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Regard critique · Justice sociale

Article 23 : quand travailler et être psychiatrisé font bon ménage

Reconnue en tant qu’entreprise de formation par le travail (EFT), l’asbl liégeoise Article 23 vise l’insertion par le travail de personnes psychiatrisées.

03-04-2011 Alter Échos n° 313

Reconnue en tant qu’entreprise de formation par le travail (EFT), l’asbl liégeoise Article 231 vise l’insertion par le travail de personnes psychiatrisées.

Localisée place Emile Dupont à Liège, l’asbl Article 23 possède un petit restaurant ayant pignon sur rue. Cependant, « Les métiers del’horeca », puisque c’est le nom de cette petite entreprise d’économie sociale également active dans les banquets, ne constitue en fait que l’un des trois secteursd’activité d’une asbl dont l’objectif est l’insertion par le travail de personnes psychiatrisées. Normal, si l’on sait que le nom même de l’association est inspiré del’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui consacre le droit au… travail. En plus de l’horeca, Article 23 est donc également active dans lebâtiment, par le biais de l’entreprise « Les métiers du bâtiment » et dans la bureautique avec le SCB (Secrétariat cheval bleu). Quarante-troisbénéficiaires, que l’on nomme aussi stagiaires, sont actifs dans ces trois structures. Les conditions pour en faire partie sont simples : être suivi par un service desanté mentale et habiter sur le territoire de la Ville de Liège. Aucune condition n’est en revanche exigée en ce qui concerne la « lourdeur » de lasituation psychiatrique des stagiaires.

Insérer

Issue du mouvement initié en Italie dans les années ’60 et ’70 par le psychiatre Franco Basaglia, qui organisa notamment à Trieste des communautés thérapeutiquesdéfendant le droit des individus psychiatrisés et fut à l’origine de la Loi 180 visant la suppression des hôpitaux psychiatriques et la réinsertion des moyens dansdes structures dans le milieu de vie, Article 23 s’inspire de cette philosophie dans son travail. « L’enjeu de notre travail est double, explique Jean-Michel Stassen, directeurd’Article 23. Dans l’absolu, il s’agit de rendre nos bénéficiaires plus autonomes. Si l’un d’entre eux n’a pas accès au travail après son passage chez nous mais qu’ilse sent mieux, qu’il a vécu dans le bien-être, c’est quelque chose d’important. Le but thérapeutique de l’asbl n’est pas la mise à l’emploi à tout prix.Néanmoins, nous avons également un objectif politique qui est de dire que la société doit pouvoir insérer en son sein des personnes porteuses de problèmesmentaux. Il s’agit de prouver que l’on peut réaliser des choses de qualité avec ces personnes, qu’elles peuvent participer à l’activité économique dupays. »

Présents par périodes de six mois renouvelables « autant de fois qu’il le faut », les stagiaires se constituent un projet de stage et d’insertion assorti d’unepériode d’essai de dix jours ouvrables. « Il ne s’agit pas vraiment d’évaluer, à ce moment, la pertinence du projet, mais plutôt de voir si le stagiaire va tenirle coup », explique Jean-Michel Stassen. Notons que le projet d’insertion, s’il est centré sur le travail, propose aussi d’autres activités, ce qui n’est pas incompatible.« Nous travaillons ici en nous basant sur la difficulté de la personne à s’intégrer à une production réelle de services ou de biens, pas sur sesproblèmes psychiatriques, continue le directeur. Dans ce contexte, les activités « hors travail » que nous proposons aux stagiaires, comme des activités culturelles ou du sport,sont en quelque sorte liées au travail. Si l’un d’eux arrive au boulot un lundi matin dans tous ses états, nous pouvons lui dire : « Faire du sport pendant le week-end pourraitpeut-être te faire du bien ». »

Des difficultés ?

L’apprentissage, quant à lui, se fait « sur le tas », surtout en ce qui concerne l’horeca et le bâtiment. « Ce sont nos formateurs qui doivent assurerla production quotidienne du travail, le travail doit être fait, même s’il n’y a pas de stagiaires, enchaîne notre interlocuteur. On leur met en quelque sorte les stagiaires dansles pattes en leur disant : « Tu vas te débrouiller pour les intégrer dans la production ». »

Une « difficulté » à laquelle viennent s’ajouter d’autres contraintes, comme le fait que les stagiaires n’ont pas tous et toutes le même niveaud’éducation, aucun prérequis de base n’étant exigé par Article 23. Néanmoins, si l’on en croit Jean-Michel Stassen, l’effet sur les stagiaires est quelquefoissaisissant. « Les activités que nous proposons sont structurantes, valorisantes. Il y a un effet palpable sur les stagiaires, ce ne sont plus les mêmes. » Etsouvent, la « sortie » vers le monde du travail est au rendez-vous. Un atelier, nommé « Perspectives », prépare d’ailleurs les stagiairesà cette démarche lorsqu’ils commencent à être prêts, les confronte à la réalité, notamment par des stages en entreprise ou la recherche d’emploi.« Nous ne sommes pas une entreprise de travail adapté, conclut Jean-Michel Stassen. Nous n’avons pas vocation à garder les stagiaires, nous sommes unepasserelle. »

1. Article 23 :
– adresse : place Emile Dupont, 1 à 4000 Liège
– tél. : 04 223 38 35

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste (emploi et formation)

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