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Accueillir les demandeurs d’asile et rétablir les liens familiaux : deux missions de la Croix-Rouge

L’asile est une question complexe, à l’image des réalités vécues par les personnes qui ont dû quitter leur pays. Afin de mieux aborder les diversesdimensions du suivi des demandeurs d’asile, la Croix-Rouge de Belgique a mis en place un département qui propose plusieurs services d’accompagnement des personnesdéplacées, dont notamment le rétablissement des liens familiaux.

20-04-2007 Alter Échos n° 227

L’asile est une question complexe, à l’image des réalités vécues par les personnes qui ont dû quitter leur pays. Afin de mieux aborder les diversesdimensions du suivi des demandeurs d’asile, la Croix-Rouge de Belgique a mis en place un département qui propose plusieurs services d’accompagnement des personnesdéplacées, dont notamment le rétablissement des liens familiaux.

Depuis 1989, la Croix-rouge de Belgique est mandatée par l’État fédéral pour accueillir les demandeurs d’asile que lui confie Fedasil1. Elledispose pour ce faire de dix centres d’accueil pour un total de 2 023 places en Région wallonne et en Communauté germanophone. « Nous accueillons des personnes qui sont enattente d’une décision sur la recevabilité de leur demande d’asile par l’Office des étrangers et nous leur offrons, bien sûr, un logement mais aussi unaccompagnement psychosocial et médical », explique Daniel Schrauben, responsable de la coordination sociale au département Accueil des demandeurs d’asile(ADA)2.

« Notre position est d’accueillir les gens avec humanité et dignité dans un souci de neutralité. Par exemple, nous avons mis sur pied un accompagnement scolaire etdes modules de formation en informatique et en langues. Nos services sociaux informent les résidents de la procédure de demande d’asile. Nous travaillons dans un souci deresponsabilisation de la personne. »

L’ADA est chargé au sein de la Croix-rouge de coordonner la politique générale d’accueil des personnes qui demandent refuge chez nous. La méthode repose surla recherche du bien-être des résidents à travers des processus spécifiques d’accueil. À son arrivée, chaque personne reçoit une farde qui aété conçue à la suite d’une enquête menée en 2004 par une société externe auprès de 300 résidents. Ceux-ci ontété sondés sur leur vécu dans les centres tant en matière de pratiques quotidiennes que de leurs relations interpersonnelles. La question desbénéfices que ceux-ci tiraient ou non de leur séjour (formation, suivi de leur dossier, …) a également été posée. Cette farde existe en versionanglaise, allemande, albanaise, russe, arabe, farsie et turque.

Autre innovation mise en place par l’ADA : le contrat de vie communautaire qui est d’application depuis le 1er mai 2005. Ce contrat que signe le résident à sonarrivée balise les droits et les devoirs de chacun et facilite ainsi la cohabitation. Les centres d’hébergement ne sont pas non plus des îlots coupés de lasociété. « Nous avons lancé, avec le soutien de Fedasil, le projet Initiatives de quartier, explique Daniel Schrauben, afin de sensibiliser la population au vécu desdemandeurs d’asile. Cela prend la forme notamment de la Journée mondiale du réfugié, mise à l’honneur le 21 juin, ou encore de ciné-débats,d’ateliers artistiques, de cuisines du monde… »

Planter ses racines en Belgique…

L’exil est souvent psychologiquement pénible. « Nous sommes confrontés à des problèmes de dépression, de mal de vivre, constateBénédicte Leloup, collaboratrice au service Tracing3, car ces personnes sont mortes d’inquiétude quant au sort des leurs dans leur pays d’origine,privées parfois de leurs enfants ou de leur conjoint. C’est humainement difficile. C’est pourquoi nous nous investissons beaucoup dans un travail de longue haleine : letracing. C’est particulièrement gratifiant de pouvoir apporter des nouvelles de la famille via notre réseau international. »

Le tracing consiste à tenter de rétablir et de maintenir les liens familiaux entre les personnes déplacées parfois aux quatre coins du globe. Le service de recherchedes sociétés nationales de la Croix-Rouge présentes dans chaque pays assure la correspondance familiale sous la forme des « MCR » (messages Croix-Rouge). Ils’agit de formulaires spécifiques ne pouvant contenir que des nouvelles à caractère strictement personnel et familial dans le respect des principes de neutralité dela Croix-Rouge. Une délégation du CICR les récolte et les achemine vers la société nationale du pays où se trouve leur destinataire.

En 2006, 61 MCR ont été transmis en Belgique et 31 envoyés à l’étranger. Ce n’est pourtant rien de nouveau si l’on sait qu’en 1870déjà, le Comité international de la Croix-Rouge s’était rendu compte de la nécessité de créer, au moment de la guerre franco-prussienne, unbureau de renseignements en territoire neutre. Cette démarche a donné plus tard l’Agence centrale de recherches (ACR) du CICR.

À noter que le CICR dirige un projet spécifique à l’Angola sous la forme de deux publications et d’un site internet4 afin de mettre en contact desfamilles dispersées en Angola ou à l’étranger à la suite d’une guerre civile de 27 ans.

« Les liens familiaux sont une notion que nous entendons au sens large, précise Bénédicte Leloup. Nous avons des cas de personnes qui cherchaient à reconstituerla mémoire de leur famille disparue pendant la Deuxième Guerre mondiale5. Après la chute du Mur, nous avons été contactés pour rechercher la tracede personnes passées à l’Ouest ». Depuis peu, le CICR s’occupe également d’identifier les ossements trouvés dans des fosses communes, des liensfamiliaux au-delà de la mort, seule mémoire qui reste du passé.

