Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Archives

"Santé et inégalités sociales : des rencontres européennes pour en parler"

22-10-2001 Alter Échos n° 107

Aujourd’hui, l’impact des facteurs sociaux sur la santé est démontré. La question reste de savoir comment les prendre en compte dans les stratégies depromotion de la santé. L’approche communautaire de la santé peut être considérée comme une de ces stratégies. Elle vient d’ailleurs de fairel’objet d’un colloque européen organisé ces 19 et 20 octobre à Bruxelles par la ministre communautaire de la Santé, Nicole Maréchal1. Maisqu’entend-t-on au juste par approche communautaire ? L’approche communautaire, si l’on en croit le texte introductif du programme du colloque, « caractérise un ensemble deprogrammes, d’actions ou de projets qui ont pour particularité de dépasser le champ sanitaire stricto sensu pour inclure les déterminants de la santé(éducation, logement, environnement, relations sociales, culture, emploi, etc.) dans le champ de l’intervention ; de considérer les populations comme des partenaires disposant desavoirs et de savoirs-faire pertinents et utiles à l’action ; de développer une philosophie d’action centrée sur un double objectif de développement de lacitoyenneté et de changement social » Un vaste programme… à l’ordre du jour de l’agenda politique de la Présidence belge.
En Belgique, ce sont les Communautés qui sont compétentes pour tout ce qui relève de la prévention mais avec des moyens financiers insuffisants face àl’ampleur de la tâche. « Que faire donc pour améliorer l’état de santé de la population ? Il nous a semblé essentiel de travailler sur une méthode,axée sur l’incidence des facteurs socioéconomiques », explique Nicole Maréchal. Certaines politiques de prévention sont dites « égalitaires » comme lesvaccinations. Mais elles le deviennent nettement moins pour prévenir les problèmes cardiovasculaires ou pour dépister le cancer. À l’égard du sida parexemple, (connaissance des modes de contamination et de protection, pratique du test), les inégalités sociales sont beaucoup plus inquiétantes encore. Les personnesdéfavorisées adoptent également plus souvent des comportements néfastes pour leur santé : plus grande consommation de tabac et d’alcool, alimentation moinssaine, moins d’activités physiques, de loisirs, etc. La petite enfance en milieu de grande pauvreté est aussi considérée comme une période defragilité. « Pourtant ces différences ne semblent pas avoir d’importantes conséquences directes sur la consommation de soins, note la ministre. On observe peud’inégalités en ce qui concerne la fréquentation d’un généraliste et d’un spécialiste. La consommation de médicaments neprésente pas non plus de grandes différences sociales, si ce n’est pour les médicaments non-prescrits qui sont bien plus utilisés par les gensprivilégiés. L’accès aux soins dentaires est par contre nettement plus lié à l’appartenance sociale. Si on veut donc améliorerl’état de santé de nos populations, il s’agit d’investir massivement dans l’amélioration des conditions sociales des populations les moinsfavorisées. »
L’Europe se bouge
Un constat à la suite duquel plusieurs institutions européennes ont développé une réflexion, puis publié des résolutions ou des recommandations. Ainsila Commission européenne propose un nouveau plan communautaire de santé publique qui intègre la notion de déterminants de santé et notamment les déterminantssociaux, qui en appelle à davantage de transversalité dans les programmes et invite à mobiliser l’ensemble des compétences des Traités pour s’engagerdans la réduction des inégalités en matière de santé. L’OMS région Europe vient également d’adopter à Madrid, en septembre dernier,des résolutions visant à ce que les États membres se mobilisent activement dans ce même but.
Sur le terrain : Prévention du tabagisme auprès de femmes précarisées
Les Rencontres européennes organisées en ce mois d’octobre avaient pour but principal l’échange d’expériences sur les stratégiesd’intervention mais aussi sur la compréhension des mécanismes qui induisent des inégalités. Ainsi de nombreuses expériences européennes enmatière de santé communautaire ont pu être relatées et confrontées. Parmi celles-ci, l’expérience menée par le service « Promotion santé »de Namur de mars 99 à septembre 2001, en partenariat avec le Programme Europe contre le cancer. Il illustre bien le caractère de laboratoire social que peut représenter cetteapproche communautaire de la santé. Le projet relaté, dans un des ateliers des Rencontres européennes, consistait à lutter contre le tabagisme chez les femmesprécarisées. « Parce que les conséquences du tabagisme sont plus graves dans les milieux défavorisés, explique Axel Roucloux, porteur du projet. On a d’abordréfléchi aux manières d’intervenir. On a constaté le manque de connaissances de ce public sur la santé en général et sur les infrastructuresexistantes. » L’équipe a également remarqué que les femmes visées « ne croyaient pas aux messages de prévention, assimilant le tabac au cancer. » Lesintervenants se sont surtout interrogés sur les raisons pour lesquelles tant de femmes issues de milieux défavorisés fument. « Fumer est une réponse au stress, àl’anxiété, voire à la colère que suscitent leurs conditions de vie quotidiennes », poursuit Axel Roucloux. « Réagir par rapport au stress était donc unmoyen précieux d’intervention. » C’est ainsi que l’équipe a élaboré un programme orienté sur la promotion de la santé enl’intégrant dans les institutions qui œuvrent dans les milieux précarisés. Pas de « cours » donc sur la nocivité du tabac mais des séances axées surla gestion du stress, la prise de poids, le massage, la relaxation, la diététique. Après trois ans, les promoteurs du projet ont constaté une meilleure capacité dupublic visé à se prendre en charge, à se préoccuper de sa santé.
Reste les conclusions…
« À l’issue des ces Rencontres, la Communauté française et la Communauté flamande établiront conjointement une note destinée au Conseil des ministreseuropéens de la Santé du 15 novembre », conclut Nicole Maréchal. Objectif : faire en sorte que la question des inégalités sociales en promotion de la santésoit une priorité de la politique de l’Union européenne dans les prochaines années.
1 Cabinet Maréchal, rue de la Loi, 378 à 1040 Bruxelles, tél. : 02 21335 11.

catherinem

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)