Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Inventaire de prêts verts

Il y avait d’abord eu le prêt vert social de la Région bruxelloise, l’éco-prêt wallon et voici venu le prêt vert fédéral.

27-08-2009 Alter Échos n° 278

Il y avait d’abord eu le prêt vert social de la Région bruxelloise, l’éco-prêt wallon et voici venu le prêt vert fédéral. Tous ces prêts sontaccordés pour des investissements économiseurs d’énergie dans les habitations. Mais les conditions pour y accéder varient. Difficile de s’y retrouver pour le commun desmortels. D’autant qu’une série de banques proposent aussi des produits similaires : éco-crédit, crédit éco-habitation, crédit énergie et autresprêts verts.

Le 31 juillet, l’arrêté royal instaurant le prêt vert fédéral a été publié au Moniteur. Initiative du secrétaire d’État àla fiscalité environnementale, Bernard Clerfayt1, ce texte a été rédigé en collaboration avec Febelfin. Cette mesure permet aux particuliers quicontractent un prêt pour financer des dépenses faites en vue d’économiser l’énergie de bénéficier d’une réduction sur leur taux d’intérêtde 1,5 % – laquelle sera prise en charge par l’État. Le solde restant d’intérêts payés bénéficie en outre d’une réductiond’impôt de 40 %. Les institutions financières participant à cette mesure octroient un crédit spécifique pour les investissements économiseursd’énergie donnant droit à une réduction d’impôt (40 %). Les dépenses concernées sont le remplacement d’anciennes chaudières, l’installation d’unsystème de chauffage de l’eau sanitaire par le recours à l’énergie solaire, l’installation de panneaux photovoltaïques, l’installation de double vitrage, l’isolation dubâti (toit, murs et sols), le placement d’une régulation d’une installation de chauffage central au moyen de vannes thermostatiques ou d’un thermostat d’ambiance à horloge, unaudit énergétique de l’habitation. Le prêt concerne des investissements de minimum 1 250 euros et maximum 15 000 euros par an, par personne et par habitation et doitêtre conclu entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2011. Pour avoir droit à l’intervention fédérale, l’emprunteur devra demander l’octroi de labonification d’intérêt par le biais du prêteur. Le prêt peut se faire sous forme de prêt à tempérament ou de crédit hypothécaire.

Comparaison…

Bernard Clerfayt précise que cette mesure s’inscrit dans le cadre du plan de relance de l’économie. Son coût est estimé à 18,8 millions d’euros et devraitcréer 13 000 emplois en tablant sur 150 000 dossiers introduits en 2009. Le secrétaire d’État précise que cette mesure est plus large que les systèmes misen place par les Régions, étant donné que le prêt vert s’adresse à « tout contribuable qui effectue certaines dépenses en vue d’uneutilisation plus rationnelle de l’énergie dans l’habitation dont il est propriétaire, possesseur, emphytéote, superficiaire, usufruitier ou locataire. » Onnotera en effet que l’éco-crédit wallon, lui, s’adresse aux propriétaires ou aux « personnes morales de droit privé à finalité sociale ou asbl quimettent leur bien en location au profit de ménages répondant aux conditions de revenus » – soit les Agences immobilières sociales ou encore les Associations depromotion du logement. Pour sa part, le prêt vert social bruxellois vise tant les propriétaires que les locataires. Autre différence : le prêt vertfédéral s’adresse à tous sans condition de revenus, à l’inverse des prêts régionaux qui ciblent essentiellement les bas revenus. Par ailleurs, leremboursement du prêt fédéral peut se faire sur vingt ans, alors que le remboursement des prêts régionaux doit se faire sur dix ans. Enfin, last but not least,les prêts régionaux sont des prêts à taux zéro.

