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Regard critique · Justice sociale

Sylos, un système local de santé à Malmedy

Les Sylos, ou systèmes locaux de santé, visent à améliorer la coordination entre l’hôpital et les médecins généralistes. Lancéeà Malmedy en 1999, une expérience pilote continue de porter ses fruits.

16-03-2012 Alter Échos n° 334

Les Sylos, ou systèmes locaux de santé, visent à améliorer la coordination entre l’hôpital et les médecins généralistes.Inspirée entre autres des Silos sud-américains, l’expérience pilote lancée à Malmedy en 1999 continue de porter ses fruits.

Sur le terrain, les travailleurs de la santé le reconnaissent volontiers : les relations entre hôpitaux et médecins généralistes ne sont pas toujours au beaufixe. Manque de rapidité dans la transmission des dossiers des patients, manque de suivi après une hospitalisation, pas de continuité dans les médicamentsadministrés, les exemples sont légion. Pourtant un minimum de coordination entre les lignes de soin assure la continuité de ces soins et donc leur qualité. « Lepaysage belge est très spécifique, explique Jean Van der Vennet, de l’Institut de médecine tropicale (IMT)1 à Anvers. Tous les acteurs sont quasiindépendants. Il existe bien des normes fédérales au niveau des soins, mais chacun est son propre chef. Les hôpitaux sont autonomes et la première ligne, quand on acommencé les projets de Sylos, était tout à fait désorganisée. » Bref, le système belge n’encourage pas la collaboration voire favorise laconcurrence entre acteurs.

« Avec l’IMT, nous travaillons partout dans le monde : au Maroc, au Congo, en Amérique latine… Or on constate que partout, il existe une coordination entrepremière et seconde lignes de soin », continue Jean Van der Vennet. En Afrique, il s’agit de la politique de « district sanitaire ». Les« systèmes locaux de santé » trouvent eux leur origine en Amérique latine. D’où la volonté de mettre sur pied des expériencespilotes en Belgique. Après une première tentative avortée avec l’hôpital César de Paepe à Bruxelles, un projet de recherche-action a éténégocié avec le ministère de la Santé afin de voir sur le terrain comment organiser cette coordination. « Notre hypothèse était qu’ellepouvait être portée par les acteurs eux-mêmes. » Des projets pilotes ont été lancés avec la Clinique Reine Astrid de Malmedy, l’HôpitalMolière à Bruxelles et l’Hôpital Sint-Vincentius à Anvers.

Les Silos en Amérique latine2

A partir des années soixante, la santé devient l’objet de politiques de développement. Dès les années septante, l’accent est mis sur laréorganisation institutionnelle et sur l’extension de la couverture. En 1977, l’OMS lance sa stratégie « Santé pour tous en l’an 2000 ».Un an plus tard, la Conférence internationale sur les soins de santé primaires se réunit à Alma-Ata.

En Amérique latine, ces stratégies se traduisent notamment par le développement des Silos, “sistemas locales de salud” (Resolución XV, 1988, Organisationpanaméricaine de la Santé, OPS). Mais leur création s’avère aussi être à l’initiative des acteurs de la santé dans le contexte dedémocratisation qui s’opère dans la région. Désormais, on mise sur le renforcement des soins de santé primaire, sur la décentralisation et ledéveloppement local, sur la participation de la population et sur l’équité. Autre caractéristique de ces projets : l’accent sur l’intersectoriel etsur la prévention.

Malmedy : de la coordination aux projets

1999 : le Sylos de Malmedy est mis sur pied. Il réunit une fois par mois le directeur médical et des médecins spécialistes de la clinique Reine Astrid3,et un groupe de médecins généralistes de la région. Avec le temps, d’autres participants se joignent au groupe : la responsable des infirmières et le chef desurgences de l’hôpital, une infirmière de la maison de repos et de soins, des assistantes sociales d’un centre de coordination de soins à domicile. Jean Van der Vennetanime les rencontres et joue le rôle de modérateur.

L’objectif poursuivi ? Apprendre à se connaître, mettre en lumière les problèmes et tenter de les solutionner. « Le Sylos est un creuset deréflexion sur les problèmes de chacun, explique le Dr Parada, généraliste qui participe au projet depuis ses prémices. Les sensibilités par rapport auxpatients sont différentes selon qu’on est un acteur hospitalier ou non. Le Sylos a pour but d’être ce liant qui permet à la sauce de prendre. »

Le Sylos de Malmedy n’est pas atteint du syndrome de réunionite aiguë, il a vu naître des projets très concrets. Parmi eux : une fiche à destination dela population sur la marche à suivre quand on se sent mal (dans quels cas de figure aller chez son médecin, chez un spécialiste ou aux urgences ?) ; une fiched’antibiothérapie qui définit quels antibiotiques utiliser selon les pathologies, afin de faciliter la continuité médicamenteuse en casd’hospitalisation ; ou encore un travail sur la continuité des soins dans le cadre des soins palliatifs. Les réunions permettent aussi de régler les petits malentendusde manière immédiate.