Le parcours semé d’embûches du regroupement familial

La loi du 15 décembre 1980 accorde le droit au regroupement familial à toute personne reconnue officiellement réfugiée. « La procédure prend en moyenne 1à 2 ans, constate Bénédicte Leloup. Nous accompagnons les personnes dans leurs démarches dans le pays d’origine, auprès de l’Office desétrangers. Nous les aidons à compléter le dossier. Depuis peu, il est possible pour des personnes qui ne sont pas en mesure de prouver leur parenté de faire un test ADNà l’ambassade de Belgique. Pour ce test, proposé par l’Office des étrangers, le consentement de tous les participants est exigé. Cette procédure peut eneffet révéler des secrets de famille difficiles à accepter ! »

À noter que ce test coûte tout de même 200 euros. Le HCR prend en charge certains financements tels que le billet d’avion. Il rédige également un rapport surla situation du pays.
En 2006, le service Tracing a enregistré 209 nouvelles demandes, 59 dossiers ont été finalisés, soit un nombre de 127 personnes arrivées dont 30 adultes, 85enfants mineurs et 12 majeurs. Parmi les nationalités, l’on retrouve 13 Congolais (RDC), 10 Rwandais, 6 Camerounais, 4 Togolais, 4 Mauritaniens, 3 Ivoiriens et 2 Belges.

Le regroupement familial reçoit la priorité dans les cas d’enfants non accompagnés, de parents de premier degré, de personnes âgées ou dedétenus libérés. Le CICR travaille en collaboration avec le HCR (Haut commissariat aux réfugiés), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), lessociétés nationales de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge ainsi que des ONG.

Rapatriement volontaire : quand l’exil échoue

En 2006, 63 demandes de retour volontaire au pays d’origine ont été introduites à l’Organisation internationale des migrations (OIM)6. Le serviceTracing de la Croix-Rouge est chargé dans le cadre des programmes mis sur pied par l’OIM d’organiser le retour au pays pour ceux qui le désirent. Ce programmeappelé REAB (Return and Emigration of Asylum Seekers Ex Belgium) concerne les demandeurs qui ont délibérément suspendu leur demande visant à obtenir lestatut de réfugié ; les demandeurs d’asile déboutés et tous les ressortissants étrangers hors UE qui se trouvent dans l’indigence ou à charge despouvoirs publics belges et souhaitent retourner dans leur pays d’origine (cf. Alter Échos n°206). La personne reçoit une prime d’aide au retour, qui s’élève à 250 euros. Elle peut aussi faire appel au Fonds de réintégration, mis enplace par Fedasil, et être accompagnée dans son projet de retour. Elle bénéficie alors d’une aide équivalent à 700 euros sous forme d’uneformation professionnelle, d’une mise en place d’un petit commerce, de matériel…

Face aux nouveaux défis posés par la mondialisation et les migrations, la Croix-Rouge fait preuve d’adaptation. Mais les enjeux sont énormes, et complexes : « Lademande d’asile est quasiment la seule voie d’entrée en Belgique, constate Daniel Schrauben. Or, le cadre juridique qu’offre la Convention de Genève n’est plusadapté aux situations que connaît notre monde. Je pense tout particulièrement aux réfugiés du climat qui ne sont protégés par aucune convention maisdont le nombre ne cessera d’augmenter à l’avenir. »

Qui dira en effet à l’avenir quelles seront les missions de cette institution dans un monde mouvant et de plus en plus ouvert, où chaque conflit a des répercussionsinfinies à travers l’espace et à travers le temps ?

1. Fedasil (Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile),
rue des Chartreux 21 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 213 44 11 –
courriel : info@fedasil.be.
2. Croix-Rouge de Belgique, département Accueil des demandeurs d’asile, rue de Durbuy, 140 à 6990 Melreux – tél. : 084 36 00 82 –
courriel : info-ada@redcross-fr.be
3. Croix-Rouge de Belgique, service Tracing – département ADA, rue de Stalle 96 à 1180 Bruxelles – tél. : 02 371 31 58 –
courriel : service.tracing@redcross-fr.be
sites : www.croix-rouge.be/Page.aspx?PageID=51 et
http://www.familylinks.icrc.org/
4. Le CICR met à disposition des listes au travers d’un site Internet et publie la Gazeta qui rassemble les noms de personnes disparues recherchées par leurs parents. Ilpublie aussi depuis peu la Gazetinha reprenant les photos d’enfants mineurs d’âge à la recherche de leurs parents. Un exemplaire de ces publications est àdisposition pour consultation au service Tracing de la Croix-Rouge de Belgique.
5. Le Service International de Recherche (SIR) dirigé et administré par le CICR, centralisetous les renseignements sur les déportés dans des camps de travail et camps de concentration nazis. La Croix-Rouge s’appuie également sur d’autres organismes tels quele Service des Victimes de la guerre, dépendant du SPF Sécurité sociale. Aujourd’hui, 25 % des dossiers traités par l’Agence centrale de recherches du CICRconcernent encore la Deuxième Guerre mondiale.
6. OIM, bureau bruxellois, rue Montoyer 40 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 282 45 60 – courriel : mrfbrussels@iom.int.

nathalieD

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