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Regard critique · Justice sociale

L'entraide aux immigrés et clandestins, de l'ombre à la lumière

Pour la huitième année consécutive, la Fondation Roi Baudouin donne un coup de pouce aux organisations d’aide aux migrants.

01-07-2009 Alter Échos n° 276

Pour la huitième année consécutive, la Fondation Roi Baudouin1 donne un coup de pouce aux organisations d’aide aux migrants. Cette année, quatrelauréats ont reçu un prix « Accueil et Entraides migrant(e)s ». Une démarche loin d’être banale dans un contexte de crise économique etde durcissement des politiques d’asile.

« C’est assez rare qu’un appel à projets soit soutenu aussi longtemps. Habituellement, les appels à projets de la Fondation Roi Baudouin sont renouvelésdurant deux ou trois ans, rarement plus. Pour l’accueil et l’entraide aux migrants, nous en sommes à la huitième année. C’est trèssignificatif », glisse Jean-Paul Collette, responsable de la communication. Significatifs aussi, les montants alloués depuis 2003 à cette problématiqueparticulière : durant la période, plus de deux cents organisations (pour 235 projets au total) ont pu bénéficier d’une somme de 1 112 350 euros. Soitbien plus qu’une simple bouffée d’oxygène pour des associations qui marchent souvent à coups de renforts bénévoles, de salaires plancher et desystème D.

Cette année, les lauréats des sept premières promotions ont été invités à rentrer un dossier de candidature pour le prix « Accueil etEntraides migrant(e)s », une première destinée à mettre en lumière ceux qui œuvrent dans l’ombre au mieux-être de ces populations fragiles quesont les primo-arrivants, sans-papiers, réfugiés, enfants de la guerre ou de la misère en exil chez nous. Un prix doté d’une enveloppe de six mille eurosdestinée à poursuivre les efforts menés. Sur la grosse cinquantaine de dossiers rentrés, le jury a sélectionné quatre associations emblématiquesœuvrant à la valorisation des primo-arrivants, en tant que « vecteurs de cohésion sociale ». Pour la Wallonie, c’est l’asbl « Collectif des femmes»2 à Ottignies-Louvain-la-neuve qui a été récompensée. L’association qui fête ses 30 ans d’existence cette année, aessaimé dans les pays du Sud et permis de créer des réseaux de solidarité, de rencontres et de formation pour les migrants. Les responsables primées sont venuesparler du groupe de parole mis en place pour les femmes séropositives et rappeler que le malgré son nom, le Collectif des femmes s’adressait aussi… aux hommes.

L’existence précaire des associations

À Bruxelles, côté francophone, c’est le Sampa3, une asbl engagée dans la lutte contre l’exclusion sociale à Molenbeek qui aété sélectionnée. Travaillant avec la population locale depuis 2001, elle est venue en aide à 5 500 personnes de 112 nationalités différentes. LeSampa offre notamment une assistance dans les démarches pour obtenir un titre de séjour, faciliter le regroupement familial, trouver un logement, un emploi, obtenir lanationalité belge. « Ce qui nous a d’emblée séduit, c’est le caractère très complet de l’offre du Sampa qui permet aux primo-arrivantsde se former, de recevoir une aide psychologique, d’obtenir des aides pour le logement ou la recherche de travail. Ils ont aussi développé une synergie porteuse avecl’association néerlandophone Le Foyer, une initiative à saluer », a précisé le jury. Catherine De Meyer qui recevait le Prix pour son associationn’a pas caché une pointe de pessimisme derrière la satisfaction. « Nous étions projet pilote en 2000, nous le sommes toujours aujourd’hui. C’est unevocation de travailler avec les primo-arrivants. Mais ce qui est difficile à vivre c’est de se demander si les subsides vont continuer à nous permettre de travailler, si onexistera encore dans un an… »

Côté néerlandophone, l’asbl Jong/Jeugdhuis De Kaarderij4 de Gand a été récompensée pour son travail avec les jeunes de 4à 25 ans. Une poignée de gamins pris en charge par l’association avait d’ailleurs fait le déplacement pour la réception du prix et a semé quelques fousrires très communicatifs dans l’assemblée… À voir l’épanouissement de ces enfants vivant souvent dans des conditions difficiles, la qualité du travailde l’asbl paraît évidente.

