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La Coordination nationale des sans-papiers, le chaînon manquant ?

Lancée officiellement le 6 janvier dernier, une nouvelle structure organise des manifestations et des actions en faveur des sans-papiers. Il s’agit de la Coordination nationale dessans-papiers1 initiée par la Crer2 et d’autres associations de sans-papiers venant notamment de Flandre.

16-03-2008 Alter Échos n° 248

Lancée officiellement le 6 janvier dernier, une nouvelle structure organise des manifestations et des actions en faveur des sans-papiers. Il s’agit de la Coordination nationale dessans-papiers1 initiée par la Crer2 et d’autres associations de sans-papiers venant notamment de Flandre.

« Cette initiative est née d’un constat, explique Oscar Flores de la Coordination contre les rafles et pour la régularisation (Crer). Après une mobilisationremarquable, la cause des sans-papiers stagnait depuis plus d’un an. » Cette stagnation est due à plusieurs facteurs. En 2000, la Commission de régularisation arégularisé environ 30 000 dossiers. Cette mesure ponctuelle ne résolvait pas le problème puisque ceux qui n’avaient pas osé introduire un dossier ainsi queles « nouveaux » sans-papiers restaient sur le carreau. Le mouvement des sans-papiers s’est alors organisé autour d’une revendication principale : la créationd’une commission permanente comprenant quatre critères clairs3.

Ce mouvement s’est organisé autour, notamment, d’une structure : l’Udep ou l’Union de défense des sans-papiers créée par des sans-papiers pourles sans-papiers. Leur tactique était simple : occuper des églises, des mosquées, des centres laïcs et, si nécessaire, entamer des grèves de la faim pourobtenir la régularisation des grévistes. Cette tactique a permis la régularisation de cent trente personnes à Saint-Boniface (Ixelles). Mais aujourd’hui, elle montreses limites. Récemment à Evere, les grévistes de la faim ont dû attendre plus de cinquante-cinq jours avant d’être régularisés. Lesgrévistes du n° 91, rue Royale ont quant à eux dû tenir plus de 40 jours. Avec toutes les séquelles physiques que cela suppose4.

Aujourd’hui, l’Udep est paralysée par des dissensions internes. Les personnes qui la constituent sont d’origines très diverses, parlent des languesdifférentes et n’ont souvent en commun que le fait d’être sans papiers. Par ailleurs, le mouvement est également fragilisé par le fait que chaque nouvelleoccupation est lancée par des sans-papiers dont c’est la première lutte. Ils n’ont donc pas reçu de formation ni ne possèdent forcément la culturepolitique nécessaire pour faire avancer leur cause dans les meilleurs conditions et délais. « On n’a pas tiré le bilan des acquis et des erreurs du mouvement,déplore Oscar Flores. Or, sans cet inventaire, on ne peut que reproduire les mêmes schémas de lutte. Et arriver ainsi dans une impasse. »

Peu d’espoir venant du prochain gouvernement

Par ailleurs, la situation politique actuelle n’est pas favorable aux revendications des sans-papiers. « La nouvelle coalition qu’on nous promet pour le 23 mars n’est pasfavorable à une commission permanente. On se dirige clairement vers un durcissement des conditions du regroupement familial, notamment autour de critères financiers, une‘humanisation’ des centres fermés (et non pas leur suppression !) et la construction de nouveaux lieux de détention des sans-papiers, la création d’un conseilconsultatif qui doit veiller à la bonne application de la circulaire et non pas une commission indépendante. Il est même question d’un ministère del’Immigration comme en France, qui concentrerait tous les pouvoirs en matière d’asile et de migration ! »

Autre constat dressé par Oscar Flores : la difficulté de collaborer avec les associations de défense des sans-papiers. « En 2006, nous avons organisé une grandemanifestation qui a rassemblé plus de 10 000 personnes. Mais à l’époque, les associations telles que le Forum asile migrations (Fam)5 ou le Centre et initiativespour et avec les réfugiés et étrangers (Ciré)6 (ndlr : qui fait également partie du Fam) nous avaient fait savoir qu’elles ne s’associeraientpas à cette marche car nos revendications étaient selon elles trop radicales. Nous avons alors revu nos revendications à la baisse et en juin, elles nous ont suivis.Résultat : 20 000 personnes étaient dans la rue. Ces associations ont un impact non négligeable. Pourtant sur le terrain, leur attitude me semble ambiguë. Elles nedénoncent pas le projet du futur gouvernement7. Or, il y aurait moyen d’obtenir des avancées sur le plan politique.”

