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Regard critique · Justice sociale

Culture

Une forêt de bambous à Saint-Gilles

Un drôle de monument en bambou s’est mis à pousser à deux pas de la rédaction. Un projet socio-artistique de l’asbl Globe Aroma

29-08-2011 Alter Échos n° 320

Depuis quelques jours, un drôle de monument s’est mis à pousser à deux pas de la rédaction, dans le quartier multiculturel de Saint-Gilles. Un projet socio-artistique del’asbl Globe Aroma.

Au bout de l’avenue Guillaume Tell, à l’angle de la rue de la Perche, il y a une place qui n’en est pas vraiment une. Un simple terre-plein que personne ne s’est donnéla peine de baptiser. C’est ici que Globe Aroma1, une association socio-artistique qui veut stimuler les rencontres en milieu urbain, a établi ses quartiers jusqu’à la fin dumois de septembre.

Quelques cubes en bambou sont posés à même le trottoir, premières briques du futur monument du quartier. « L’objectif n’est pas le monument en lui-mêmemais le processus. L’œuvre, ce sont toutes les interactions que cette construction doit susciter », précise Roels Kerkhofs, l’artiste qui mène le projet avec sonfrère architecte, Frank. « L’initiative d’élever un monument fut d’ordinaire prise par des autorités, des administrations […]. Un monumentavait traditionnellement pour but de transmettre de manière éducative une page commune d’histoire en vue de former une identité nationale et de susciter dansl’intérêt du pays un comportement participatif, mieux connu comme « patriotisme ». Notre projet inverse cette donnée […]. Dans « propositions pour un monument »,c’est la participation qui conduit au socle et à son contenu », peut-on lire dans la description du projet.

Roels a entraîné avec lui un petit groupe de demandeurs d’asile du Petit-Château, un public avec lequel Globe Aroma a pris l’habitude de collaborer lors d’unprécédent projet. L’ambiance est studieuse. Chacun reste concentré sur ses bâtonnets. Conte, le peintre guinéen, immortalise la scène à coups decrayon. Quand le soleil brille, on sort les tables et les tabourets. Quand le ciel s’assombrit, tout ce petit monde se réfugie dans le salon-lavoir du coin, transformé pour l’occasionen atelier d’artistes.

Intrigués, les riverains observent ce manège de loin. « Il y a des gens qui viennent discuter. Certains nous ont même proposé à manger ! Personne n’estencore venu nous aider à construire. Le problème, pour le moment, c’est que nous rangeons toutes les briques de bambou le soir. Du coup, les gens ne visualisent pas ce que nous allonsen faire. Dans quelques jours, nous allons fixer la première pierre au sol pour inaugurer officiellement le projet. On espère que ça les motivera ».

Quelques jours plus tard…

Quelques jours après l’inauguration, nous retrouvons Roels entouré d’une joyeuse bande d’enfants et d’adolescents. « Je viens voir ma grand-mère dans le quartier.J’ai vu qu’ils faisaient ça par la fenêtre alors je suis descendue. Je ne sais pas trop à quoi ça sert. Tout ce que je sais, c’est que ça va rester jusqu’enseptembre et que c’est manuel », raconte Anissa, une jeune ado qui vient de Schaerbeek. « Du bambou pour quoi ? Moi, je sais pas. Je fais ça pour moi », lanceShemz, un jeune garçon du quartier.

Des grands discours à la pratique, pas toujours facile d’expliquer le concept aux habitants du quartier, qu’ils soient petits ou grands, admet Roels. Mais ce n’est pas nécessaire,juge-t-il. « Le concept est complexe et c’est voulu. Si on donne des lignes trop claires, on obtient des réalisations prévisibles. On veut éviter lesstéréotypes, rester trouble pour créer la surprise. Il faut aussi un concept qui rassemble. A l’origine, nous avions l’idée de dresser un socle vide et de demander auxriverains d’imaginer ce qu’ils mettraient dessus. On a fait un essai au Pianofabriek avec des dessins. Résultat, les Equatoriens ont refait la Mitad del Mundo [NDRL sculptureplacée sur la ligne de l’équateur]. Un monument important pour eux mais qui ne signifie rien pour des gens d’autres nationalités. Et les Palestiniens ont fait des dessins contreles Israéliens. »

Sur la placette sans nom, la construction atteint à présent la taille de trois mètres de long sur deux de large environ. Ce n’est sans doute pas très volumineux. Maispour les organisateurs de Globe Aroma, côté participation, le bilan est plutôt positif. « Ce matin, j’ai vu qu’un bloc avait été abîmé pendantla nuit. J’étais occupé à le remettre en place quand une dame m’a crié de ne pas y toucher, que c’était au quartier. Elle pensait que c’était moi qui l’avaisabîmé. Même si elle ne participe pas à la construction, si elle ne comprend sans doute pas de quoi il s’agit, elle se sent responsable de cette construction », sefélicite Roels avec un large sourire.

Demandez le programme !

Roels et son frère sont présents sur place tous les jours de 10 à 18 heures jusqu’au 30 septembre. Plusieurs événements festifs et artistiques sontprévus.

Info : http://propositionspourunmonument.blogspot.com

Crédit photos : http://propositionspourunmonument.blogspot.com

1. Globe Aroma vzw :
– adresse : rue des Alexiens, 16 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 511 21 10
– courriel : infoglobearoma.be
– site : www.globearoma.be

Sandrine Warsztacki

Sandrine Warsztacki

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