Des choix engagés

Enfin, la Fondation a également remis un prix à l’ORCA5, une association néerlandophone installée dans le quartier de la gare du nord, àBruxelles. Et c’est sans doute le plus osé des choix du jury, puisque l’ORCA (Organisatie voor Clandestiene Arbeidsmigranten) vient spécifiquement en aide auxtravailleurs étrangers sans permis de travail, occupés dans des emplois informels. L’association les soutient pour défendre leurs droits, offre des formations au travail etfournit les informations nécessaires afin de diminuer leur vulnérabilité face à l’exploitation dont ils sont victimes. L’association mène en outre un travailde dialogue constant avec les syndicats, les services d’inspection et le monde politique afin de faire progresser les droits des travailleurs clandestins. Sur le plan politique, l’une desgrandes revendications de l’ORCA est le « découplage du contrôle de l’immigration d’avec le contrôle du respect du droit du travail ». Car aussilongtemps que les inspecteurs du travail agiront aussi en contrôleurs de l’immigration, l’association estime qu’on renforcera la vulnérabilité des migrantscoincés dans le cercle vicieux du travail clandestin. Pour la Fondation Roi Baudouin, le choix de soutenir cette démarche est sans aucun doute courageux et éminemmentpolitique… « Quand nous avons démarré cet appel sur l’aide aux migrants, il est évident que nous avons eu à nous prononcer sur des demandesd’associations qui venaient en aide à des personnes en situation irrégulière. Il y a eu des débats en interne. Mais nous avons décidé de passer outrecet aspect et d’aider en fonction de la qualité des projets développés par les associations. Dans un certain sens, c’est effectivement une démarche politique», confie un employé de la vénérable institution.

La politique s’était justement invitée à la cérémonie en la personne de Marie Arena (PS)6, ministre de l’Intégration sociale et àce titre, responsable de l’accueil des demandeurs d’asile. Présence impromptue, si l’on en croit les organisateurs qui ne s’attendaient pas à ce que la ministrefasse le déplacement. Du coup, Marie Arena après avoir félicit&eacu
te; les lauréats, s’est fendue d’une petite conclusion on ne peut plus explicite. « Onsait que la régularisation est le meilleur moyen pour les personnes en situation irrégulière de s’insérer socialement, et de progresser. Il faut avancer, et vite,sur la problématique des sans-papiers. Il ne s’agit pas de régulariser tout le monde et sans aucun critère mais ce qui se passe aujourd’hui est inhumain. On oublie tropsouvent les aspects positifs des migrations. La sécurité sociale, nous pouvons aussi la réaliser grâce aux migrants. »

Des enjeux bien compris par la Fondation Roi Baudouin qui, si elle a également souffert de la crise boursière l’an passé, se voyant contrainte de réduire sesfrais de fonctionnement, reste plus déterminée que jamais à soutenir des projets de société qui vont dans le sens de la générosité et del’entraide. « Pas question de diminuer notre participation car nous savons qu’avec la crise et les difficultés budgétaires qui s’annoncent, des associationsrisquent de perdre une partie de leurs subsides. Pour nombre d’entre elles, notre soutien est loin de n’être que symbolique. » Ainsi, pour l’année 2009, la Fondationtravaille avec un budget de 35 millions d’euros dont 92 % sont alloués aux projets soutenus, le reliquat servant à la gestion quotidienne de la Fondation. Difficile de fairemieux en termes de répartition des budgets…

1. Fondation Roi Baudouin :
– adresse : rue de Brederode, 21 à 1000 Bruxelles
– tél. : 070 233 065
– site : www.kbs-frb.be

2. Collectifs des Femmes :
– adresse : rue des Sports, 19 à 1348 Louvain-La-Neuve
– tél. : 010 47 91 85.
3. Sampa, Aide aux primo-arrivants :
– adresse : rue du Comte de Flandre, 15 à 1080 Bruxelles
– tél. : 02 422 06 23.
4. Jong/Jeugdhuis De Kaarderij,
– Sleepstraat, 118 à 9000 Gent
– tél. : 09 227 94 20.
5. ORCA, Organisation pour les travailleurs immigrés clandestins :
– adresse : rue Gaucheret, 164 à 1030 Bruxelles
– tél. : 02 274 14 31
– site : www.orcasite.be
6. Marie Arena, ministre des Pensions, de l’Intégration sociale et des Grandes villes :
– adresse : rue Ernest Blérot, 1 (9e étage) à 1070 Bruxelles 
– tél. : 02 238 28 11
– courriel : contact.cabinet@minsoc.fed.be

aurore_dhaeyer

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