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Étude sur la violence contre les enfants en conflit avec la loi

Comment, dans nos contrées, traite-t-on les enfants en conflit avec la loi ? C’est la question qu’ont soulevée diverses branches de Droits des enfants international (DEI)dans un rapport publié récemment1. Afin de dénoncer les violences éventuelles, mais aussi de proposer des pistes d’action pour y remédier.

06-06-2008 Alter Échos n° 253

Comment, dans nos contrées, traite-t-on les enfants en conflit avec la loi ? C’est la question qu’ont soulevée diverses branches de Droits des enfants international (DEI)dans un rapport publié récemment1. Afin de dénoncer les violences éventuelles, mais aussi de proposer des pistes d’action pour y remédier.

Dans la logique du travail mené par les Nations Unies sur la violence à l’égard des enfants, les sections nationales de Belgique, de France, des Pays-Bas, d’Angleterreet du Pays de Galles de DEI ont investigué auprès des mineurs délinquants. L’objet de leur étude : voir dans quelle mesure ces jeunes pouvaient être victimesde violence dans les divers lieux d’enfermement qui jalonnent leur parcours en détention que ce soit un commissariat, une institution fermée ou une prison.L’intérêt de l’étude comparative est de montrer que tout en étant voisins, l’approche répressive à l’égard des mineurs peutfortement varier d’un pays à l’autre. On notera ainsi avec un certain effroi que trente enfants sont morts en détention au Royaume-Uni entre 1990 et 2007, un pays qui faitpreuve d’une approche clairement plus répressive.

Il y a pourtant un point commun particulièrement interpellant entre les pays étudiés : « Dans la plupart des pays européens, les taux de criminalitéjuvénile sont restés stables durant la dernière décennie. Cependant, des réformes de la justice pour mineurs ont eu lieu dans chacun des quatre pays, àpartir du postulat d’un problème d’augmentation du nombre de crimes »2. Ainsi, si le nombre de délits enregistrés a diminué entre 1994 et 2004en Grande-Bretagne, le nombre d’enfants privés de liberté y a augmenté de 90 % dans la même période. Les Pays-Bas ont augmenté significativement lenombre de places en détention pour les mineurs, allongé la longueur des peines et abaissé l’âge de la responsabilité pénale à 12 ans. En France,les enfants peuvent être emprisonnés dans les quartiers spéciaux des prisons dès l’âge de 13 ans.

Quant à la Belgique, les auteurs soulignent que la réforme de la loi de 1965 sur la Protection de la Jeunesse y a renversé le principe protectionnel en remplaçant lesmesures à durée indéterminée par des mesures limitées dans le temps, ce qui relèverait plutôt « d’un modèle d’inspirationsanctionnel ou pénal ». Avec une responsabilité pénale fixée à 18 ans, la Belgique semble pourtant faire de la résistance face à ses voisins.Néanmoins, la possibilité de dessaisissement vers un tribunal pour adultes est autorisée pour les jeunes de 16 et 17 ans ayant commis des délits qualifiés de« sérieux ». C’est ainsi qu’il y aurait, à ce jour, 123 enfants dans des prisons pour adultes.

« On ne devrait pas faire ça à un jeune »

Sur les questions de prévalence de la violence, le rapport note qu’il y a « peu de cas rapportés de violences mentale ou physique contre les enfants dans les institutionspubliques de protection de la jeunesse (IPPJ) », une situation plutôt enviable que les auteurs expliquent par l’approche protectionnelle et le niveau satisfaisant de formation dupersonnel en Belgique. Cela n’empêche pas les dérapages à d’autres niveaux : lors des arrestations ou des détentions sous garde de la police, notamment. LeComité P a reçu des plaintes de la part de mineurs, relatives à des contrôles d’identité aléatoires, à de la discrimination, des insultes, de laprivation de nourriture, des interdictions d’aller aux toilettes. Dans les centres fermés, les jeunes dénoncent surtout des « provocations du personnel » pour les« faire craquer ». À Everberg, ils pointent le manque d’activités éducatives, le manque de place, et l’utilisation systématique et fréquentede fouille au corps intégrale. « On devrait pas faire ça à un jeune de le mettre tout nu et de lui faire faire des flexions », dit un adolescent de 16 ans,obligé de se déshabiller devant quatre gardes pour une fouille. On est cependant loin de la situation britannique où les gardes usent régulièrement de violence,notamment pour maîtriser des mineurs.

En guise de conclusion, les auteurs avancent une série de propositions pour protéger au mieux les enfants privés de liberté, de toute forme de violence – ce qui,en soi, est déjà une gageure à partir du moment où l’enferment est une violence. « La législation nationale devrait prévoir des mécanismesde plainte. Les enfants et leurs représentants devraient aussi avoir accès à une procédure d’appel. De plus, les enfants devraient avoir l’opportunitéde s’exprimer librement […]. La garantie que la voix des enfants et de leur famille sera entendue devrait être inscrite dans la loi, plutôt que d’être simplementmentionnée dans les manuels d’orientation ou de procédure institutionnelle »3, estiment-ils. En ce qui concerne la Belgique, les recommandations de collecter etde publier systématiquement les données sur la criminalité et sa gestion en ce qui concerne plus particulièrement la délinquance des mineurs, sont en traind’être rencontrées4. La plus grande difficulté tient à la complexité institutionnelle de l’État belge : «Les résultats,lorsqu’ils sont disponibles, sont dispersés entre des organismes fédéraux, régionaux et locaux et ne sont, dès lors, ni fiables, ni comparables.»5

1. « Étude sur la violence contre les enfants en conflit avec la loi », téléchargeable en français (pdf) sur le site : www.dei-belgique.be

2. Rapport, p. 35.
3. Rapport, p. 105.
4. « Les nouvelles statistiques sur l’Aide à la Jeunesse », présentées par l’Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse, répondent enpartie à cette préoccupation. Voir Alter Échos n° 250.
5. Rapport, p. 123

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