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Sans-abrisme : pour une approche intégrée

Au printemps dernier, un groupe de travail de la Concertation bruxelloise de l’aide aux sans-abri planchait sur la question d’une approche intégrée de l’aide aux sans-abri. La note de synthèse de ce travail a été publiée récemment. Le point sur cette réflexion avec Martin Wagener, directeur de la Strada.

08-10-2015
© Colin Delfosse

Au printemps dernier, un groupe de travail de la Concertation bruxelloise de l’aide aux sans-abri planchait sur la question d’une approche intégrée de l’aide aux sans-abri. La note de synthèse de ce travail a été publiée récemment. Le point sur cette réflexion avec Martin Wagener, directeur de la Strada.

Alter Échos: Cette note est-elle une initiative de terrain ou a-t-elle été demandée par les cabinets Smet et Fremault qui sont en train d’élaborer leur «plan intégré de lutte contre le sans-abrisme»?

Martin Wagener: Cette note a été réalisée sur base d’une proposition des fédérations AMA, BICO, du CAW Brussel et du Regio-Overleg. Mais nous avons décidé de mettre en place une concertation plus large, avec les secteurs connexes: la santé, l’aide aux toxicomanes, le handicap… On sent chez eux une volonté, un besoin de travailler ensemble. Nous avons ensuite communiqué cette note aux cabinets.

A.É.: Un des gros points de cette note souligne la nécessité d’une approche intégrée pour garantir l’accès aux droits fondamentaux et aux services existants…

M.W.: Oui, le secteur sans-abri est celui de la dernière chance. Nous récupérons toutes les personnes qui sont passées entre les mailles du filet de la protection sociale. Depuis les années 70, l’accès au travail s’est détérioré, et depuis quinze ans, c’est le logement qui devient hors d’atteinte. Le public de mal-logés s’est diversifié. Il y a entre 150 et 300 personnes en rue, avec des problèmes d’addictions ou de santé mentale. À côté de cela, il y a des personnes qui ont juste besoin de se ressourcer pour redémarrer ou de trouver un logement point barre. On constate aussi de plus en plus de problématiques multiples. Ont-elles vraiment augmenté ou y est-on de plus en plus sensible ? Avant les secteurs étaient très cloisonnés, aujourd’hui on met beaucoup plus en commun.

A.É.: On parle tout le temps de travail en réseau. Concrètement, qu’est-ce qui manque aujourd’hui?

M.W.: Ce qui manque cruellement, c’est le travail en réseau sur le terrain. Cela peut prendre plusieurs formes: il y a les accompagnateurs psycho-sociaux qui font la passerelle entre les secteurs via un accompagnement physique des usagers dans les institutions, mais aussi l’échange de pratiques de travail social. Mais il faut des personnes qui aient du temps consacré à cela. On dit toujours qu’il faut faire du travail en réseau, mais qui a le temps pour cela? Il faut un cadre, des conventions, des moyens.

A.É.: N’y a-t-il pas aussi un travail à réaliser par les services sociaux généralistes pour améliorer leur accessibilité?

M.W.: Oui, c’est vrai. Les CPAS sont de plus en plus confrontés à un public de sans-abri. Certains CPAS fonctionnent toujours comme une forteresse administrative où une personne sans-abri doit se faire accompagner par un éducateur de rue pour y avoir accès. Si c’est un téléphoniste qui oriente la personne vers les travailleurs sociaux, le sans-abri risque de ne pas passer cette première étape. D’autres CPAS ont fait un travail très intéressant sur la fonction d’accueil, par exemple en demandant à un travailleur social expérimenté de réaliser ce premier accueil.

A.É.: La transversalité ne devrait-elle pas passer par de nouvelles formes de lieux plus intégrés?

M.W.: Oui, pourquoi pas mettre en place un centre de jour pour sans-abri, avec dans le même bâtiment un service à bas seuil pour personnes toxicomanes, un local d’échange de seringues? Mais dans notre secteur, les centres de jour sont budgétairement malmenés. Ces dispositifs d’accueil sont parfois vus uniquement comme des chauffoirs. Or ils réalisent tout un travail psycho-social, un travail de longue durée. Mais il ne faut pas que tout le monde veuille tout faire dans un même lieu. Il faut aussi faire attention aux problèmes de cohabitation, en termes d’âge et de mixité. Une de nos revendications, c’est aussi de créer des endroits où les femmes puissent être entre elles. Au-delà de lieux physiques intégrés, il faut aussi une approche communautaire: travailler avec les différentes fonctions qui cohabitent dans un quartier.

A.É.: Un des publics pointés dans votre note sont les migrants. Avec l’afflux de demandeurs d’asile puis de réfugiés qui arrivent à Bruxelles, le secteur ne craint-il pas une arrivée massive d’un nouveau public?

M.W.: Ce n’est pas une crainte, c’est une certitude. 60% des personnes seront reconnues comme des réfugiés. Les autres 40% vont bientôt se retrouver dans la rue et vont devoir chercher d’autres solutions. Quant à ceux qui vont devenir réfugiés, quelles sont leurs possibilités d’accès au logement? Cela va faire beaucoup de monde pour un petit secteur. Et cela va concorder avec l’arrivée de l’hiver.

A.É.: Quelles suites?

M.W.: Ce qu’on entend du nouveau plan des ministres, c’est qu’il va y avoir un travail sur l’accès au logement, et notamment aux logements sociaux. En 2013, parmi les femmes qui sont passées par notre secteur, seules deux ont eu accès à un logement social. On est dans un système universaliste, mais les listes d’attente sont tellement longues que les plus précaires en sont exclus. On va commencer un nouveau groupe de travail sur l’accès au logement avec les deux secteurs. On doit aujourd’hui renforcer les leviers de sortie. On doit penser le secteur sans-abrisme pour qu’il disparaisse. C’est une problématique sociale qu’on devrait être capable de traiter!

 

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Marinette Mormont

Marinette Mormont

Journaliste (social, santé, logement)

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