… n’est pas raison

Autant de dispositifs pour un même objectif complexifient quelque peu les choses. On pourrait ainsi s’étonner que le fédéral intervienne encore dans une matièrede plus en plus régionale comme le logement. Quoi qu’il en soit, sur le terrain, les objectifs poursuivis ne sont pas les mêmes. Ainsi, concernant le prêt vert social bruxellois,on note qu’en août 2009, le Crédal avait reçu 350 demandes et accordé 85 prêts. « Cela peut paraître peu, mais nous sommes dans un dispositif avec unaccompagnement important, commente Caroline Evrard2, coordinatrice de Crédal-Crédit social. Ce n’est pas du tout la même chose. Nous ne sommes pas dans une logique deprêts massifs. Actuellement, le nombre de prêts accordés commence à augmenter tout doucement. Le montant moyen emprunté pour un prêt vert social est de7 066 euros et la mensualité moyenne de remboursement est de 123 euros. Cela dit, beaucoup de personnes remboursent des mensualités de l’ordre de 50 à 60 euros. Nousadaptons la mensualité en fonction des gens et de ce qui se passe dans leur vie. Cela doit rester viable pour eux. Si quelqu’un retrouve un emploi, nous pouvons lui proposer aussi derembourser plus vite. C’est du cas par cas. » De plus, le Crédal préfinance aussi les primes énergie en les incluant dans le crédit. « Nouspermettons ainsi à des personnes à bas revenus d’accéder à ces primes : ils ne pourraient pas en bénéficier autrement. Une mensualitéadaptée aux capacités de remboursement des personnes et le préfinancement des primes sont une solution idéale pour notre public », conclut Caroline Evrard.

Du côté de la Région wallonne, ce sont le Fonds du logement des familles nombreuses (FLW) et la Société wallonne de crédit social (SWCS) qui octroientl’éco-prêt. Au 31 juillet, la SWCS3 avait réceptionné 650 demandes et 105 dossiers avaient été acceptés par le Comité decrédit. « Depuis, les chiffres ont augmenté, précise Bernard Fontaine, directeur de la SWCS. Sur l’ensemble des dossiers, 519 étaient des prêts àla consommation (en moyenne, 7 325 euros pour les prêts jusqu’à 10 000 euros), les 131 autres étant des prêts hypothécaires (en moyenne, 19 348 eurospour les prêts au-delà de 10 000 euros). Nous tenons compte de la capacité réelle d’emprunt et de remboursement. Les éco-prêts concernent 22 % desrevenus les plus faibles (16 400 euros), 32 % des revenus entre 16 401 et 30 100 euros, 28 % entre 30 101 et 45 200 euros et 18 % entre 45 201 et60 000 euros. » Les revenus les plus faibles constituent donc un cinquième des personnes ayant contracté un éco-prêt auprès de la SWCS.« Beaucoup de gens sont proches de la pension, ce qui veut dire qu’ils ont déjà rembours
é leur premier prêt hypothécaire et que leurs capacités derevenus ont augmenté avec l’âge, précise encore Bernard Fontaine. Nous aidons aussi les candidats dans leurs démarches pour bénéficier desprimes. » Une fois l’éco-prime octroyée, elle vient diminuer le montant à rembourser. L’objectif est de faire du conseil au plus près des gens. Pour sa part, leFWL4 a reçu 143 demandes et 38 prêts ont été accordés. Le montant moyen des prêts s’élève à 13 275 euros pour unemensualité moyenne de 140 euros et une durée moyenne de 97 mois. Les éco-prêts octroyés par le Fonds concernent majoritairement des travaux relatifs àl’isolation thermique du bâtiment, un poste prioritaire pour économiser de l’énergie. En effet, il a été démontré à l’envi qu’il ne servaità rien d’investir dans un moyen de chauffage performant si l’enveloppe du bâtiment était imparfaite.

Les banques n’ont pas attendu

On l’oublie parfois mais les banques n’ont pas attendu les initiatives politiques pour proposer des prêts verts ou écologiques à des taux plus avantageux. Ces prêts nes’adressent toutefois pas aux mêmes publics : les montants moyens des mensualités à rembourser sont effectivement plus élevés. Ainsi, Fortis5 –devenue BNP-Paribas Fortis entre-temps – fut parmi les premières à lancer, en 2006, un crédit énergie. Aujourd’hui, avec la sortie du prêt vertfédéral, elle lance le crédit vert plus à 4 %. « Nous octroyons une réduction de 1,5 % en plus de celle offerte par l’État,précise-t-on chez BNP-Paribas Fortis. Le crédit vert plus a eu beaucoup de succès au cours des dernières semaines : 65 % des prêts concernent desinvestissements pour l’installation de panneaux solaires, 14 % l’installation de chaudières et 13 % la pose de double vitrage. Beaucoup de personnes semblent avoir attendu lapublication de l’arrêté royal. »

De son côté, Axa Banque6 avait lancé en 2007 le prêt à tempérament energy@home. Dans le cadre du prêt vert, son taux est passéà 4,20 %. « Depuis son lancement, 3 786 prêts energy@home ont été accordés, nous signale Axa Banque. Le montant moyen emprunté est de14 039 euros avec une mensualité moyenne de 205,25 euros. À la différence du prêt vert, le prêt energy@home n’est pas limité dans le temps –jusqu’en 2011 – et permet de contracter des emprunts plus élevés. » C’est ainsi que si le montant de la facture excède le montant de 15 000 euros duprêt, il est possible de financer le solde de l’investissement par le prêt à tempérament. »

