
mité pour l’extinction de la mendicité de l’Assemblée constituante, Révolution française, 1789.

7 – « Dans le passé, l’accent a été trop souvent mis sur une approche négative. La paupérisation et l’insécurité socialeétaient surtout combattues par des allocations de chômage. Cependant, garantir des revenus, surtout quand ceux-ci restent faibles, ne suffit pas à faire de personnes aidéesdes citoyens à part entière. L’approche actuelle offre trop peu de perspectives tant au niveau financier que social. Un État social actif doit faire en sorte que despersonnes ne soient pas mises à l’écart et que chacun, tant les hommes que les femmes, tout en étant assuré d’un haut niveau de protection sociale, puissecontribuer de manière créative à la société et concilier cela avec une qualité de vie personnelle. L’État social actif investit dans les gens,la formation, l’emploi et pas seulement uniquement dans les allocations. »

A – Tony BLAIR ;
B – Guy VERHOFSTADT ;
C – Déclaration commune de la FGTB et de la CSC ;
D – Déclaration du sommet européen de Lisbonne.

8 – « Je lisais les petites annonces dans le journal et je me disais que je n’avais pas mon permis de conduire, que je n’étais pas un chauffeur avec expérience, ni unopérateur de télex connaissant l’anglais, que je n’avais aucune notion de découpage de volets en aluminium, que je n’étais pas préparateur en pharmaciespécialisé en optique, ni installateur-électricien ayant accompli son service militaire et pouvant s’occuper de téléphone, ni piqueur de bandes de pantalons, qu’ilsaillent tous se faire voir, mais je finirai bien par aller à Istanbul, et un jour, quand j’aurai réussi un gros coup, oui, oui, j’y ai pensé à ce gros coup, mais comme jene sais pas exactement de quoi il s’agira, j’ai voulu consulter la première page du journal, comme pour trouver mon nom cité parmi les événements importants, ou pourdécouvrir ce que je ferai, mais le journal avait été déchiré, il y manquait la première page, je n’arrivais pas à la retrouver, j’avais l’impressiond’avoir perdu, non seulement le journal, mais mon propre avenir, je m’efforçais de cacher mes mains, pour que les autres ne les voient pas trembler. »

A – Orhan PAMUK
B – Emir KIR
C – Mustafa KEMAL
D – Fehriye ERDAL

9 – « L’un a besoin de l’autre : le capital n’est rien sans le travail, le travail rien sans le capital. »

A – Anthony GIDDENS
B – Léon XIII
C – Jean-Paul II
D – Alain TOURAINE

10 – « La montée du chômage prouve paradoxalement la bonne santé de notre démographie. »

A – Pascal SEVRAN
B – Miet SMET
C – Jack LANG
D – Elio DI RUPO

Réponses :

Plusieurs de ces citations sont extraites de l’ouvrage magistral de Robert Castel, Métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Paris, Fayard, 1995,(également disponible en livre de poche).

1. Il s’agit de Maurice Bekaert, De l’assistance par le travail, Gand, Imprimerie A. Schiffer, 1895.
2. Il s’agit de l’Article 73 de l’ordonnance de Moulin, février 1556, France, « Mise en place d’une nouvelle politique sociale municipale ».Cité par Robert Castel, dans “Métamorphoses de la question sociale”.
3. Coluche
4. Il s’agit d’un serment d’allégeance au VIIIe siècle (cité in R. Boutruche, Seigneurerie et féodalité, le premier âge desrelations d’homme à homme).
5. Il s’agit d’Edouard III, 1349, Ordonnance Statut des travailleurs.
6. Il s’agit d’un extrait des Procès verbaux du Comité pour l’extinction de la mendicité de l’Assemblée constituante, Révolutionfrançaise, 1789.
7. Guy Verhofstadt, Accord de gouvernement fédéral du 14 juillet 1999, La voie vers le XXIe siècle.
8. Orhan Pamuk (Prix Nobel 2006).
9. Léon XIII, initiateur de Rerum Novarum.
10. Jack LANG

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