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Hausse des prix : les petits revenus trinqueront

Une étude de l’Institut pour un développement durable (IDD) tend à démontrer que les mécanismes d’indexation sont insuffisants pour maintenir lepouvoir d’achat des ménages à faibles revenus : leur structure de consommation accroît l’effet de la hausse des prix par rapport à la moyenne desménages.

19-11-2007 Alter Échos n° 240

Une étude de l’Institut pour un développement durable (IDD) tend à démontrer que les mécanismes d’indexation sont insuffisants pour maintenir lepouvoir d’achat des ménages à faibles revenus : leur structure de consommation accroît l’effet de la hausse des prix par rapport à la moyenne desménages.

Le chiffre est connu, répété à l’occasion de chaque Journée mondiale de lutte contre la pauvreté, et ne varie guère d’une annéeà l’autre. Près d’une personne sur six vit dans un ménage pauvre, en Belgique, soit exactement la moyenne européenne. Un chiffre qu’il est bon de garderen mémoire alors que la hausse du prix des matières premières et, plus singulièrement, des prix du pétrole et du blé, commence tout doucement à sefaire sentir. Il est, en tout cas, suffisamment significatif pour éprouver l’intérêt de la récente étude pilotée par Philippe Defeyt, économisteà l’IDD et président du CPAS de Namur1, sur la dégradation du pouvoir d’achat des personnes à bas revenus. Sans remettre en cause le principed’indexation, l’étude détaille dans quelle mesure l’indice des prix à la consommation (IPC) ne reflète pas précisément laréalité et est insuffisant pour maintenir le niveau de (sur)vie des personnes aux revenus les plus faibles.

Pour commencer, Philippe Defeyt note que plusieurs effets amoindrissent la représentativité de l’indice. « Les pondérations utilisées ne reflètentpas strictement celles issues des enquêtes sur le budget des ménages. Par ailleurs, on sait d’expérience que les ménages les plus pauvres ne répondentgénéralement pas aux enquêtes, ce qui complique encore les analyses », explique l’auteur.

Les différences qui peuvent exister entre la structure de consommation de la moyenne des ménages et celle des ménages à très faibles revenus sont plus quesignificatives. Selon l’étude, la part de certains postes peut passer du simple au double, voire du simple au triple. Si la part consacrée aux loyers réels est de 6,2 %dans l’IPC, elle s’élève à 14,8 % pour 20 % des ménages les plus pauvres. Au total, les frais liés au logement (loyer, eau, électricité,gaz et autres combustibles) se montent à 15,7 % pour l’IPC, et sont estimés à 24,8 % pour 20 % des ménages les plus pauvres2. Une hausse des prix desproduits énergétiques aura donc un impact d’autant plus marqué que le ménage est pauvre, un constat qui n’a rien de surprenant mais que l’étudeentendait chiffrer de manière plus concrète.

Corriger les effets de la structure de consommation

Philippe Defeyt poursuit donc l’exercice en évaluant ce qu’aurait été l’évolution des prix depuis 2004 si l’on avait appliqué strictementles pondérations de l’enquête sur le budget des ménages et plus précisément, l’évolution moyenne des prix en fonction des structures deconsommation des ménages les plus pauvres, afin de coller au plus juste à leur réalité en 2007. Les résultats corroborent les inquiétudes de nombreuxobservateurs, si l’on considère l’objectif de préservation du pouvoir d’achat. Pour exemple, le cas d’un couple bénéficiant d’une allocationde chômage, confronté à des augmentations moyennes des quatre grandes catégories de consommation (loyer, énergie, nourriture, autres) : pour maintenir son pouvoird’achat moyen de 2004, l’allocation aurait dû progresser de 9,27 %. Selon cette hypothèse, le couple a subi une perte de son pouvoir d’achat, sur base annuelle, deprès de 400 euros. Le chiffre est une estimation basse puisqu’il ne tient pas compte des pertes antérieures à 2004, ni de l’augmentation réelle des loyers– supérieure à celle reflétée dans les indices officiels – ni des augmentations annoncées de certains produits (lait, céréales,électricité, etc.) dont la part relative est élevée dans leur structure de consommation.

