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Exclus hier, experts en exclusion demain ?

L’exclusion, ils l’ont vécue, ils l’ont surmontée. L’administration parie sur leur expérience de vie pour mieux accueillir les personnesdéfavorisées. Ils, ce sont les 16 médiateurs de terrain qui seront intégrés dans divers services fédéraux.

14-11-2005 Alter Échos n° 197

L’exclusion, ils l’ont vécue, ils l’ont surmontée. L’administration parie sur leur expérience de vie pour mieux accueillir les personnesdéfavorisées. Ils, ce sont les 16 médiateurs de terrain qui seront intégrés dans divers services fédéraux.

La pauvreté n’est pas qu’un manque de moyens financiers, c’est aussi un fossé culturel, social et citoyen qui sépare les personnes souffrantd’exclusion des structures censées les aider. Conscient de ce fossé, Christian Dupont, ministre de l’Intégration sociale et de la Fonction publique (PS) et Els VanWeert, secrétaire d’Etat à l’Économie sociale et au développement durable (Spirit), lancent un projet novateur : accueillir 16 médiateurs de terrain enpauvreté et exclusion sociale au sein de l’administration fédérale et parastatale. Particularité de ces experts en vécu, avoir étéeux-mêmes victimes de la pauvreté. Leur atout : avoir surmonté l’exclusion. Exclus hier, ils peuvent aujourd’hui transmettre leur expérience et accompagnerà leur tour les personnes précarisées.

L’idée est née du travail de terrain mené par l’association flamande De Link1. Un nombre important de citoyens passe encore au travers des mailles dufilet de la sécurité sociale : 7 % des Belges vivent dans la grande pauvreté et 13 % courent le risque d’y basculer2. Il est donc vital de trouver sur sonparcours la personne qui saura écouter et à laquelle on pourra s’identifier. Mais la mission de ces experts du vécu en pauvreté et en exclusion ne consistera pastant à effectuer des tâches spécifiques qu’à changer la manière dont celles-ci sont remplies en intégrant la perspective des personnes pauvres dans lespolitiques de lutte contre l’exclusion sociale. « Notre intention n’est pas d’engager des assistants sociaux dans l’administration, précise le ministre Dupont,mais de nous adjoindre d’autres compétences dans le cadre de la lutte contre la pauvreté afin de créer le chaînon manquant entre les exclus et l’administration.»

Des bâtisseurs de ponts

Deux premiers médiateurs de terrain travaillent depuis novembre 2004 au sein du SPP Intégration sociale. Leurs 16 futurs collègues, en formation auprès de l’asblDe Link pour les néerlandophones et à l’institut Roger Guilbert pour les francophones, seront engagés d’ici peu dans divers services administratifsfédéraux et parastataux dont notamment les départements de la Justice, la Caami (Caisse auxiliaire d’assurance maladie-invalidité), la Défense, l’Inasti(InstitUt national d’assurances sociales pour les travailleurs indépendants) et la Santé publique. Ils seront intégrés au niveau D pour commencer mais avec deréelles possibilités de progression.

Financé à hauteur de 1.353.000 euros sur deux ans par le gouvernement fédéral et le Fonds social européen (FSE), ce projet pilote vise à créerà plus long terme une nouvelle filière professionnelle. « C’est, à ma connaissance, explique Fabrizio Leiva-Ovalle, coordinateur francophone du projet au sein du SPPIntégration sociale, la première fois qu’un pouvoir politique intègre dans son administration des personnes avec un vécu d’exclusion sociale. Ce sont desbâtisseurs de ponts. »

« L’expérience ne portera ses fruits, avertit Julien Van Geertsom, président du SPP Intégration sociale, que si les administrations sont prêtes àjouer le jeu. Et je crois qu’elles ont marqué jusqu’à présent leur intérêt pour le projet. » Mais le succès de cette initiativedépendra également d’une formation de haute qualité des médiateurs et d’une bonne préparation interne dans le service concerné avec unedéfinition claire du rôle et des missions du médiateur. Le projet fera à terme l’objet d’une évaluation en collaboration avec un institut de recherchereconnu.

Après une longue période de chômage, une accumulation de contrats de travail précaires et des épreuves personnelles, Marie Perdaens a étéengagée il y a un an au sein du SPP Intégration sociale. « J’ai suivi la formation proposée par De Link, raconte-t-elle, et cela m’a permis personnellement deremettre mon passé à sa place pour mieux construire mon avenir. Au niveau professionnel, j’ai appris à avoir une vision d’ensemble de la problématique del’exclusion sociale. En tant que médiatrice de terrain, je participe aux discussions internes sur la lutte contre la pauvreté et quand je vois qu’une approche ou un conceptqui me sont chers sont adoptés, je sais que j’ai gagné quelque chose. »

1. De Link, Boomgaardstraat, 93 à 2018 Anvers – tél. : 0497 45 78 71.
2. Voir le Rapport général sur la pauvreté et son suivi dix ans après, sur le site de la Fondation Roi Baudouin

nathalieD

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