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Regard critique · Justice sociale

L’actualité du mois de janvier a mis en avant la problématique des visites de contrôle effectuées par l’ONEm au domicile de chômeurs.
Un ou deux inspecteurs de l’ONEm peuvent demain frapper à la porte de n’importe quel chômeur indemnisé sans prévenir. Leur but : récolter les preuves que lasituation familiale réelle ne correspond pas à la déclaration qui a été faite à l’organisme de paiement (syndicat ou CAPAC).
Qui sont les contrôleurs de l’ONEm
Ce sont des inspecteurs sociaux placés sous l’autorité du directeur du bureau régional de chômage. Lors d’un contrôle, il doivent montrer la carte qui les identifieà la personne contrôlée.
La loi sur les visites à domicile
Ce que peut faire l’inspecteur social figure dans la loi du 16 novembre 1972, modifiée par la loi du 22 décembre 1989. Cette législation a remplacé une loi de 1961 et nepermet plus les perquisitions au domicile des chômeurs. La seule «bonne» raison qui les autorise à entrer chez quelqu’un, c’est la lutte contre le travail en noir.
Le texte actuel explique que les inspecteurs peuvent : «pénétrer librement, à toute heure du jour et de la nuit, sans avertissement préalable, dans tous les lieux detravail ou autres lieux soumis à leur contrôle ou dans lesquels ils peuvent avoir un motif raisonnable de supposer que travaillent des personnes soumises aux dispositions deslégislations dont ils exercent la surveillance» (Loi du 16/11/72 modifiée par la loi du 22/12/89, art.4, 1°).
La loi précise que : «(…) dans les locaux habités ils ne peuvent pénétrer qu’avec l’autorisation préalable du juge au tribunal de police» (Loi du16/11/72 modifiée par la loi du 22/12/89, art.4, 1°).
L’interprétation de la loi
Selon Bernadette Graulich (avocate) et Jean-Marie Genicot (auditeur au Tribunal du travail)1, «Le libellé actuel, nettement plus restrictif quant à l’étendue des pouvoirsdes inspecteurs ne nous paraît désormais plus autoriser une visite domiciliaire, fût-ce avec l’autorisation du tribunal de police, afin de constater une cohabitation au domiciled’un demandeur d’emploi» (B. Graulich et J.-M. Genicot, «Quelques aspects actuels de l’assurance-chômage», commission Université-Palais, Liège, 1995). Les deuxauteurs rappellent que :
n «La cohabitation ne constitue pas en soi une infraction pénale».
n «La visite n’a pas pour but de rechercher le délit ni de découvrir son auteur mais bien d’acquérir la preuve de la culpabilité du prévenu et parconséquent elle est fondée sur des indices qui ont dû établir la prévention avant que cette prévention n’ait pu être justifiée par les objets enla possession du prévenu». (E. Faustin, «Le traité de l’instruction criminelle», t. XI, p. 332)
Les pratiques de l’ONEm
Des inspecteurs visitent le domicile de chômeurs pour contrôler s’il y a cohabitation. Certains exigent de visiter le logement, ouvrent les armoires, comptent les brosses à dents,fouillent la manne à repasser, etc. Ils posent des questions indiscrètes sur la vie privée. Tout ce qui est dit pourra être utilisé contre la personne viséepar le contrôle. Même si la situation familiale est conforme à la déclaration, on peut, à son insu, leur donner des éléments leur permettant desanctionner sur base d’une autre infraction à la législation du chômage.
Si le dossier concernant le chômeur visité est vide, que seule une dénonciation y figure, la visite à domicile permet à l’inspecteur de récolter des preuves.On peut l’empêcher d’entrer et lui en dire le moins possible. Le contrôleur brandira souvent la menace d’une sanction pour obstacle à contrôle si on ne lui ouvre pas. On peutexiger d’être contrôlé ou auditionné, en dehors du domicile, en présence d’un défenseur (avocat ou syndicaliste).
Rien n’empêche l’inspecteur de l’ONEM de récolter des témoignages dans le voisinage, voire dans la famille, pour atteindre son but.
Le procès verbal
Les inspecteurs sont tenus de retranscrire vos déclarations. Si la personne contrôlée a un doute, si elle panique, si elle a oublié une date, un nom ou qu’elle n’aime pasla manière dont le PV est écrit, elle a toute liberté de ne pas le signer.
Les juges au Tribunal du travail peuvent aussi ne pas tenir compte du PV, il est nécessaire de leur rappeler qu’ils ont cette liberté.
Selon la loi du 16/11/72, article 9, «le procès-verbal fait foi jusqu’à preuve du contraire pour autant qu’une copie en soit communiquée au contrevenant et, le caséchéant, à son employeur, dans un délai de quatorze jours prenant cours le lendemain du jour de la constatation de l’infraction».
Les contrôleurs peuvent aussi dresser un procès-verbal d’audition qui n’est pas envoyé mais qui est consultable à l’ONEm et qui peut entraîner une convocationà une audition à l’ONEm (il est possible de s’y rendre accompagné d’un syndicaliste ou d’un avocat).
1 Bernadette Graulich (avocate) et Paul Palsterman (juriste) ont publié «Les droits et obligations des chômeurs dans le nouveau code du chômage», coll. Etudes etpratiques de droit social, éditions juridiques Kluwer.

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