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Regard critique · Justice sociale
© Flickrcc Luis Felipe Salas

«Le coronavirus fait éclater la révolte dans les prisons italiennes» (Courrier international, 9 mars); «Coronavirus: à Bruxelles, la crise met le secteur de l’aide aux sans-abri à l’épreuve» (Le Soir, 14 mars); «Coronavirus: en Grèce, les camps de réfugiés surpeuplés retiennent leur souffle» (Mediapart, 17 mars); «Malgré le passage en stade 3 du dispositif de gestion de l’épidémie de coronavirus et la fermeture des frontières, les étrangers sans papiers continuent d’être arrêtés et placés en centre de rétention administrative» (StreetPress, 17 mars); «Coronavirus: le risque de violences conjugales augmente à cause du confinement» (RTBF info, 17 mars). Mais encore: «Nous devons apprendre une leçon terrible du coronavirus: les inégalités tuent» (Guardian, 14 mars).

La crise sanitaire que le monde traverse aujourd’hui renforce, déjà, les inégalités sociales et les situations d’urgence, laissant sur le carreau les plus fragiles d’entre nous. Si cette crise justifie des solutions exceptionnelles, il est aussi impératif «de dégager des moyens tout aussi exceptionnels et structurels pour permettre à des femmes, des hommes et des enfants aux vies fracassées de retrouver une place pleine et entière au sein de notre société», déclarait il y a quelques jours Ariane Dierickx, directrice générale de L’Ilot, structure d’aide aux personnes sans abri. Les pouvoirs publics ont à présent la responsabilité de mettre en place les dispositifs nécessaires pour répondre aux besoins de base, sociaux et de santé, des personnes sans abri, des détenus, des sans-papiers, des femmes seules avec enfants, des artistes désormais sans boulot, des personnes handicapées, des personnes malades chroniques, des personnes âgées…

Car si des formes de solidarité, initiatives citoyennes ou issues du secteur associatif, surgissent ici et là, le monde, aujourd’hui, se barricade. Les mesures préventives pour réagir face au virus revêtent une dimension symbolique qui institue le repli sur soi. Les frontières se ferment. Les vies sont en suspens. Les contacts sociaux – la vie, quoi – sont balayés du revers de la main. Certains y voient l’occasion de ralentir, d’enrayer la machine du capitalisme, de déployer de nouvelles formes de liens et de solidarités, de réinventer une économie plus durable. Mais le risque est peut-être que, calfeutrés derrière nos portes closes, nous perdions de vue le fait que d’autres vivent cette crise bien plus intensément, voire que s’installe la peur de l’autre. «La romantisation de la quarantaine est un privilège de classe», rappelait sur les réseaux sociaux Mona Chollet, auteure de l’essai Chez soi en 2015, qui a refait surface ces derniers temps (et que la maison d’édition Zones a mis à disposition gratuitement). Le risque sera peut-être aussi d’abdiquer face à l’instauration de mesures qui restreindraient, dans la durée, nos libertés au-delà du nécessaire. Ce qu’interroge, dans ce numéro, Pierre-Arnaud Perrouty, directeur de la Ligue des droits humains: «Mes craintes ne sont pas différentes d’autres mesures exceptionnelles comme au lendemain d’attaques terroristes. Beaucoup de gens sont prêts à accepter qu’on limite leurs libertés au nom d’une sécurité assez relative. La question peut aussi se poser maintenant en plein coronavirus… Jusqu’où accepte-t-on de limiter les libertés fondamentales pour un enjeu de santé publique?»

 

Marinette Mormont

Marinette Mormont

Journaliste (social, santé, logement)

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