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"La formation des habitants : nouvel enjeu en Région Bruxelloise"

20-09-2002 Alter Échos n° 127

La situation financière des SISP (sociétés immobilières de service public) de la Région bruxelloise n’est pas toujours des plus brillantes… celle de seslocataires non plus. Afin d’améliorer le sort de ces derniers, différentes formes d’accompagnement social ont vu le jour. Mais cet accompagnement va de plus en plus au-delà dusuivi individuel pour devenir une dynamique collective. Il s’agit de sortir d’une logique conflictuelle opposant les locataires aux propriétaires-SISP et, plus encore, de la logiqued’assisté «Papa-SISP» encore très présente dans le chef de nombreux locataires sociaux. Différentes initiatives (tables rondes, projets pilotes, etc.) ontété menées par la SLRB1 (Société du logement de la Région bruxelloise) et le secrétaire d’État bruxellois au Logement, en partenariat avec lesSISP et les associations de terrain. Parmi les plus récentes, citons les projets de cohésion sociale (PCS). De toutes ces initiatives, un constat récurrent s’estdégagé: la nécessité de former les habitants, afin de les rendre plus autonomes et plus responsables.
La formation des locataires des SISP en Région bruxelloise fait actuellement l’objet de débats au sein de la SLRB et au niveau du cabinet d’Alain Huchinson2, secrétaired’État en charge du Logement. La SLRB estime nécessaire de tenir compte de tous les acteurs concernés: les SISP, les locataires, les associations, etc. Il est question devérifier s’il n’existe pas déjà des formations pertinentes au niveau de Bruxelles-Formation (éducation à la citoyenneté, etc.). Autant éviter lesdoublons. Mais, au niveau de la SLRB, on reconnaît aussi qu’il y a une demande spécifique, qui est apparue au travers des projets de cohésion sociale, pour certains publicsparticuliers. «Cela s’inscrit dans la logique des conseils consultatifs de locataires dans les SISP, souligne Yves Lemmens, directeur général adjoint f.f. de la SLRB. Lacréation d’un centre de formation pour locataires implique aussi de savoir ménager l’intérêt général et l’intérêt particulier, d’où lanécessité d’en débattre. Ensuite, il y a la question de l’argent disponible pour créer un tel centre.»
Pour nourrir ce débat, une étude a été réalisée dans le cadre d’une convention passée entre la SLRB et la Fébul (qui rassemble les unions delocataires)3 : «Centre(s) de formation et d’échange et d’accompagnement social». Ce document a un double objectif: d’une part, vérifier les constats et pistesformulés dans une étude précédente (juin 1999) et, d’autre part, «formuler des propositions et des pistes en vue de créer un Centre de formation,d’information et d’échange d’expériences en matière d’accompagnement social». Ce document est le fruit d’un travail d’enquête et de plusieurs journées deréflexion.
1. Transformer les locataires-consommateurs en acteurs
Concernant la première partie de l’étude, la population du logement social change, avec une forte progression des ménages les plus défavorisés; ce publicnécessite un accompagnement social important; depuis 1994, les ménages d’origine étrangère peuvent accéder aux logements sociaux, mais la pénurie delogements de trois chambres et plus limite de fait cet accès; enfin, trop souvent les locataires sont des consommateurs passifs. «Un enjeu du travail social de type communautaire estd’en faire des acteurs.»
En termes de gestion, le document prône la division des tâches: la SISP joue le rôle de bailleur social et assure un suivi social individuel des locataires, tandis que lesassociations autonomes mènent des projets dits de «cohésion sociale» ou incitent à la participation des locataires.
En termes d’urbanisme et d’aménagement du territoire, la Fébul rappelle qu’une SISP ne vit pas en autarcie, elle s’inscrit dans un quartier; de même, l’architecture du logementsocial et l’aménagement du territoire influent sur les relations entre les habitants. Enfin, les différents participants ont émis le souhait «de disposer d’un ou de lieuxde formation, d’information et d’échange d’expériences».
