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Regard critique · Justice sociale

JUSTICE

Grèves en prison : la Belgique condamnée pour « traitement dégradant »

28-05-2019

En 2016, suite au mouvement de grève des agents pénitentiaires, John Clasens, détenu à la prison d’Ittre, avait saisi la Cour européenne des droits de l’Homme. Les juges strasbourgeois ont condamné la Belgique pour « traitement dégradant » et « recours non-effectif ».

La Belgique est condamnée. Le traitement de détenus lors de la grève des agents pénitentiaires d’avril – mai 2016 est considéré comme « dégradant ».

Le 28 mai 2019, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu son arrêt dans l’affaire « Clasens c. Belgique ». Les conclusions sont claires : « Les conditions de détention, lors de la grève des agents pénitentiaires, s’analysent en un traitement dégradant en raison de l’effet cumulé de l’absence connue d’activité physique, des manquements répétés aux règles d’hygiène, de l’absence de contact avec le monde extérieur et de l’incertitude de voir les besoins élémentaires satisfaits. » La détresse de monsieur Clasens avait alors « excédé le niveau inévitable de souffrance inhérent à la mesure privative de liberté ». La Belgique a donc violé l’article 3, celui qui prohibe la torture et les « traitements inhumains et dégradants ».

John Clasens est détenu à la prison d’Ittre. Face à la dégradation rapide de ses conditions de détention, il s’était retourné vers les juridictions nationales qui lui donnèrent raison. Le tribunal de première instance, saisi en référé, avait condamné l’Etat belge au paiement d’astreintes et au « rétablissement du régime de détention ordinaire ». En gros, le juge en référé réclamait la mise en place d’un service minimum. En réalité, cet arrêt n’a rien changé aux conditions de détention de monsieur Clasens. Par conséquent, la Cour européenne des droits de l’Homme condamne aussi la Belgique pour non-respect du droit à un recours effectif (article 13). « C’est l’absence d’encadrement de la continuité des missions des agents pénitentiaires en période de grève qui est à l’origine de l’ineffectivité du recours et a compromis l’exécution de la décision favorable prononcée par le juge judiciaire », écrivent les juges de Stasbourg.

En 2016, les agents pénitentiaires avaient protesté contre les mesures gouvernementales de prolongement des fins de carrière des fonctionnaires. Le 25 avril, tous les agents pénitentiaires du pays commençaient une grève dont la durée prévue initialement était de 32 heures. Sauf que les syndicats, représentants les agents des 18 prisons francophones, avaient poursuivi le mouvement pendant cinq semaines. Une durée record. A mesure que la grève s’éternisait, les conditions de détention se dégradaient.

Trois ans plus tard, l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme ne passe pas inaperçu. Monsieur Clasens touchera 3480 euros pour dommage moral. Au-delà de son cas personnel, cet arrêt limite, en creux, l’exercice du droit de grève des agents pénitentiaires en prison, au vu des violations des droits humains que ces mouvements sociaux font subir aux détenus. Rappelons que la Chambre des représentants a voté, en mars dernier, une loi instaurant un service minimum dans les prisons.

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Cédric Vallet

Cédric Vallet

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