Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Edito

Des prostituées encadrées, refoulées… invisibles ?

Encadrée ou réprimée, la prostitution semble toujours échapper à l’action de l’Etat ou des acteurs sociaux. Mais cela ne peut être un prétexte pour ne rien entreprendre.

16-03-2012 Alter Échos n° 334

La prostitution est sous le feu des projecteurs ces derniers temps. La RTBF y consacre une émission, Inter-environnement Bruxelles un dossier, la Fonderie une exposition et dans notre dernier numéro, nous consacrions un article à la prostitution estudiantine… Le procès de Dodo la Saumure et les récents débats français sur la pénalisation des clients ont sans aucun doute contribué à remettre cette problématique sur le devant de la scène.

Mais, qu’on ne s’y trompe pas. Les politiques actuelles en matière de prostitution sont loin d’apporter des réponses, qu’elles soient répressives ou « tolérantes ». Le modèle « libéral » des Pays-Bas semble avoir vécu. Les « red districts » hollandais ne sont pas accessibles à toutes les prostituées. Tout comme la Villa Tinto anversoise ne peut accueillir tous les travailleurs et les travailleuses sexuels. « La prostitution légale ne serait-elle qu’une tentative de ‘façadisme’ ? », questionne notre correspondant aux Pays-Bas. Vraisemblablement oui, malgré les intentions politiques de départ : professionnel(le)s et client(e)s se retrouvent dans des zones hors de portée de l’action publique. Pire, « les personnes qui sont victimes d’abus deviennent inaccessibles et invisibles pour les associations », observe Anne Vercauteren, coordinatrice de Gh@pro à Anvers. Et ces dérives, souvent graves, touchent les hommes comme les femmes, quand il ne s’agit pas de mineur(e)s – un autre phénomène sur lequel nous reviendrons dans de prochaines éditions… A Liège, où la Ville envisage la création d’un Eros center, des acteurs pointent déjà le risque de telles dérives.

Quant à l’approche purement répressive, elle ne fait aussi que déplacer les risques. Le Luxembourg belge vit difficilement le fait de se retrouver de facto terre d’asile pour les prostitué(e)s fuyant des législations grand-ducale et française plus sévères. L’apparition de ces « transfrontalières » a amené Espace P à y entamer des tournées médicales en collaboration avec la Maison médicale Portes Sud.

Enfin, il est un autre territoire qui échappe à bien des contrôles, celui de la cyberprostitution. Les  associations et les autorités judiciaires en sont conscientes et certains ont déjà décidé de prendre les choses en main. D’autant plus que la facilité de l’usage du web « favorise l’arrivée de personnes qui n’auraient jamais envisagé d’exercer sur la voie publique », souligne Marc Purnotte de l’asbl bruxelloise Alias qui suit les hommes prostitués.

Aucune politique publique volontariste ne semble aujourd’hui apporter de réponse adéquate pour protéger les travailleurs et travailleuses sexuels. Le débat reste donc ouvert. D’autant plus à l’heure où le nombre de victimes exploitées par des réseaux ne cesse d’augmenter. Parmi elles, bon nombre de sans-papiers, qui lorsqu’elles sont arrêtées, sont tout simplement renvoyées dans leurs pays d’origine. Sont-elles prises en charge par les autorités locales ?  Retombent-elles dans les griffes des réseaux ? Il n’y a là, une nouvelle fois, qu’un simple déplacement des risques.

Les effets pervers des mesures prises sont-elles une raison pour ne pas agir sur ce terrain politiquement délicat? Nous ne le croyons pas. Si aucun programme ne peut être déduit du présent tour d’horizon , c’est bien qu’il s’agit dune question sur laquelle Alter Echos devra encore revenir.

Baudouin Massart

Baudouin Massart

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