Pas de formation sans échanges d’expériences
La deuxième partie de l’étude porte précisément sur ce dernier point. Tout d’abord sont rappelés le cadre juridique et les différentes expériences deterrain: initiatives d’accompagnement social, PTP accompagnateurs sociaux, projets de cohésion sociale, assistants sociaux au sein des SISP.
Ensuite, l’accent est mis sur la nécessité de mieux définir le concept de «l’accompagnement social» et ses acteurs. Ici sont repris les différents types detravail d’accompagnement social: travail social individuel, travail social de type syndical avec les locataires («contre» le propriétaire), travail social communautaire ouorganisation de la participation des habitants. Dans ce cadre, les terrains d’intervention (rapports avec la SISP, travail sur la situation économique et sociale des locataires, etc.) et lesacteurs à impliquer varient.
Le document reprend aussi une analyse des besoins. Ils se traduisent par la nécessité d’une formation de base axée sur le juridique, la méthodologie et l’étuded’autres expériences pratiquées dans les autres Régions ou dans d’autres pays. Elle serait complétée par une formation continue, qui se nourrirait des enjeux duterrain et des expériences vécues. Ces formations pourraient être intégrées dans les cours des assistants sociaux. Parallèlement, il existe un besoinfondamental pour la création de lieux permettant l’échange d’expériences, l’évaluation des projets et initiatives, la supervision régulière des travailleurset des bénévoles et l’aide au montage de projets. Dans le sens de cette étude, la création d’un «centre de formation» doit absolument intégrer la notion«échange d’expériences».
Un ou deux centres d’échange et de formation?
L’étude se termine sur la proposition de la création d’un ou de deux centres. Le premier serait mis sur pied à la SLRB, avec une action de formation limitée aux sites delogement social sur le territoire régional. Par ailleurs, les locataires qui louent via une AIS (agence immobilière sociale) ou le Fonds du logement sont confrontés auxmêmes problèmes qu’eux. «Une autre option serait donc de créer un Centre d’échange et de formation pour le travail social de type communautaire qui ne se limite pasau terrain du logement social mais qui est au service de l’ensemble des initiatives de développement local et de cohésion sociale. (…) Ce serait un centre de promotion de laparticipation des habitants.» Cela déboucherait sur la mise sur pied de deux centres: le premier à la SLRB s’occuperait de «conseil et échanges au niveau du travailsocial de type individuel sur le terrain du logement social»; l’autre, situé ailleurs, serait concentré sur «la participation des habitants, le travail social de typecommunautaire
dans l’ensemble des quartiers défavorisés». Des passerelles et des échanges seraient bien évidemment organisés entre les deux centres.
2. Où en sont les projets de cohésion sociale dans les SISP ?
Pendant ce temps, la SLRB planche aussi sur son rapport final consacré aux projets de cohésion sociale (PCS). Elle devrait le clôturer pour la fin de l’année. Actuellement,ces projets sont gérés en direct par le cabinet d’Alain Hutchinson. Cette gestion serait reprise à terme par la SLRB. Une évaluation est en cours afin d’améliorerles projets. Elle se base, entre autres, sur les travaux de la Fébul, qui coordonne les projets sur le terrain, et qui prône «la création d’un lieu de formation etd’échange d’expériences».
Réalisée en février de cette année, l’évaluation intermédiaire résulte d’un travail de réflexion et de discussion mené par lestravailleurs «cohésion sociale» des différents projets. Les participants ont analysé sept aspects des PCS.
Aspects officiels et administratifs de la convention
Il est important que le maître d’œuvre du PCS soit une association qui pratique la méthode de travail communautaire (avec et pour les habitants). Sur le terrain, différentsproblèmes ont été épinglés: le manque de locaux communautaires, indispensables comme lieu de travail et d’accueil; l’absence d’implication de la commune; ou encoreune certaine confusion dans la définition des rôles de chacun. Côté points forts, la présence d’un représentant du ministre est souvent bien accueillie, carelle renforce la crédibilité de l’association. Ce dernier a, par ailleurs, un rôle d’arbitre à tenir. Le PCS a permis aussi de créer du dialogue, là oùil n’y en avait pas, et de l’intensifier là où il existait déjà.
