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À Droixhe, un partenariat public-privé se substitue à la société Atlas

Le 29 mai, l’assemblée générale de la société de droit public Atlas, gestionnaire du complexe social de Droixhe à Liège, a voté saliquidation.

01-06-2006 Alter Échos n° 209

Le 29 mai, l’assemblée générale de la société de droit public Atlas, gestionnaire du complexe social de Droixhe à Liège, a voté saliquidation.

L’acte notarial s’inscrit dans le cadre du projet de requalification de la Ville validé par la Région wallonne : le gouvernement wallon a en effetdébloqué 16 millions d’euros pour participer au lifting revendiqué par Liège, avec feu vert pour la première wallonne d’un véhicule juridiquepublic-privé pour relooker la plaine. La délibération des actionnaires d’Atlas est actuellement soumise au pouvoir de tutelle de la Société du logementwallon. Le nouveau visage de la cité ex-radieuse est annoncé pour 2012. Liège galvanise Mons avec un projet similaire… Le tour de la saga des tours de Droixhe.

Le coût total de la requalification s’élève à 180 millions d’euros. La Région wallonne a déboursé (avant les 16 millions) 35 millionspour la rénovation des six buildings Truffaut-Libération. La Ville escompte 80 millions privés. Aujourd’hui, 1 000 des 1 820 appartements sociaux sont vides (dont les cinqtours murées de l’avenue de la Croix-Rouge). En 2012, la plaine comptera 1 485 logements rénovés, dont 725 privés – locatifs et acquisitifs pour 50 %. La Ville sesent-elle responsable du Kafka ? « Non, répond Maggy Yerna, échevine liégeoise du Logement1. Les 25 millions d’euros d’hypothèque de laconstruction des tours ont plombé tout effort de requalification. » La dette, à rembourser avant rénovation, n’est pas effacée. La sociétéhollandaise Servatius a été « un poisson-pilote, dit-elle, pour des conseils, et est un éventuel partenaire de la filiale. »

Atlas « hara-kiri »

Atlas avait été chargée en 1999 par le gouvernement wallon de gérer la restauration du patrimoine social de Droixhe, propriété de la société delogements sociaux La Maison liégeoise. La très vaste réhabilitation a vacillé, faute de moyens financiers, au fil de la dégradation du bâti. La duréede vie d’Atlas, jusque mars 2007, a ainsi été écourtée pour lancer un partenariat public-privé (via appel public européen) – future sous-filialed’une filiale publique d’une régie communale autonome, à créer par la Ville. La structure, cautionnée par le gouvernement wallon et la Sociétéwallonne du logement, implique donc l’élimination d’Atlas, devenue inutile, pour récupération partielle de la gestion par la Maison liégeoise, futurepartenaire du projet. L’accord de principe de la Région doit être avalisé officiellement dans un délai de maximum trois mois. En attendant, « Atlas ne travaillepas sans filet », rassure l’échevine du Logement Maggy Yerna1, désormais ex-présidente d’Atlas.

Concrètement, il s’agira d’une curatelle à gérer par un liquidateur avocat. Atlas poursuit donc « transitoirement » la gestion des affaires courantes :chantiers de rénovation, loyers et contacts avec les locataires. Quid, ensuite, des 33 membres du personnel de la société ? Leur sort sera réglé par le liquidateuret le commissaire spécial du gouvernement wallon à la Maison liégeoise, François Thibaut de Maisières. La balance entre les travailleurs et la Maisonliégeoise penchera vers la voie de retour de l’ex-personnel de la Maison liégeoise, vu la nécessité d’avoir des concierges et le personnel encoresubventionné par la Région. Reste une éventuelle voie… de garage pour huit travailleurs d’Atlas, selon le portefeuille de la Maison liégeoise.

Croix-Rouge : virage à 180 degrés

Pour la Croix-Rouge, le projet requiert un cahier des charges et un permis d’urbanisme pour instaurer une mixité sociale appartements-maisons-commerces-bureaux-maison derepos-vitrines d’entreprises artisanales. La Ville suggère de raser les deux buildings aux extrémités de l’avenue : « L’heure de gloire de Droixhe, avecun public auparavant plus aisé et une cité tournée sur elle-même, est révolue », explique Maggy Yerna. Elle souhaite « un maillage social et urbanistiqueavec le reste du quartier, via le remplacement des deux tours par des immeubles moins hauts et des voiries vers l’extérieur ». L’architecte liégeois PierreHebbellinck, coauteur dans l’asbl… HLM (jeu de mot Hebbellinck-Lantair-Michel) de la carte patrimoniale (première belge) « Architecture de la Ville, Liège »voit pourtant la cité comme « phare et modèle européen », et s’insurge, citant « le travail en hauteur réussi à Amsterdam et Rotterdam». Il griffe le futur lifting comme « une voie d’égarement à Liège traumatisée par les buildings : ici, dès qu’on voit une tour, il fautl’abattre ». Maggy Yerna rétorque en lui « proposant un logement à Droixhe. Je suis confrontée à l’usage de l’argent public dans unenvironnement de qualité. Le critère de qualité de Droixhe envié par le monde entier ? Non ! Je peux me tromper, mais je postule la mixité des fonctions, dulocatif-acquisitif et des revenus. La cité des années 1960 a été radieuse – mais avec des locataires moins démunis ». Sans discréditer lesluxueux gratte-ciel pour fortunés, elle refuse de concentrer 1.800 personnes sans revenus sur un même site. Et de frémir à l’idée d’un «éventuel embrasement avec les banlieues françaises si les tours Croix-Rouge n’avaient pas été vides ».

Truffaut-Libération : 400 euros de dédommagement

En bord de Meuse, la rénovation de Libération est terminée et la restauration est en cours, jusqu’à 2008, dans les buildings de l’avenue Truffaut. Cela non… sanscouacs. Des locataires de Truffaut ont dernièrement incriminé Atlas, dénonçant « le manque de communication, les taches d’humidité dans les logementsrénovés imbibés d’eau, le déménagement sans aide entre seaux et pots de peinture »… Maggy Yerna reconnaît que la restauration sans déménagementdes locataires (hors problèmes de santé et studios de repos), décidée pour raisons financières, est inconfortable pour les habitants et les travailleurs. La lourderénovation a abîmé quelques appartements bijoux. Les mécontents et les craintifs ont manifesté : « Une fédération pas aussi spontanée qu’ilsemble, affirme-t-elle. Mais c’est leur droit, on est en démocratie. » De source anonyme, nous savons toutefois que certains appartements ont été saccagés justeaprès rénovation, et l’échevine compte « trois fois le remplacement des portes du square Micha en six mois ». L’exaspération à la suite d’une trop longue attenterévélait l’urgence d’un dialogue. Le 19 mai, le ministre wallon du Logement André Antoine a promis aux locataires une prime de 400 euros de dédommagement, etl’opportunité de déménager définitivement dans un appartement rénové. Quand ? « Dans quelques jours, nous répond Maggy Yerna. Il faut déterminersur papier les conditions de déménagement et/ou réintégration. Le « déminage » est toutefois suspendu aux mesures gouvernementales : Maggy Yerna réclame uneaide aux déménagements via des PTP et un accompagnement wallon. Elle admet des vérifications rigoureuses de la Région, mais elle attend « un accord officiel, pourrencontrer les locataires avec une certitude, et pas uniquement des promesses ».

1. Échevinat du Logement de Liège. Maggy Yerna, La Batte, 10 à 4000 Liège – tél. : 04 221 91 16 – echevin.yerna@liege.be

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