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Regard critique · Justice sociale

Théâtre Océan Nord : pour et avec le quartier

Le Théâtre Océan Nord intègre le quartier dans bon nombre de ses activités

Situé au cœur de Schaerbeek, le Théâtre Océan Nord1 se voit comme une « Machine-Théâtre », un espace de création, d’expérience et de partage avec les spectateurs, à commencer par un tissage de liens intenses avec tous les habitants et les associations du quartier. Quand programmation exigeante rime avec ouverture d’esprit

Accès gratuit, réunions du comité de quartier, accueil de la chorale, spectacles conçus en priorité pour eux… Les habitants des alentours du Théâtre Océan Nord sont soignés aux petits oignons, acteurs à part entière de la vie d’un espace artistique à la programmation pointue mais avide d’un public divers et ouvert. Julie Fauchet, responsable de la communication, explique cette volonté de diversité sociale : « Le théâtre s’est installé rue Vandeweyer en 1996. Il y a eu directement, chez les directeurs Isabelle Pousseur et Michel Boermans, la volonté de se faire accepter par le quartier. Il était hors de question d’imposer un lieu aux habitants. La gratuité pour les habitants de la rue, avec la Carte quartier renouvelable chaque année, a toujours existé, de même que les 50 % de réduction pour les habitants du quartier. Chaque année nous réfléchissons à la façon d’élargir le périmètre de ce quartier et de répondre aux attentes de ce public. Les gens sont invités à la présentation de chaque nouvelle saison, habitants, associations et écoles de Schaerbeek. Il faut savoir que la rue Vandeweyer est une rue de passage, les gens n’y restent pas beaucoup. Il existe un noyau de fidèles qui a fondé un comité de quartier, le Comité Van de Trinette, à l’origine des fêtes de rues et de la chorale. Mais cela ne représente qu’une dizaine de personnes alors qu’il y a plus de 300 boîtes aux lettres dans la rue ! Entre le haut de la rue, place Liedts, et le bas de la rue, chaussée de Haecht, il y a un tissu multiculturel assez important, avec une population difficile à attirer au théâtre. D’où notre effort constant pour aller vers eux. Certes, nous programmons essentiellement du théâtre contemporain. Isabelle Pousseur assume le côté exigeant de sa programmation et préfère la rendre accessible par des animations après-spectacle et des rencontres avec le public plutôt que de partir du principe qu’un certain public comprendra, ou pas, tel ou tel spectacle. »

« Ici, les portes sont ouvertes »

Toucher les gens, les ouvrir à la culture, convaincre des publics pas forcément acquis… On s’y emploie à travers différentes activités, comme les ateliers théâtre : « Ils se déroulent soit pendant l’été pour les enfants du quartier, et sont gratuits, soit durent un à deux ans et passe par un travail d’écriture, de mise en scène et de spectacle final. Le tout dans un souci de montrer le travail de ces ateliers aux habitants du quartier avec des créations inspirées directement de leur vécu. Ici, les portes sont ouvertes, nous organisons des petits apéros dès que le beau temps revient, que ce soit pour parler de la programmation ou d’autres sujets… Tout un tissu associatif s’est créé dans ce quartier et le théâtre y participe à sa façon, avec nos moyens. Nous avons des professeurs d’écoles du quartier qui osent faire découvrir à leurs élèves certains spectacles très pointus, qui questionnent le public et qui amènent des rencontres et des débats passionnants avec des jeunes, parfois peu attentifs et pourtant super réactifs après le spectacle. Que ce soit avec des écoles à discrimination positive ou via Article 27, nous tenons à accueillir chaque spectateur de la même manière. Nous avons aussi certaines représentations à 13 h 30 pour des associations de femmes. Les mamans ont aussi le droit de goûter au théâtre, en journée, avec un horaire adapté à leur emploi du temps. »

Les voisins qui chantent

Dernière initiative, et non des moindres, un spectacle familial créé spécialement pour les habitants : « Superoupas »[x]2[/x]. « A voir dès 5 ans et qui met le doigt sur les pressions qui peuvent être exercées sur des enfants, notamment via les concours de beauté. Ce spectacle est réservé en priorité au quartier et aux associations et permet de s’adresser à un large public. »

Candy Saulnier dirige la chorale de la rue Vandeweyer qui existe depuis la saison passée. « Il y avait ce désir parmi certains membres du comité de quartier de vivre autre chose, d’où cette idée de chanter ensemble. Le comité étant déjà présent au sein du théâtre, il était simple de s’y réunir pour répéter. Une dizaine d’habitants de la rue ont donc lancé cette chorale qui dès la rentrée s’est élargie sur Schaerbeek. Nous nous réunissons deux fois par mois pendant deux heures. Il y a seulement le désir d’être et de chanter ensemble, sans aucun but de spectacle. L’important est de partager une émotion et de s’ouvrir aux autres avec une envie d’échanger sur la vie du quartier. Une solidarité commence à s’établir, on s’aide, on se donne des conseils. Le théâtre les motive également à se montrer toujours plus curieux. Même s’il n’y a pas de spectacle de fin d’année, nous ferons en juin une séance ouverte où chacun invitera proches et voisins, toujours dans cet espoir d’impliquer plus encore le quartier. »

Juste une impulsion

Le comité Van de Trinette réunit les habitants de la rue Vandeweyer. Très actif durant de nombreuses années, il s’est toujours réuni au Théâtre Océan Nord : animations, débats, fête de rue… Les membres se montraient motivés, pour le plus grand bonheur des familles. Mais le comité a perdu quelque peu de son enthousiasme. Saïda Lahbi, également membre de la chorale, le déplore : « Après plusieurs années d’engagement, j’ai voulu avec d’autres passer la main, confier l’organisation des activités, et de la fête de rue, à des plus jeunes, pour les motiver et les responsabiliser. Mais ça ne bouge pas beaucoup. Je sais que les habitants n’attendent qu’un geste, une impulsion pour à nouveau embrayer. Il suffirait qu’on organise une nouvelle réunion, qu’on lance l’appel pour qu’on redémarre. Le désir est là mais… personne ne se décide. Je vais peut-être m’y remettre… »
Est-ce dû à cette mobilité dont parlait Julie Fauchet ? Aux habitants qui s’installent ailleurs ? A une conjoncture qui accapare les esprits ? Il est difficile de penser que le comité ne retrouvera pas très vite cette impulsion qui semble lui manquer aujourd’hui…

1. Théâtre Océan Nord :
– adresse : rue Vandeweyer, 63-65 à 1030 Bruxelles
– tél. : 02 242 96 89
– site : http://www.oceannord.org

2. « Superoupas » : représentation le mercredi 15 mai à 15 h 30.

Gilda Benjamin

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