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"FCSS : Etat social actif, un concept libéral pour un social à la marge?"

04-10-2002 Alter Échos n° 128

Le thème de l’État social actif était au centre des réflexions de la journée d’étude de la Fédération des centres de servicesocial (FCSS)1 ce 19 septembre à Liège.
La notion d’État social actif trouve sa filiation dans la critique anglo-saxonne de la social-démocratie et la proposition d’une nouvelle philosophie de l’interventionpublique qualifiée de «troisième voie». Le thème a aujourd’hui été repris à son compte par le gouvernement fédéral qui en afait le principe directeur de sa politique et a acquis ses lettres de noblesse dans la rhétorique européenne.
Responsables
Le ministre Vandenbroucke fut l’un des premiers à formaliser une théorie de l’État social actif en Belgique. Sa représentante, A. Ponce2, en brossa les grandeslignes en guise d’introduction à la journée. Ainsi, l’État social actif (ESA) se veut… actif et entreprenant; il vise le développement d’unesociété de personnes actives, sans renoncer à l’ancienne ambition de l’État social, à savoir une protection sociale «adéquate».
Partant de l’hypothèse que l’État social traditionnel serait passif car il n’interviendrait qu’après l’intervention d’un risque social, F.Vandenbroucke estime que le nouvel ESA doit, au contraire, développer une action davantage préventive. De surcroît, l’ESA ne doit plus seulement assurer un revenu auxindividus, mais accroître le nombre de personnes actives dans la société. Aussi, l’activation devient-elle le principe-clé de l’ESA. Il s’agit entreautres de corriger les mécanismes du système de sécurité sociale qui découragent les gens au lieu de les encourager à être actifs.
Cette question de la transformation de l’État fut brillamment remise en perspective par Pascale Vielle, professeur de droit social à l’UCL3, qui a montré comment lasécurité sociale a été développée pour permettre aux individus de ne pas devoir dépendre du marché du travail lors de différentesétapes de la vie. Or, c’est justement ce principe qui semble remis en cause par l’ESA, estime P. Vielle. De plus, les grands objectifs d’élévation du tauxd’emploi prônés au nom de l’ESA risquent de pousser les individus dans des formes de travail non choisies ou aux conditions de travail peu acceptables. Le risque estd’autant plus grand que l’on asýiste dans le même temps à une remise en question du chômage. Considéré jadis comme un droit lié à uncertain nombre de risques, il devient aujourd’hui indigne, voire suspect. Il revient dès lors aux demandeurs d’emploi de démontrer l’intensité de leursdémarches en vue de retrouver un emploi.
Employables
Le constat est partagé par Bernard Conter, attaché scientifique à l’Observatoire wallon de l’emploi4, qui montra notamment comment le thème de l’ESAcontribue à rendre les politiques de l’emploi et de la formation professionnelle le plus possible en phase avec les orientations de la politique européenne de l’emploi.
On observe ainsi une tendance croissante à l’individualisation des politiques, notamment dans les domaines de la formation professionnelle et de l’insertion, où lesindividus se voient confier une responsabilité croissante en matière «d’employabilité». Il revient ainsi aux travailleurs de se montrer attentifs auxévolutions de l’emploi et des qualifications et à se former pour rester «employables», et aux demandeurs d’emploi d’acquérir, à travers laformation, des compétences «adéquates aux besoins du marché».
Une insistance forte sur l’élévation du taux d’emploi, associée à la grande importance accordée à la responsabilité des individus, peutconduire à certains risques, estime Bernard Conter. En premier lieu celui d’assigner aux opérateurs d’insertion professionnelle le seul objectif de retour àl’emploi et d’évaluer leur action à la lumière de celui-ci. Il s’agirait là d’une transformation importante qui pourrait accompagner uneévolution de l’assurance chômage dans le sens du workfare. Par ailleurs, considérer le marché comme seul régulateur de la formation et de l’accèsà l’emploi peut conduire à une sélectivité plus forte des services offerts aux demandeurs d’emploi et, à moyen terme, à une privatisation duchamp de l’insertion. Bernard Conter estime en conclusion que certaines interrogations portées par le discours sur l’ESA sont pertinentes, mais que la mise en œuvre desréponses proposées présente un certain nombre de dérives, en particulier à l’égard des individus les plus fragilisés dans lasociété.
Ces exposés ont ouvert de larges débats et ont montré combien le thème de l’ESA interpellait les travailleurs sociaux qui se voient confier des missions de mise enœuvre de ses politiques.
1 FCSS, rue de l’enseignement, 91 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 223 37 74, e-mail : fcss@skynet.be
2 Cabinet Vandenbroucke, rue de la Loi, 62 à 1040 Bruxelles.
3 Département de droit économique et social de l’UCL, place Montesquieu, 2 à 1348 Louvain-la-Neuve, tél. : 010 47 47 58, e-mail : vielle@deso.ucl.ac.be
4 OWE – SES, place de la Wallonie, 1, bât. II à 5100 Jambes, tél. : 081 33 30 50 et 59, e-mail : b.conter@mrw.wallonie.be

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