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"Contrats de quartier bruxellois : bilan provisoire de la Cour des comptes et débat parlementaire"

05-11-2001 Alter Échos n° 108

Le 17 octobre, au Parlement bruxellois, Marion Lemesre, conseillère régionale PRL-FDF, a interpellé Éric Tomas1, ministre en charge de la Revitalisation des quartiers,sur l’évaluation des six premiers contrats de quartier (1994-98). Son intervention reposait sur un prérapport de la Cour des comptes qui se penche sur la premièregénération de ces contrats. Les auteurs de ce document ont souligné une série de manquements : retards dans la mise en œuvre des programmes et d’exécution destravaux, objectifs non atteints en matière d’insertion socioprofessionnelle, échec quant à l’implication du secteur privé, etc. Ces constats, même s’ilss’en prennent aux contrats où les opérateurs ont dû tout apprendre, soulèvent de nombreuses questions chez les conseillers régionaux.
La commune est-elle l’opérateur idéal pour gérer les contrats de quartier?
Dans son interpellation, Marion Lemesre constate que « les communes se trouvent en charge de programmes auxquels il manque une administration qui puisse répondre aux contraintescontractuelles. » Elle s’interroge aussi sur les moyens financiers dont elles disposent pour participer à ces opérations de revitalisation urbaine. Par ailleurs, elle s’inquiètede savoir si la commune continuera à être l’opérateur principal du contrat de quartier; cette institution reste considérée, à ce jour, comme le niveau dedécision le plus adéquat. Et d’épingler : « La Cour des comptes estime que la question du rôle de la commune doit être posée. »
De son côté, Rudi Vervoort (PS) signale que les premiers contrats de quartier ont constitué en 1994 « un instrument nouveau de coopération entre la Région et lescommunes. Il a fallu prendre ses marques, convaincre les indécis et insuffler un esprit de collaboration. » Il souligne le bilan positif pour les volets logement et espaces publics. Il justifieles retards de mise en œuvre par le fait suivant : « Pour les services urbanisme et travaux de ces communes, ces missions constituent une charge supplémentaire de travail ». Ilpréconise donc de « renforcer l’encadrement de ces services afin de les soulager et de réduire les délais. » Alain Daems (Écolo) abonde dans ce sens en demandant de mettresur pied « une formation spécifique des coordinateurs communaux ».
Cette dernière proposition avait déjà été formulée en 1997 par Bernard Clerfayt (PRL-FDF) afin d’avoir « une meilleure maîtrise des différentescompétences nécessaires à l’application des contrats de quartier ». Par ailleurs, il pointe une série d’obstacles à la rapidité d’exécution descontrats, telle la lenteur des procédures auxquelles sont soumises les communes. Enfin, il signale que « les contrats de quartier ne résolvent pas tous les problèmes », mais que »seules les communes jouent le rôle de proximité nécessaire à l’efficacité des contrats de quartier ».
Échecs de l’implication du privé et du volet social
Marion Lemesre (PRL-FDF) souligne l’échec de l’implication du secteur privé dans les contrats de quartier. Elle impute en partie celui-ci au ministre, en lui reprochant de ne pasfavoriser l’intégration des opérateurs socio-économiques au sein des commissions locales de développement intégré. La conseillère régionaleajoute : « De plus, vous limitez les activités commerciales prises en compte dans les projets de revitalisation aux activités artisanales ou industrielles… » Pour sa part, RudiVervoort (PS) observe que « les habitants sont souvent plus audacieux que les entreprises et la rénovation individuelle par l’intermédiaire des primes majorées a biendémarré. Il faut peut-être responsabiliser davantage les entreprises vis-à-vis de leur mission citoyenne. » À ce sujet, Bernard Clerfayt (PRL-FDF) observe que « lesacteurs du privé sont lents à convaincre. » Il propose des contrats en deux phases : la première pour le public et la seconde pour le privé.
ýn ce qui concerne le volet social, Rudi Vervoort (PS) reconnaît que le taux de réussite est faible : « Le morcellement des projets entre différents échevins, desdispositifs légaux et réglementaires peu adaptés aux nouveaux métiers de la ville et le peu d’enthousiasme de certains édiles ont constitué des freins. »Bernard Clerfayt (PRL-FDF), lui, considère que « le mécanisme d’insertion est plus complexe que la simple affirmation de la volonté d’engager des jeunes du quartier. On n’a pasréfléchi à la mise en œuvre de ce principe et la Région a tardé à définir le principe de clause sociale. »
Y a-t-il risque de « gentryfication » dans les quartiers rénovés?
Concernant la « gentryfication », Rudi Vervoort (PS) tient à remettre dans leur contexte les contrats de quartier. Il souligne les efforts extraordinaires du gouvernement pour la revitalisationdes quartiers : « Les moyens mis en œuvre sont sans précédent et témoignent de la volonté de cette majorité de rattraper des années d’immobilisme.C’est un engagement sur la durée dont on commence à voir les effets. » Il rappelle également que « l’objectif principal des contrats est de rénover les quartiers auprofit ûe leurs habitants. L’embellissement du cadre de vie doit s’accompagner de plus de logements au profit des défavorisés. Sinon, la plus-value créée pourraitchasser les populations concernées du quartier. Ce principe essentiel se retrouve intégralement dans le projet de PRD que le gouvernement vient de déposer. »
Alain Daems (Écolo) est plus sceptique. Pour lui, « faire venir des populations aisées à Bruxelles comporte un risque de ‘gentryfication’et de dualisation de lasociété si cela ne s’accompagne pas d’une amélioration du niveau de vie des habitants actuels de ces quartiers. » De plus, il considère que « le projet de PRD actuel manquede moyens de mise en œuvre ».
Conclusion proviroire
Le ministre Éric Tomas a reconnu que le partenariat avec le privé a été un échec. Selon lui, il serait surtout le fait des promoteurs immobiliers peu enclinsà changer de mentalités. Afin de réduire les retards pointés par la Cour des comptes, il signale que ceux-ci vont s’atteler à « identifier les temps morts entre lesdécisions communales et la transmission de ces décisions afin de les supprimer. »
Il précise aussi le rôle des autorités locales dans le cadre des contrats de quartier : « Les communes resteront maîtres d’œuvre mais le rôle des servicesrégionaux est de les contrôler et de les assister dans leur capacité de réalisation de programme. »
1 Cab. : bd du Régent 21-23 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 506 33 11, fax : 02 513 50 80.

Baudouin Massart

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