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Regard critique · Justice sociale

Edito

À l’écoute des voix

Le DSM – comme son homologue de l’Organisation mondiale de la santé, la CIM (Classi cation internationale des maladies) – ne semble pas s’embarrasser de cette halte pourtant si nécessaire : celle d’interroger les notions mêmes de pathologie et de normalité dont il trace les contours. Est-on anormal en dehors d’un contexte donné ? Celui qui s’échappe de la norme tombe-t-il pour autant malade ? Quelle place attribuer aux contextes social et culturel dans la souffrance psychique ?

CC Flickr,elsenorubeyelsenorbotijo

Une grosse colère enfantine? Petit sirop goût framboise. Un deuil qui s’éternise un peu trop ? Petit cachet rose. Une légère perte de mémoire à 85 ans ? Petite pilule bleue. La cinquième version du DSM (Diagnostic and statistical manual of mental disorders) catalogue quelque 450 troubles mentaux, les associe à des diagnostics et à des traitements. Sa dernière révision, il y a trois ans, a fait couler de l’encre. Illusion de scientificité, conflits d’intérêts et collusion avec l’industrie pharmaceutique, médicalisation de l’existence… Les griefs sont nombreux et désormais portés par une partie du monde psychiatrique lui-même. Aujourd’hui, tous les individus, toutes les étapes de la vie sont potentiellement porteurs de dysfonctionnements. Pour répondre à chacun d’eux, un médicament.

On pourrait faire un petit effort et trouver à la bible des psychiatres américains certains atouts. On pourrait la considérer uniquement pour ce qu’elle est : un outil parmi d’autres, un manuel d’aide au diagnostic posé sur le coin d’une étagère poussiéreuse. On pourrait lui attribuer le mérite de poser un nom sur les formes de mal-être, permettant leur prise en compte et, de cette manière, un meilleur accès aux soins et à la sécurité sociale.

Mais une chose est sûre, le DSM – comme son homologue de l’Organisation mondiale de la santé, la CIM (Classi cation internationale des maladies) – ne semble pas s’embarrasser de cette halte pourtant si nécessaire : celle d’interroger les notions mêmes de pathologie et de normalité dont il trace les contours. Est-on anormal en dehors d’un contexte donné ? Celui qui s’échappe de la norme tombe-t-il pour autant malade ? Quelle place attribuer aux contextes social et culturel dans la souffrance psychique ?

Pour y répondre et s’extraire de ses propres certitudes, rien de tel que de se laisser aller à écouter des voix. Celles des malades, mais aussi celles des « anormaux », des désadaptés, des déjantés, des subversifs ou encore celles des laissés-pour-compte de la société.

Marinette Mormont

Marinette Mormont

Journaliste (social, santé, logement)

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