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Regard critique · Justice sociale

Des mesures démesurées

Les Roms de Serbie seraient-ils assignés à résidence ? Un amendement récent du code pénal et le retour en grâce d’un vieil article de loi le laissent à penser

29-03-2013 Alter Échos n° 357

Les Roms de Serbie seraient-ils assignés à résidence ? Un amendement récent du code pénal et le retour en grâce d’un vieil article de loi le laissent à penser

La nouvelle est passée relativement inaperçue. Pourtant, l’amendement du Code pénal serbe sur « l’abus du droit de demander l’asile », qui a discrètement été voté par le Parlement le 24 décembre 2012, a bien de quoi faire jaser.

Désormais, toute personne qui, pour son propre bénéfice, organise le transport ou aide un citoyen serbe à demander l’asile dans un pays étranger sur base d’une « déformation de la réalité concernant les violations de leurs droits fondamentaux ou libertés » sera passible de peines d’emprisonnement de 3 mois à 3 ans pour un individu seul et jusqu’à 8 ans pour le dirigeant d’une organisation.

Le gouvernement serbe, via l’un de ses diplomates présents à Bruxelles, assure que cet amendement vise principalement « les organisations criminelles » qui poussent les Roms à quitter leur pays.

D’autres s’inquiètent de la portée d’un tel texte qui semble contrevenir au droit de demander l’asile. Sian Jones, pour Amnesty International, y voit un pas concret vers une « criminalisation du fait de demander l’asile ».

Avec ce texte, la Serbie pousse le bouchon assez loin. Des associations locales s’interrogent. C’est le cas de Yucom, une ONG d’avocats militant pour les droits de l’Homme. Aux yeux de son directeur, Milan Antonijevic, ce texte est un signe supplémentaire du « non-respect de la liberté de mouvement pour les Roms ».

De plus, il s’inquiète de la marge d’interprétation qui pourrait être laissée aux juges : « En donnant une assistance juridique, en donnant des informations sur l’asile et les violations des droits de l’Homme, certaines de nos opinions pourraient être considérées comme criminelles. »

Les questions que pose un tel texte sont nombreuses. Comment savoir si l’intention d’une personne est de quitter son pays pour demander l’asile ? Est-ce qu’une simple entreprise de bus peut être considérée comme une organisation criminelle qui prospère sur la pauvreté ?

Une loi vieille comme le socialisme

Autre mesure sujette à de vives critiques : l’application d’un ancien article de la loi sur le séjour et la résidence. Jovana Vukovic, du Centre régional pour les minorités nous fait le récit du retour en grâce de cette loi vieille comme le socialisme de Tito : « Dans la loi sur le séjour, il y a un article qui date de l’époque socialiste. Si une personne souhaite quitter son lieu de résidence pour plus de 90 jours, alors elle doit le déclarer à la police, sans quoi elle encourt des poursuites judiciaires. L’article n’a pas été abrogé, il a été oublié et n’était plus appliqué. Depuis peu, le gouvernement a trouvé utile de le réactiver pour les Roms. »

Aux côtés de Yucom, le Centre régional pour les minorités a accompagné deux familles convoquées par la cour après un voyage d’un peu plus de trois mois en Allemagne. Résultat : pas de condamnation. « Le juge a considéré que les familles n’étaient pas censées savoir qu’elles étaient en infraction », raconte Jovana Vukovic. Mais la menace reste entière. Comment les autorités serbes avaient-elles pu avoir connaissance de ce séjour prolongé en Allemagne et de la demande d’asile introduite par l’une de ces familles ? C’est ce qui inquiète Jovana Vukovic, qui s’interroge : « Cela voudrait-il dire que la police allemande transmet des listes de demandeurs d’asile déboutés aux autorités serbes ? » La question reste en suspens.

« Avec le soutien du Fonds pour le journalisme en Fédération Wallonie-Bruxelles ».

Cédric Vallet

Cédric Vallet

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