Éthias7 a également lancé un crédit éco-rénovation à taux avantageux en décembre 2007 et signé 909 dossiers decrédit, pour un peu plus de 10 millions d’euros. Le montant moyen d’un crédit est de 11 057,60 euros et la mensualité moyenne de 253,98 euros. D’autres banques ontfait de même en proposant aussi des taux intéressants – tels ING et Citibank, pour ne citer que celles-là. On notera que la banque Triodos8 a lancé leprêt hypothécaire passif en octobre 2008. Originalité : elle intègre les frais de fonctionnement et le prix de l’énergie dans le prêthypothécaire. « En d’autres mots, la banque Triodos tient compte des économies que vous réaliserez au fil du temps grâce à vos aménagementspassifs, ainsi que des avantages fiscaux qui en découleront, dans le calcul de votre capacité de financement », peut-on lire sur le site de la banque.

Critiques

Si l’Observatoire du crédit et de l’endettement (OCE)9 se réjouit des différentes mesures fédérales et régionales soutenant les investissementséconomiseurs d’énergie dans les habitations, il se montre toutefois critique par rapport au prêt vert fédéral. Il constate, par exemple, que « suivant letexte de l’arrêté royal, la demande de « bonification » doit être accompagnée d’une facture relative aux travaux ou aux installations financés par lecrédit en question. Il est par conséquent exigé du candidat emprunteur qu’au moment où il contracte le crédit et demande la « bonification », il se soit nonseulement engagé vis-à-vis d’un entrepreneur et/ou d’un vendeur mais aussi que les travaux et les équipements commandés à ceux-ci soientdéjà exécutés et livrés. Or il n’est jamais certain que le candidat emprunteur obtienne le crédit qu’il sollicite. » L’OCE invite doncles emprunteurs à la prudence.

Pour aller plus loin, on est en droit de se demander si les emprunteurs feront les bons investissements. Seront-ils efficacement conseillés ? À quoi sert-il de placer despanneaux photovoltaïques si les murs et le toit sont mal isolés ? Du côté wallon, on a prévu la parade : une expertise énergétique estmenée au préalable par les organismes prêteurs pour établir la liste des travaux et, le cas échéant, l’ordre de leur priorité pouvant êtrefinancés au moyen d’un éco-prêt. À Bruxelles, on assure un accompagnement personnalisé des demandeurs dans le cadre d’un partenariat avec Bruxelles-Environnement.Rien de tel ne semble avoir été prévu au travers de l’arrêté royal relatif au prêt vert. Le choix des travaux prioritaires à mener relèveapparemment de la compétence du seul emprunteur. Quoi qu’il en soit, ce nouveau texte prouve que l’investissement vert a plus que jamais le vent en poupe. Mais il semble que ce sont surtoutles moult avantages fiscaux et autres primes énergie qui motivent les personnes à réaliser ces travaux. Quant à la cohérence entre Régions et entitéfédérale, il y aura certainement du pain sur la planche pour cette législature.

Le prêt vert social bruxellois

Opérationnel depuis juin 2008, le prêt vert social à taux zéro vise les ménages bruxellois à bas revenus (propriétaires ou locataires), dont lerevenu net s’élève à 1 018 euros par mois pour un isolé et 1 388 euros pour des cohabitants, après déduction de la mensualité du prêthypothécaire (ou du loyer) et de 181 euros nets par enfant à charge. Le montant maximum accordé s’élève à 10 000 euros et la durée decrédit est logiquement de 10 ans.
L’accord régional bruxellois prévoit de doper le prêt vert social en matière de pré-financement des travaux
et des primes, entre autres, en portant à 500 paran le nombre de bénéficiaires en 2010 et en allongeant la durée de remboursement des mensualités. Il est aussi question de recourir au tiers investisseur pour encouragerles sociétés de services énergétiques à remettre des offres intéressantes aux propriétaires de bâtiments désireux de rénoverl’enveloppe de leurs bâtiments.

