Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Statut d'artiste : le Conservatoire de Liège, victime collatérale ?

L’application stricte des règles en la matière par l’Onem a des conséquences inattendues. Un exemple avec la section théâtre du Conservatoire royal deLiège qui risque de perdre ses « conférenciers ».

08-06-2012 Alter Échos n° 340

L’application stricte des règles en la matière par l’Onem a des conséquences inattendues. Un exemple avec la section théâtre du Conservatoire royal deLiège1, qui risque de perdre ses « conférenciers ».

Il y a un an, l’Onem décidait de « serrer la vis » concernant les règles relatives au chômage pour les artistes (voir encadré).Appliquées jusque-là de manière parfois « large », celles-ci se voyaient ramenées à une interprétation stricto sensu. Avec, à laclef, un émoi certain dans le milieu artistique, de nombreuses personnes voyant leurs droits remis en cause.

Deux règles :

• l’article 10 de l’AM du 26 novembre 1991, applicable aux artistes de spectacle engagés à la prestation ou au cachet sans mention d’horaire, leur permet d’atteindre plusfacilement le nombre de jours requis pour avoir droit aux allocations de chômage. Exemple : pour une personne de moins de 36 ans, celle-ci doit comptabiliser 312 jours de travailsalarié sur les 18 mois précédant la demande d’allocation. Un artiste ayant perçu 1 000 euros bruts pour une prestation verra ce montant divisé par 38,44. Lerésultat obtenu (26) sera comptabilisé comme autant de jours de travail.
• l’article 116§5 de l’AR du 25 novembre 1991, applicable aux artistes et techniciens de spectacle occupés au moyen de contrats de moins de trois mois, permet que ceux-ci soientmaintenus dans la période d’indemnisation de chômage en cours au moment de l’octroi de l’avantage. Cet avantage est octroyé pour douze mois et renouvelé si une nouvelleoccupation survient dans les 12 mois.

Cela dit, d’autres conséquences pointent le bout de leur nez. Ainsi, au Conservatoire royal de Liège, section théâtre, on tire la sonnette d’alarme. La nouvellepolitique de l’Onem risque en effet de faire perdre à l’établissement les « conférenciers » qui composent près de 40 % du « corpspédagogique » s’occupant des élèves.

Les conférenciers, des professeurs ?

Première précision : les conférenciers sont des artistes extérieurs au conservatoire qui viennent, pour 3 à 12 semaines, monter un projet au sein decelui-ci avec les élèves. « Nous appliquons une pédagogie cherchant à produire des projets sur le modèle de ce qui se fait dans la profession, expliqueNathanaël Harcq, directeur-adjoint du conservatoire et responsable de la formation des acteurs. Il faut que les élèves puissent avoir un contact avec la création artistique.Le rayonnement que connaît notre école vient de sa capacité à faire intervenir des artistes extérieurs, ce qui nous est d’ailleurs imposé par le décretde la Communauté française du 17 mai 1999 relatif à l’enseignement supérieur artistique. »

Jusqu’au « resserrement » opéré par l’Onem, ces artistes pouvaient prendre en compte ces interventions au conservatoire pour faire valoir leurs droitsconcernant les deux règles évoquées en encadré. Ce qui ne serait plus le cas. « Pour ce qui est de l’article 10, l’Onem ne considère plus que lesconférenciers exercent un rôle d’artiste de spectacle dans le cadre de leur activité au conservatoire, mais bien un rôle de professeur. Ils n’ont donc plus le droitd’invoquer cet article », explique Nathanaël Harcq. Concernant l’article 116§5, le problème serait le suivant : certains conférenciers réalisantplusieurs projets pour le conservatoire, des projets considérés dorénavant comme de l’enseignement par l’Onem, ils finissent par comptabiliser plus d’activités en tantqu’« enseignants » que comme artistes. Or l’une des conditions pour se voir appliquer l’article réside dans le fait qu’il faut être occupé dans sa professionprincipale comme artiste ou technicien de spectacle.

Quid du statut ?

Résultat : risquant de perdre leurs avantages, les conférenciers ont adressé une lettre à la direction du conservatoire dans laquelle ils font savoir qu’il leur« sera impossible de garantir (leur) disponibilité pour l’année scolaire prochaine » Ce qui met le conservatoire dans le pétrin. Et fait s’interroger sondirecteur-adjoint. « Il est incompréhensible que l’on ne puisse pas considérer le travail des conférenciers comme une activité artistique. Les écolesd’art sont des espaces où les artistes/conférenciers viennent chercher d’autres conditions de production, qui leur permettent de faire advenir d’autres œuvres d’art »,explique-t-il en soulignant que nombre de projets montés au sein du conservatoire se voient présentés sur des scènes professionnelles. Il insiste de plus sur le fait quela décision de l’Onem est en contradiction avec le décret de la communauté française du 17 mai 1999.

Un courrier a d’ailleurs été adressé à Jean-Claude Marcourt (PS), ministre de l’Enseignement supérieur de la communauté française. Son cabinet netient pas à se prononcer pour l’heure, mais confirme qu’une rencontre avec les représentants du conservatoire est prévue le 15 juin afin « de voir l’aide que l’on peutapporter ».

Image : © Agence Alter/Julien Winkel

1. Conservatoire royal de Liège :
– adresse : quai Banning, 5 à 4000 Liège
– tél. : 04 226 44 53
– site : www.crlg.be

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste (emploi et formation)

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)