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Regard critique · Justice sociale

Le premier « état social de la Flandre » stigmatise les inégalités

Le premier « État social de la Flandre », publié par le service d’études du gouvernement flamand est paru à la mi-mai. En 25 ans, laRégion est devenue bien plus riche mais tout le monde est loin d’en profiter.

12-06-2009 Alter Échos n° 275

En pleine campagne électorale, l’événement est passé quelque peu inaperçu mais le premier « état social de la Flandre »1, publié par le service d’études du gouvernement flamand est paru à la mi-mai. En 25 ans, la Région est devenue bien plus riche mais tout le monde estloin d’en profiter.

Avec cet « état social », il ne s’agit pas de donner un tableau chiffré et exhaustif de l’état social de la Région (il existe pourcela les indicateurs régionaux – VRIND – mais plutôt de se livrer tous les deux ans à un exercice approfondi d’analyse de différents domaines de la vie sociale. Pourcette première édition, les auteurs ont comparé la situation en 2008 avec celle qui prévalait 25 ans plus tôt, en 1983. Et le constat le plus généralest que, si dans la plupart des domaines, des progrès sont constatés au niveau des moyennes (niveau de vie moyen, scolarisation, espérance de vie moyenne, sécuritéroutière, etc.), les inégalités et les écarts vont, eux, croissants.

Ainsi, en termes de soins de santé, non seulement l’espérance de vie des moins qualifiés est de trois à cinq ans moins élevée que celles desdiplômés de l’enseignement supérieur, mais ils resteront en moyenne en bonne santé de 17 à 25 ans de moins ! Ils sont particulièrementaffectés par des cancers et des troubles psychiatriques et restent le plus souvent hors de portée de toutes les politiques de prévention. Selon le niveau d’études dela mère (critère désormais pris en compte par l’autorité flamande dans sa politique de réduction des inégalités), le taux de retard scolairepasse de 5 à 30 %. Et enfin, le fossé entre pauvres et riches qui s’amenuisait au fil du temps jusqu’au milieu des années ’80 a recommencé à secreuser. Il augmente en outre particulièrement parmi les plus âgés, une évolution qu’on ne constate pas ailleurs en Europe. L’éditorialiste duStandaard souligne que les conséquences d’une telle situation ne sont pas seulement sociales mais de plus en plus économiques également : pour sortir de lacrise actuelle et évoluer d’une économie industrielle vers une économie de la connaissance, nous pourrons de moins en moins nous permettre de laisser des groupes entiers denotre population à l’écart.

Et les minima sociaux ?

Pour Bea Cantillon, directrice du Centre de politique sociale Herman Deleeck de l’Université d’Anvers, l’une des raisons de la persistance des inégalitéssociales en Belgique est le niveau trop bas des minima sociaux. Depuis les années ’70, les allocations minimum de chômage ont perdu 40 % par rapport au salaire moyen.Beaucoup de mesures ont été mises en œuvre pour mettre les demandeurs d’emploi au travail : réduction de charges, politiques d’activation,outplacement, subventions salariales… mais ces politiques n’ont pas profité à ceux qui sont tout en bas de l’échelle. De même, les nouvellespolitiques destinées à harmoniser vie professionnelle et vie familiale (accueil à l’enfance, interruption de carrière, crédit-temps, titres-services) ontbénéficié davantage à la classe moyenne ou même moyenne supérieure qu’aux plus démunis. Beaucoup de politiques sociales se sont basées surun principe optimiste, consistant à supposer que les groupes les plus faibles socialement profiteraient d’un effet d’entraînement généré par les groupesles plus forts, mais ce schéma ne fonctionne pas. Et malheureusement, conclut Bea Cantillon, le thème de la réduction des inégalités n’est pasélectoralement porteur.

Bert D’hondt, collaborateur de l’asbl Welzijnszorg, active dans la lutte contre la pauvreté, abonde dans son sens. Pour lui, il est temps de faire de la lutte contre lapauvreté une vraie priorité politique et de réfléchir au sens de certaines politiques, ce qu’il formule par l’exemple suivant : « Faut-ilencore subsidier des panneaux solaires pour la classe moyenne, alors que les plus démunis voient leur chaleur et leur argent partir par les portes, les fenêtres et les toits ?Même avec des primes, ceux-là n’ont pas les moyens de faire les investissements qui pourraient donner lieu à un remboursement ultérieur. » Il ajoutequ’un des rôles de l’autorité est de distribuer les richesses et demande qu’on s’y attelle « plutôt que de distribuer des cadeaux. »

D’après De Morgen et De Standaard

1. Téléchargeable sur www4.vlaanderen.be/dar/svr/…/2009-05-12-ssv2009.pdf

Pierre Gilissen

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