L’éco-crédit wallon

L’éco-prêt à taux zéro a été lancé au début 2009 par la Région wallonne et est accordé via le Fonds du logementpour les familles nombreuses et la Société wallonne de crédit social, une fois qu’une expertise énergétique a été réalisée pouridentifier les travaux prioritaires. Il est destiné aux particuliers dont le revenu annuel brut imposable en 2009 ne dépasse 45 200 euros, majoré de 2 200 euros parenfant à charge. Toutefois, pour l’année de lancement, le plafond de revenus imposables est de 60 000 euros. Le montant emprunté doit être compris entre 2 500 et30 000 euros et est remboursable sur 10 ans.

L’accord régional wallon de juillet 2009 envisage de réformer le système existant de primes « énergie-logement ». Il est égalementprévu de développer le mécanisme du tiers investisseur pour préfinancer la rénovation énergétique du logement. Dans ce cadre, un guichet public uniqueverrait le jour pour préfinancer les primes, réductions et crédits d’impôts éventuels pour les ménages à bas et moyens revenus. Pour le solde, leguichet unique mobilisera en faveur des bénéficiaires les dispositifs existants qu’ils soient publics ou privés (prêts à taux réduits/zéro)modulés en fonction des revenus du bénéficiaire.

En France, le PTZ

Lancé en France en avril 2009, l’éco-prêt à taux zéro – ou PTZ – serait déjà un succès. Quelque 45 000 demandes auraientété enregistrées et 15 000 prêts seraient déjà accordés à des particuliers, ont annoncé le 20 juillet Jean-Louis Borloo, ministre del’Écologie et de l’Énergie, et Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé de l’l’Urbanisme et du Logement. Ils rappellent que« l’éco-prêt à taux zéro est un dispositif clé du plan bâtiment du Grenelle Environnement10 et un puissant levier pourréduire massivement nos émissions de CO2, sachant que 42 % de ces émissions proviennent des bâtiments. De plus, c’est un dispositif simple, lisible et accessibleà tous sans condition de ressources. Chacun pourra ainsi faire des économies très rapidement sur ses factures énergétiques. »

Le PTZ finance jusqu’à 30 000 euros de travaux portant sur des investissements favorisant l’efficience d’un logement (résidences principales occupées ou misesen location, individuelles ou en copropriété) – la moyenne actuelle tourne autour de 18 000 euros. Il est accessible à tous les particuliers. La durée deremboursement est de 10 ans mais peut s’étendre sur 15 ans. Ces prêts sont accordés par les institutions bancaires classiques. Philippe Pelletier, président duComité de suivi du volet bâtiment du Grenelle de l’Environnement, souligne le succès du PTZ vert, « même si tous les réseaux bancairesn’étaient pas vraiment prêts au départ ».

1. Cabinet du Secrétaire d’État, adjoint au ministre des Finances :
– adresse : bd du Roi Albert II, 33 à 1030 Bruxelles
– tél. : 02 575 83 23
– site : www.leprevert.be
2. Credal – Antenne Bruxelles :
– adresse : Centre Dansaert, rue d’Alost, 7 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 213 38 31
– site : www.credal.be
3. SWCS :
– adresse : bd Tirou, 7 à 6000 Charleroi
– tél. : 071 53 11 11
www.swcs.be
4. FLW :
– adresse : rue de Brabant, 1 à 6000 Charleroi
– tél. : 071 20 77 11
www.flw.be
5. BNP Paribas Fortis :
– adresse : Montagne du Parc, 3 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 565 11 11
– site : www.fortisbank.com
– site : www.creditenergie.be
6. Axa Banque :
– adresse : bd du Souverain, 25 à 1170 Bruxelles
– tél. : 02 678 61 11
– site : www.axa.be
7. Ethias :
– adresse : rue des Prémontrés, 10 à 4000 Liège
– tél. : 04 220 31 11
– site : www.ethias.be
8. Triodos :
– adresse : rue haute, 139/3 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 548 28 28
– site : http://www.triodos.be
9. OCE:
– adresse : place Albert 1er, 38 à 6030 Marchienne-au-Pont
– tél. : 071 33 12 59
– site : www.observatoire-credit.be
10. Le Grenelle Environnement est un ensemble de rencontres politiques organisées en France en octobre 2007 portant sur les décisions à long terme à prendre enmatière d’environnement et de développement durable. Elle a débouché sur la loi Grenelle Environnement votée définitivement le 23 juillet 2009. Cette loireprend des mesures notamment pour lutter contre le changement climatique, mieux protéger la biodiversité et les milieux naturels et mieux prévenir les risques pourl’environnement et la santé. Infos : http://www.legrenelle-environnement.fr ;
http://www.pret-vert.com

Baudouin Massart

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