« L’objet de l’étude n’est pas d’encourager l’abandon des mécanismes d’indexation mais de montrer qu’ils sont insuffisants pourprotéger les personnes à faibles revenus, insiste Philippe Defeyt. Il faut organiser un système de protection supplémentaire pour compenser la hausse des prix qui touche,proportionnellement, beaucoup plus les personnes les plus fragiles sur le plan économique. Je songe, entre autres, à une allocation loyer. »

Mesures urgentes

Une analyse relayée par la Confédération des syndicats chrétiens de Belgique, qui a lancé, le 13 novembre dernier, un appel visant à demander « desmesures urgentes pour contrer la hausse des prix de l’énergie et des produits alimentaires » et a avancé dix priorités destinées à maintenir le pouvoird’achat des ménages3. « En plus du maintien de l’index, nous exigeons la liaison au bien-être pour tous les revenus de remplacement. Nous n’acceptonspas que les négociateurs chargés de former le gouvernement ne se soucient ni des chômeurs ni des victimes de maladies professionnelles et d’accidents du travail »,insiste la Confédération.

Un point défendu par Philippe Defeyt : « Toute l’ambiguïté de la loi, c’est qu’elle dit qu’il faut augmenter les allocations en fonction del’augmentation du pouvoir d’achat liée au salaire… mais ne précise pas dans quelle proportion. La détermination du pourcentage est une décision de politiquebudgétaire. Ma crainte, face aux diverses promesses qui ont été faites, est qu’on réduise l’augmentation de ces allocations sociales. Mais il seraitterriblement injuste de ne faire des cadeaux qu’à ceux qui paient des impôts. »

Les mesures proposées par la CSC s’attachent essentiellement à contrer les effets de la hausse des prix énergétiques. La Confédération plaide pourl’allègement de la facture de gaz et d’électricité – via la taxation des centrales nucléaires et au charbon, dont le coût est amorti–, pourle contrôle des tarifs de distribution, ou encore l’intervention rapide du Fonds mazout avec une meilleure information destinée aux bénéficiaires de la mesure. Elledemande également l’entrée en vigueur immédiate de l’octroi automatique du nouveau tarif social pour l’électricité et le gaz au profit desconsommateurs à faibles revenus, mis en place par le gouvernement sortant et estime que « la mesure peut encore être prise par le gouvernement en affaires courantes »
.

Entre 5 000 et 10 000 coupures de gaz en Wallonie!

Le 25 octobre, le Réseau wallon pour l’accès durable à l’énergie (Rwadé) avait tiré la sonnette d’alarme.

Il annonçait dans le journal Vers l’Avenir que quelque 30 000 ménages risquaient de se voir couper le gaz d’ici au 15 novembre – soit avant la trève hivernale. LeRwadé précisait que les plus précarisés seraient les principales victimes. Qui plus est, les fournisseurs d’énergie refuseraient les plans d’étalement depaiement.

Le ministre wallon de l’Énergie, André Antoine4, a contesté ces chiffres. Il rappelle que « pour l’année 2006, le rapport annuel de la Cwape (Commission wallonne pour l’énergie) sur l’exécution des obligations de service public (OSP) à caractère social imposées aux fournisseurs et gestionnaires deréseaux de distribution (GRD) indique que 5 500 coupures effectives en gaz ont eu lieu en 2006. Pour cette année, vu la conjoncture, la tendance devrait être à la hausse,mais on est très loin des 30 000 cas annoncés par le Rwadé. L’administrateur de la Cwape, en charge des OSP, confirme que le nombre de coupures effectives devrait se situer »entre 5 000 et 10 000″ ». Pour le ministre, il y a désinformation de la part du Rwadé. Il n’empêche que 5 000 à 10 000 ménages devraient effectivement se voircouper le gaz cette année.

1. Étude de l’Institut pour un développement durable, Centre d’études des Amis de la Terre-Belgique :
– adresse : rue des Fusillés, 7 à 1340 Ottignies
– tél. : 010 41 73 01
2. Si l’on prend en considération le 1er décile (10% des ménages les plus pauvres), la part consacrée au loyer est de 16,9% et de 27,2% pour lesdépenses globales de logement.
3. Pour la liste exhaustive, voir : hwww.csc-en-ligne.be

4. Cabinet d’André Antoine :
– adresse : rue d’Harscamp 22 à 5000 Namur
– tél. : 081 25 38 11
– site : http://www.min-antoine.be

aurore_dhaeyer

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