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Regard critique · Justice sociale

Vivre ensemble

À Bruxelles, des jeunesses s’apprivoisent

Bruxelles est traversé par de nombreuses frontières invisibles. Pour les franchir, le Conseil de la jeunesse a proposé à des ados de Molenbeek-Saint-Jean de rencontrer des scouts de Woluwe-Saint-Lambert. Objectif: lutter contre les préjugés.

Bruxelles est traversée par des frontières invisibles. Pour les franchir, le Conseil de la jeunesse a proposé à des ados de Molenbeek-Saint-Jean de rencontrer des scouts de Woluwe-Saint-Lambert. Objectif: lutter contre les préjugés.

Gradur. Damso. Ces deux rappeurs sulfureux, amateurs de «punchlines» violentes, seraient peut-être contents (et surpris?) de découvrir qu’ils contribuent à l’ouverture aux autres et au vivre-ensemble. Car lorsque des scouts de Woluwe-Saint-Lambert discutent avec des jeunes d’un centre de jeunes de Molenbeek, c’est le partage musical qui brise la glace et ces rappeurs qui créent le lien. «Franchement, il n’y avait pas beaucoup de différences entre les deux groupes de jeunes, affirme Ferdinand, jeune homme de 16 ans (de Woluwe). On écoute la même musique, on a parlé de l’école, de nos activités, c’est une rencontre entre des ados quoi.»

«À Molenbeek, il y a le canal comme frontière, et tout est balisé en territoires invisibles.» Jovik, éducateur au Foyer de Molenbeek-Saint-Jean

Une rencontre entre des ados… qui n’ont pas franchement l’habitude de se côtoyer. Le constat est classique: Bruxelles est quadrillée de frontières entre catégories sociales, entre groupes d’âge, parfois même entre pays d’origine. «À Molenbeek, il y a le canal comme frontière, et tout est balisé en territoires invisibles, même dans Molenbeek, par quartiers», témoigne Jovik, éducateur au Foyer de Molenbeek-Saint-Jean.

Pour tenter de lutter contre les préjugés, le Conseil de la jeunesse a proposé à un groupe de «Pionniers» scouts de Woluwe de partager deux dimanches avec des jeunes du centre «Le foyer de Molenbeek». Environ quinze jeunes dans chaque groupe se sont lancés dans le projet «Bruxelles sans frontières, regards croisés».

Rencontre artificielle, affinités réelles

Le programme était simple: le premier dimanche, les jeunes de Molenbeek se sont rendus à Woluwe; à la fois pour découvrir la commune grâce à un jeu de pistes, mais aussi pour s’adonner à des activités scoutes. De petits jeux un peu dégueu, faits de conquêtes de territoires par jets d’œufs interposés et de défenses à coups de chaussettes farinées, ont permis de détendre l’atmosphère.

Deuxième dimanche: match retour. Les adolescents de l’est de la capitale font le trajet vers Molenbeek où une visite audioguidée de la commune leur est proposée avant de découvrir le «palais du normal et de l’étrange», sorte de mini-musée du foyer de la jeunesse, fait de trompe-l’œil et d’expériences sensorielles étonnantes censées faire réfléchir sur la diversité et les préjugés. Les jeunes ont ensuite écouté des groupes ou artistes produits par le centre de jeunes. À chaque fois, les rencontres sont filmées par «Télévision du monde Namur» qui enseigne les rudiments de l’image et du son aux jeunes des deux groupes. Ceux de Molenbeek ont même participé au montage d’un film diffusé sur La Trois le 22 février dernier.

Les rencontres étaient placées sous le sceau de la rigolade et de la bonne humeur. Mais les enjeux sous-jacents ne sont pas anecdotiques. Souleiman, de Molenbeek, sait très bien pourquoi il s’est lancé dans l’aventure: «J’ai voulu participer car, après les attentats, il y avait beaucoup de préjugés sur ma commune. Je voulais montrer que la vie quotidienne n’avait rien à voir. Et, lors de la première rencontre, ils nous ont dit ce qu’ils avaient entendu sur Molenbeek. Et puis ils ont vu qu’on était des jeunes comme eux.»

Jovik admet toutefois que ces rencontres ont «quelque chose d’artificiel au départ car c’est le choix des éducateurs. Mais il y a eu de réelles affinités». Et puis l’objectif du Conseil de la jeunesse, comme l’explique Thibault L’Ortye, qui a lancé le projet, «c’est d’inspirer d’autres rencontres, à l’aide du film et de montrer qu’il existe déjà une jeunesse engagée, sur le terrain qui fait des choses».

Du positif donc. Même si Ferdinand nuance: «C’était chouette, même si c’est triste qu’il faille des projets organisés pour entrer en contact

En savoir plus

«À quoi sert (encore) le Conseil de la jeunesse?», Alter Échos n°435-436, 30 décembre 2016, Cédric Vallet.

Cédric Vallet

Cédric Vallet

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