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Familles recomposées : ni idyllique ni sordide, simplement plus difficile

Moins de revenus, moins de place pour vivre, plus de difficultés à l’école… Selon une étude de la Fondation Roi Baudouin (FRB), les enfants vivant dans desfamilles recomposées vivent globalement moins bien que les autres.

14-11-2008 Alter Échos n° 262

Moins de revenus, moins de place pour vivre, plus de difficultés à l’école… Selon une étude de la Fondation Roi Baudouin (FRB), les enfants vivant dans desfamilles recomposées vivent globalement moins bien que les autres.

Mon demi-frère, ton ex-beau-père, sa belle-mère, le grand-père de ma demi-sœur. La famille se réinvente, se décompose et se recompose auxrythmes des ruptures, des rencontres, des naissances. Vivre dans une famille recomposée n’est plus une exception mais un lieu commun pour de nombreux enfants aujourd’hui. Pourautant, cette réalité devenue palpable n’a jamais été vraiment chiffrée et analysée. C’est pour pallier cette carence que la Fondation a mis surpied un colloque faisant le tour de la question1. Quelle est la définition d’une famille recomposée ? Comment vit-elle ? Comment les enfants y trouvent-ils leur place ?Juristes, sociologues et journalistes se sont efforcés de décortiquer la vie de ces familles, des croyances religieuses à la pratique des loisirs, du bien-êtrematériel au parcours scolaire des enfants. Les enfants aussi ont été entendus sur leur manière de vivre les événements.

Les chercheurs estiment qu’il y aurait entre 5,2 % et 7 % de familles recomposées en Belgique, environ 10 % de familles monoparentales et entre 83 et 85 % defamilles dites classiques. Du point de vue des enfants, 10 % d’entre eux vivent dans une famille recomposée, au moins à temps partiel. Nous sommes dans la moyenneeuropéenne; les pays scandinaves montant à 25 % d’enfants dans une famille recomposée. « Quand on parle de la problématique, on navigue entre deuxvisions, l’une idyllique et l’autre sordide faite de bagarres entre beaux-parents et beaux-enfants. La réalité est entre ces deux extrêmes », expliqueMarie-Thérèse Casman2 qui a participé à l’étude commanditée par la FRB.

Familles monoparentales plus touchées par la pauvreté

Si le statut de la famille est a priori de l’ordre de l’intime, difficile d’ignorer qu’il peut y avoir des répercussions importantes sur le bien-être del’enfant et sur sa scolarité. Les analyses effectuées par les chercheurs se sont basées sur une enquête longitudinale menée auprès de 3 000ménages durant onze ans (1992-2002) et, globalement, les données montrent effectivement que la qualité de vie des enfants est liée à la composition de la famille :de moins bonne à meilleure selon qu’elle est monoparentale, recomposée ou classique. Ainsi, la pauvreté touche 47,8 % des familles monoparentales, 34,2 % desfamilles recomposées et 24 % des familles classiques ; le manque d’espace à l’intérieur du logement touche 19,6 % des familles monoparentales, 18,9 %des familles recomposées et 5,8 % des familles classiques. Les statistiques suivent la même logique en ce qui concerne la pratique d’activités extra-scolaires par lesenfants (53,6 %, 58 % et 66,9 %), la pratique de loisirs de la famille ou le niveau de satisfaction par rapport à sa vie sociale, professionnelle ou financière. Uneexception a été relevée en ce qui concerne le retard scolaire : ce sont d’abord les enfants des familles recomposées qui sont touchés : 39,9 % d’entre eux ontau moins une année de retard scolaire, contre 18 % dans les familles classiques et 29 % dans les familles monoparentales. Ceci s’explique par le fait que ce sont les famillesrecomposées qui comportent le plus d’enfants d’âge élevé, ce qui détermine aussi le retard scolaire.

Forte de ces analyses, la FRB a lancé quelques pistes de réflexion ainsi que des propositions concrètes pour améliorer le bien-être des enfants vivant dans cesnouvelles familles. Comme la mise en place d’un système de double adresse pour les enfants vivant entre les domiciles paternel et maternel ou la révision des normes dans leslogements sociaux pour que les familles recomposées puissent disposer d’un plus grand nombre de chambres, fussent-elles occupées à temps partiel. Sur le plan juridique, laFondation préconise d’élargir la réflexion sur l’opportunité de formaliser les relations entre beaux-parents et enfants. Sur le plan sociétal, ellepointe la nécessité de réfléchir au rôle de la famille élargie et des éducateurs au sens large qui peuvent apporter un soutien non négligeableaux jeunes confrontés aux difficultés d’une famille en décomposition ou recomposition.

1. « Vivre dans une famille recomposée, regards sur l’univers des enfants et des jeunes », colloque organisé par la Fondation Roi Baudouin, le 6 novembre 2008. Lapublication liée au colloque (128 pages) est téléchargeable gratuitement sur le site www.kbs-frb.be. Elle peutégalement être commandée au 070 23 37 28.
2. Marie-Thérèse Casman est directrice scientifique à l’Institut des sciences humaines et sociales de l’université de Liège.

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