Les animations avec les habitants
Elles constituent un des fondements des PCS, car elles permettent aux habitants de se rencontrer et renforcent, de cette manière, la convivialité. Les personnes mobilisables sontsurtout les enfants et les adolescents, puis viennent les femmes. Il est plus dur de faire bouger les hommes. Plusieurs éléments favorisent le succès des animations: ladisponibilité de locaux communautaires, les «animations sans obligation de résultats» et la bonne collaboration avec les autres associations présentes sur le terrain.Ces succès peuvent être contrecarrés par le manque de collaboration de la SISP et de la commune, la rivalité avec d’autres associations, le manque de réalisme decertains habitants par rapport aux capacités de réalisation de telle ou telle animation, ou encore la difficulté de mobiliser les habitants.
L’organisation des locataires
Celle-ci dépend souvent du site, de son histoire, des conditions de logement, etc. Le plus difficile pour le PCS est de dépasser les plaintes individuelles pour arriver à unedynamique collective. Il conviendra toujours de renforcer l’autonomie d’action des locataires et de ne pas décider à leur place.
Les partenariats avec d’autres associations
Trop ponctuels, peu ou pas coordonnés, voire boycottés, les partenariats ne sont pas faciles à mettre en place. Les travailleurs «cohésion sociale» estimentqu’il faudrait «étudier les initiatives de coordination qui existent entre associations dans certaines communes et en tirer les enseignements», inviter les autres associationsactives sur le terrain à participer aux réunions du Comité de suivi du PCS et, surtout, élaborer des partenariats sur le long terme.
Les moyens
Les subsides permettent de démarrer un projet et d’engager du personnel jeune dans les associations, mais ils sont limités dans le temps et ne suffisent pas toujours. Les travailleursadhèrent à «l’idée du cabinet de prévoir un budget permettant d’engager quelqu’un qui analyse toutes les sources de subsides (communautés, Unioneuropéenne…) et établit des dossiers appropriés». Pour eux, il faut aussi: consolider les PCS existants; moduler les subsides en fonction de la taille et des besoinsréels du PCS; engager les travailleurs sur trois ans avec obligation de formation qualifiante, plutôt que sur un an; ou encore mettre en commun et coordonner les différents moyensfinanciers consacrés à des projets de «participation des habitants» dans des quartiers défavorisés.
Les objectifs du PCS
> L’objectif de départ du PCS répond bien à un besoin fondamental et réel, à savoir l’instauration-restauration du dialogue entre SISP et habitants, et entre leslocataires.
> «Une instance (la SLRB?) devrait pouvoir faire une enquête objective afin de déterminer les sites prioritaires au niveau des PCS».
> Pour une réussite complète des PCS, «il est capital qu’il y ait moins de confusion au niveau du rôle de chaque partenaire.» Il faudrait d’ailleurs communiquer auxhabitants la définition du rôle de chaque acteur.
Pérennité des projets
Relevons que le transfert de la gestion des PCS vers la SLRB devrait garantir l’autonomie des projets par rapport à la SISP. Autre suggestion: mettre en place des conventionspluriannuelles.
Notons encore que la formation des habitants est mise en avant pour chacun de ces sept points.
1 SLRB, rue Jourdan, 45-55 à 1060 Bruxelles, tél.: 02 533 19 11, fax: 02 533 19 00, e-mail: slrb@slrb.irisnet.be, site: http://www.slrb.irisnet.be
2 Cabinet d’Alain Hutchinson, bd du Régent, 21-23 à 1000 Bruxelles, tél.: 02 506 34 11, fax: 02 511 88 59, site: http://www.hutchinson.irisnet.be
3 FéBUL, rue du Progrès, 333 à 1030 Bruxelles, tél.: 02 201 03 60, e-mail: febul@skynet.be

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