La CNSP

« J’ai été contacté par des sans-papiers de Flandre qui n’étaient pas dans l’Udep et qui demandaient à la Crer qu’on forme unecoordination pour renforcer les luttes qu’ils menaient dans leurs villes. » Le principal objectif que s’est fixé la CNSP est de coordonner les divers mouvements desans-papiers autour d’un but commun. « L’Udep n’en est pas du tout exclue, précise Oscar Flores. L’Udep Forest qui occupe l’église du St-Curéd’Ars est présente dans la coordination. » À ce jour, la CNSP compte parmi ses membres le CPR-XL (Collectif pour la régularisation d’Ixelles), le CNPR(Collectif des Népalais pour la régularisation dans les villes de Gand, Anvers, Ostende, Louvain et Saint-Trond), la Crer (Coordination contre les rafles, les expulsions et pour larégularisation), le CSPM (Collectif des sans-papiers marocains) et le Collectif sud-américain pour la régularisation. La Coordination est également soutenue par les Udeprégionales d’Arlon, Ath, Charleroi, Florennes, La Louvière, Tournai, Jodoigne, Namur, Gand et Anvers. Au niveau politique, Pierre Galand du PS, Fouad Lhassainid’Écolo, Georges Dallemagne du CDH et Riet Dhont du PTB soutiennent également la coordination.

« Vu tous les constats dressés, il nous semblait nécessaire de rassembler toutes les composantes de la lutte – les sans-papiers qu’ils soient membres ou non del’Udep, les militants qui les soutiennent et les défendent – et de jouer de notre influence. Il y a moyen d’obtenir des choses et pas uniquement par la grève de lafaim ! », s’exclame Oscar Flores.
Le 7 janvier, la CNSP manifestait devant le siège du PS pour lui rappeler qu’il avait fait de la régularisation une condition de participation au gouvernementfédéral. Le 16 février, elle organisait une manifestation pour « inscrire dans les négociations gouvernementales du mois de février une nouvelle campagne derégularisation massive des sans-papiers ». L’avenir dira si ce nouveau mouvement permettra d’obtenir une solution permanente à la situation des personnes enséjour illégal en Belgique.

1. Pour en savoir plus sur la CNSP : http://regularisation.canalblog.com
2. La Crer est
la Coordination contre les rafles et pour la régularisation. Elle a été créée en 2003.
Pour suivre leurs actions : http://regularisation.canalblog.com/

3. Ces critères sont : maladie et handicap grave nécessitant des soins financièrement inaccessibles ou n’existant pas dans le pays d’origine, une procéduretrop longue, des attaches durables en Belgique et l’intégration socio-économique ou un contrat de travail.
4. Lire à ce sujet la position de Frédérique Mawet du Ciré dans La Libre Belgique du 21 février 2008 dans laquelle elle demandait si « la grèvede la faim (était) devenue le passage obligé pour obtenir des papiers ? » à l’occasion de la grève entamée par les occupants du n° 91, rueRoyale.
5. Le Forum asile et migrations rassemble plus de cent vingt organisations au niveau national, dont le Ciré. En solidarité avec les personnes étrangères vivant unesituation de détresse, le Forum fait des propositions pour une politique plus humaine en matière d’asile et d’immigration. Il interpelle les pouvoirs politiques et publicset sensibilise les citoyens aux questions d’asile et d’immigration. La plate-forme « Forum asile migrations » a été créée à l’automne2002 par une vingtaine d’organisations qui avaient été actives au sein du « Mouvement national pour la régularisation des sans-papiers et des réfugiés».
Pour plus de renseignements, vous pouvez contacter Salimata Kaboré, chargée de projet Centre Avec/FAM :
– adresse : rue Maurice Liétart, 31 bte 4 à 1150 Bruxelles
– tél. : 02 738 08 24
– courriel : fam@centreavec.be
– site : www.f-a-m.be
6. Le Ciré :
– adresse : rue du Vivier, 80/82 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 629 77 10
– courriel : cire@cire.irisnet.be
– site : www.cire.be
7. On notera toutefois en faisant une petite visite sur le site du FAM que ses communiqués de presse et ses actions (citons par ex. les cercles du silence) sont loin d’êtreexemptes de critiques vis-à-vis du gouvernement :
http://www.f-a-m.be/fra

nathalieD

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