Généraliser la coordination

Après plus de dix années d’existence, les participants sont unanimes : le Sylos améliore la qualité de leur travail. « Avec le temps qui passe,les liens se créent, se nouent et se renforcent. On a réussi à dépasser les prétentions des uns et des autres, à dépasser le cadre du « petit patientpersonnel » pour réfléchir en profondeur aux problèmes », souligne le Dr Parada.

SISD, trajets de soins, Réseau Santé wallon ou encore réseaux locaux… Autant d’expériences qui tentent aujourd’hui d’améliorer lacoordination entre les acteurs de soin. « Si les trajets de soin sont des initiatives intéressantes qu’il ne faut pas rejeter, analyse Jean Van der Vennet, ils exigent unecoordination par maladie. C’est impossible. La logique du Sylos, c’est qu’il y a un lieu de coordination, et c’est par là que tout passe. »

Quant aux projets d’informatisation et de partage de données, ils sont un élément favorisant. Mais ils sont davantage une mise en œuvre technique, un outil auservice d’une meilleure communication. « C’est important, mais ce n’est pas suffisant pour garantir cette communication », précise le Dr Parada.

Les médecins de Malmedy estiment que le projet de Sylos devrait être exporté et subsidié. « C’est vrai que ce genre de travail
se fait dansd’autres régions, à l’initiative d’un hôpital ou de médecins généralistes. Mais les choses sont biaisées quand il n’y a pas detierce personne pour modérer les discussions », glisse le Dr Dulière, directeur médical de la clinique. Des réflexions sont en cours pour essaimer le projet.Mais qui va remplir cette fonction de coordinateur ? s’interroge Jean Van der Vennet. « Cela reste une inconnue dans ce schéma. »

Effet boomerang, Mirta Roses, directrice de la branche américaine de l’OMS (OPS), demande aujourd’hui à l’IMT de faire venir faire partager son expériencebelge sur le continent sud-américain.

Le Réseau Santé wallon

Depuis 2007, la communication entre première et seconde lignes est au cœur d’un travail autour de l’échange électronique des données. Le RéseauSanté wallon4 en est la concrétisation. Il vise l’interconnexion des dossiers médicaux informatisés. « Beaucoup d’hôpitaux avaientcommencé par une initiative plus limitée en voulant donner aux médecins un accès aux données de leur intranet hospitalier, explique Luc Nicolas, du SPF Santépublique. Ici, c’est beaucoup plus ouvert. Le RSW peut être alimenté par toute une série de structures différentes. »

Actuellement 8 hôpitaux, 3 800 professionnels et 23 000 patients sont connectés. « Mais ce n’est que le début, précise Luc Nicolas. Cela vamonter en puissance en 2012. 42 hôpitaux devraient être connectés pour la fin de l’année. » Le patient, quant à lui, donne son accord, a accèsà toutes les informations de son dossier via son portail et peut décider de l’ouverture/fermeture de l’accès à certaines données. Il peut aussi exclurel’accès à certains prestataires de soins s’il le souhaite.

1. Institut de médecine tropicale :
– adresse : Nationalestraat 155 à 2000 Antwerpen
– tél. : 03 247 64 05
– site : www.itg.be/itg/
2. Paganini José María, Capote Mir Roberto, Sistemas locales de salud; conceptos, métodos, experiencias, Washington D.C, OPS, 1990 (OPS PublicaciónCientífica, 519); Resolución XV: Desarrollo y fortalecimiento de los sistemas locales de salud en la transformación de los sistemas nacionales de salud, aprobada por la XXXIIIReunión del Consejo Directivo de la OPS, Washington D. C., OPS, 1989.
3. Clinique Reine Astrid :
– adresse : rue Devant les Religieuses, 2 à 4960 Malmedy
– tél. : 080 79 31 11
– courriel : info@clinmdy.be
– site : www.cliniquemalmedy.be/
4. www.reseausantewallon.be/

Marinette Mormont

Marinette Mormont

Journaliste (social, santé, logement)

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