Ce vendredi 17 novembre, les occupants du squat bruxellois du 103 boulevard de Waterloo ont dû plier bagages. Le jugement rendu quelques jours plus tôt les expulse, mais il rappelleaux pouvoirs publics leurs obligations en termes de relogement.
“Le jugement est dur, le droit de propriété l’emporte sur le droit au logement. On doit partir vendredi midi, martèle José Garcia, président du Syndicatdes locataires1. Il n’y a pas de possibilité de négociation. En revanche, on est contents, car ce jugement oblige les pouvoirs publics à reloger les personnes quioccupent le 103. La juge n’a pas été convaincue par les plaidoiries des pouvoirs publics, et les débats seront rouverts le 12 décembre devant le Juge de paix.” Pourle représentant du Syndicat des locataires, il est en tout cas hors de question d’abandonner les gens en cours de route : “On va continuer à mener cette lutte qui aété qualifiée de ‘terroriste’ par l’avocat du propriétaire. On se donne maximum deux semaines pour retrouver un logement pour ces personnes”. Le bâtimentserait déjà choisi – il s’agit d’un bâtiment public -, mais l’adresse reste tenue secrète.
Pour sa part, l’abbé Jacques Vanderbiest, a fustigé l’absence de volonté politique pour loger les gens décemment : “Le gouvernement régional avaitannoncé la construction de 5 000 logements. Si beaucoup a été fait sur le plan administratif, pas une seule brique n’a été posée.”
Le jugement
Alexis Deswaef, avocat représentant les occupants, note que dans son jugement la juge reconnaît “qu’il est indéniable que toute personne a droit à un logementdécent” et “qu’il est tout aussi certain que les logements sociaux font cruellement défaut à Bruxelles”. Cependant, “aucune règle de droit nepermet à un particulier de se substituer aux pouvoirs publics, fussent-ils défaillants”.
Concernant le relogement, l’avocat note aussi que le jugement met en balance le droit au logement et le droit de propriété, mais “qu’il n’appartient pas aux personnesprivées, mais aux pouvoirs publics, de tout mettre en œuvre pour garantir le droit au logement consacré par la Constitution”. Dès lors, la magistrate a jugérecevable l’action en intervention visant la ministre fédérale de la Justice, la secrétaire d’État bruxelloise au logement, la Ville de Bruxelles et le CPAS deBruxelles-Ville. Elle pointe le fait que “la responsabilité spécifique de chacune des parties défenderesses pour le manque de logements sociaux à Bruxelles est miseen cause”. Les débats doivent être rouverts pour permettre aux parties défenderesses de développer plus avant leur argumentation.
Les squatteurs remercient la police
Tout au long de l’occupation du 103, les habitants soutenus par l’Union des locataires marollienne, l’Union des locataires de Saint-Gilles, le Syndicat des locataires, le collectif Colèreet l’association Chez Nous / Bij Ons, ont dû faire face plus d’une fois à des tentatives d’intimidation de la part du propriétaire, à savoir l’Église descientologie. La police de la zone Bruxelles-Ixelles a dû intervenir plus d’une fois pour protéger les squatteurs des incursions de membres de l’Église de scientologie. Dans LaLibre Belgique du 6 octobre 2006, le bourgmestre bruxellois, Freddy Thielemans, s’est même déclaré « solidaire des occupants de l’immeuble » et a déclaré qu’ilcomptait « utiliser tous les moyens disponibles afin d’empêcher l’Église de scientologie d’établir un nouveau siège à Bruxelles ».
On notera que José Garcia a remercié la police pour avoir assuré la protection des occupants contre ces incursions du propriétaire. La Ville de Bruxelles auraitégalement déclaré qu’elle allait tout mettre en œuvre pour éviter que les squatteurs se retrouvent à la rue. Cette prise de position d’un pouvoir public enfaveur de squatteurs, et contre un propriétaire, tranche avec le passé.
Un nouveau mode de combat
Par ailleurs, l’histoire des squats bruxellois a longtemps présenté le Syndicat des locataires dans un rôle de soutien et de sympathisant. Ici, il est carrément devenuacteur principal du combat des occupants du 103. Il s’agit d’un changement dans la politique d’action de la part de cette association.
Pour José Garcia, la raison est simple : “Jusqu’alors, l’action syndicale suffisait, on apportait des solutions aux gens. Pourquoi on s’investit maintenant dans ce type de combat ? C’estparce qu’on n’a plus de réponses pour les gens qui viennent chez nous. Ou bien on ferme le syndicat, ou bien on change de politique. Vu les millions de m2 inoccupés delogement et de bureaux à Bruxelles, il y a une responsabilité de l’associatif : on ne peut plus attendre le bon vouloir des politiques, on ne peut pas déontologiquement dire auxgens : Attendez dix ans pour avoir un logement.”
1. Syndicat des locataires, square Albert Ier 32 à 1070 Bruxelles – tél. : 02 522 98 69 – fax : 02 524 18 16 – courriel : syndicatdeslocataires@gmail.com