Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

L’AMO Passages joue au passe-muraille

Un projet de l’AMO Passages rassemblant des classes d’écoles à sensibilité différente va déboucher sur une exposition créée par lesélèves. Une manière interactive et créative d’amener une réflexion sur l’emprisonnement.

29-03-2010 Alter Échos n° 292

Un projet de l’AMO Passages1 rassemblant des classes d’écoles à sensibilité différente va déboucher sur une exposition crééepar les élèves. Une manière interactive et créative d’amener une réflexion sur l’emprisonnement.

« Moi le voyou, l’enfant déchu, je ne pourrai jamais payer votre dû… », chante Serge Thiry, la guitare à la main. Les jeunes quil’écoutent – des élèves de quatrième professionnelle menuiserie du Centre Asty-Moulin2 – sont subjugués. Par les talents du musicien etpar les paroles de cet homme. Comment, en effet, après avoir passé vingt-sept ans en prison en n’ayant pas été un assassin, peut-on, six ans après salibération, estimer encore que l’on n’a pas payé ? Ce moment fort est le résultat d’un cheminement pour les jeunes aussi. Cela fait plusieurs semainesqu’ils travaillent à la construction d’une cellule en bois et au mobilier qui va l’équiper : une table, trois tabourets, une armoire. Une réalisation quiprendra sa place dans une exposition de photographies et de dessins liés au thème de l’emprisonnement, à la Galerie du Beffroi, à Namur.

« C’est en fabriquant la cellule que l’on a réalisé combien elle est petite pour y faire vivre trois personnes : c’est plus petit que notrechambre », livre un élève. Un condisciple enchaîne : « Serge Thiry a beaucoup de courage. On croyait rencontrer un « caïd » plein de haine et derancœur, et on découvre un musicien, excellent chanteur ; un homme fort ouvert qui s’est battu pour vivre et qui est resté dans le droit chemin. » Et lesjeunes ne tarissent pas de questions à poser à l’ancien détenu.
« Ça n’est certainement pas un témoignage qui donnerait envie de faire la même chose : ça refroidit, ça dégoûte de la prison et defaire des bêtises », reconnaissent les élèves. « L’échange d’aujourd’hui, c’est vraiment ce que l’on a voulu faire», explique Thierry Tournois, directeur de l’AMO Passages, à l’initiative du projet. Faire de la prévention, lancer un signal aux jeunes : « Faitesattention les gars, on tombe vite en prison, le deal… »

Comment l’idée d’un tel projet a-t-elle germé ?

« De nombreuses représentations liées à la prison. Dans la tête de certains, la prison – ou l’IPPJ – rend plus fort, plus respectable,plus caïd. Pour d’autres, elle est associée à la déchéance humaine de « ratés » pour lesquels les conditions de vie en prison sont encore trop douceset confortables. D’autres, encore, n’y portent aucune attention. Mais réellement, qu’est-ce que la prison ? Nous avons voulu aborder le sujet après avoirvisité une exposition dans l’ancienne prison d’Hasselt, explique Thierry Tourneur. Comme il n’est pas possible d’entrer dans une prison avec des élèves,nous avons opté pour la formule d’animations, de réflexion, de travail, de recherches, de rencontres, de lectures, de productions, avec et par des élèves dequatrième, de cinquième et de sixième secondaire de l’Iata, du Centre scolaire Asty-Moulin, des écoles Sainte-Marie Jambes et Sainte-Marie Namur. »

Le projet, soutenu par la Communauté française, a débuté en septembre. Sa dernière étape consistera en la présentation des« supports » produits par les différents groupes de jeunes, qui aura lieu lors de l’exposition prévue du 30 mars au 4 avril. Des supports nés desrecherches personnelles menées par les jeunes sur base des documentaires qu’ils ont pu visionner, des témoignages reçus, dont celui de Serge Thiry, mais aussi celuid’un juge d’application des peines ayant été directeur de la prison de Namur. Moment fort de l’exposition : la journée « spécialeécole » du 1er avril au cours de laquelle les jeunes qui ont participé au projet seront les ambassadeurs et guideront les classes dans leur visite.

« Nous sommes allés trouver directement les professeurs et nous ne sommes pas arrivés avec un projet figé. On l’a construit avec eux, en tenant compte ducontenu amené par les élèves », souligne l’équipe de l’AMO. Une démarche qui n’a pas empêché les directions desétablissements scolaires d’adhérer au projet. « Face à un projet alliant citoyenneté, créativité des élèves et respect duprogramme, un directeur d’école ne peut être que fier et content », livrait Bernard Paquot, directeur du Centre Asty-Moulin, face à la cellule en bois construitepar ses élèves.

1. AMO Passages :
– adresse : rue Denis-Georges Bayar, 32 à 5000 Namur
– tél. : 081 22 47 80
– site : www.amopassages.be

2. Centre Asty-Moulin :
– adresse : rue de la Pépinière, 101 à 5002 Saint-Servais
– tél. : 081 72 90 27
– site : www.asty-moulin.be

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)