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Santé

Salles de conso et Tadam mis à mort par la majorité

La majorité, au fédéral, a exprimé son opposition aux deux projets de loi touchant à la prise en charge de la toxicomanie déposés par Willy Demeyer: le premier a pour but la reconnaissance légale de salles de consommation à moindre risque (SCMR), le second, celle du traitement assisté par héroïne pharmaceutique. En France, l’expérimentation des SCMR fait également, ces jours-ci, l’objet d’une opposition farouche . Ces dispositifs ont pourtant, l’un comme l’autre, démontré leur efficacité…

01-04-2015
À Luxembourg, les personnes toxicomanes peuvent consommer de l'héroïne et de la cocaïne dans des conditions sanitaires sûres. © Abrigado

La majorité a accepté mardi que la commission de la Santé publique de la Chambre formule un avis à la commission de la Justice sur l’opportunité de légaliser la délivrance d’héroïne médicale et la mise en place de salles de consommation à moindre risque. C’est la seule concession accordée au député-bourgmestre de Liège Willy Demeyer (PS), auteur de deux propositions de loi favorisant une approche innovante de la prise en charge de la toxicomanie, rapporte un communiqué de Belga paru dans la presse pas plus tard qu’hier (Relisez notre interview: «Willy Demeyer: une approche pragmatique de la toxicomanie»).

Toujours selon Belga, Sophie De Wit (N-VA) et Raf Terwingen (CD&V) ont exprimé leur opposition à ces propositions de loi, les assimilant à une «libéralisation» des drogues, alors que le gouvernement s’est engagé dans une politique de «tolérance zéro». Pour Egbert Lachaert (Open Vld), l’analyse coût-efficacité du projet Tadam ne tient pas la route.

En France, le projet de loi santé de Marisol Touraine est en ce moment à l’examen. Ici aussi, l’expérimentation de salles de consommation à moindre risque fait l’objet d’une farouche opposition de la part de l’UMP, peut-on lire dans Le Monde d’aujourd’hui. Même type d’argument: Yannick Moreau (UMP), y voit une «légalisation déguisée, un appel d’air». Ce dernier a d’ailleurs présenté une proposition de résolution signée par 105 députés visant à interdire toute «salle de shoot» sur le territoire français. L’ancien président UMP de l’Assemblée Bernard Accoyer (UMP) aurait quant à lui qualifié ce dispositif de «salles d’intoxication».

Des projets qui ont pourtant été évalués positivement

Projet-pilote thérapeutique mené à Liège entre 2011 et 2013, Tadam proposait à des patients toxicomanes sévèrement dépendants un traitement assisté par diacétylmorphine, c’est-à-dire de l’héroïne pharmaceutique prescrite et administrée sous la supervision d’infirmiers dans le centre Tadam. L’objectif principal étant le sevrage à l’héroïne de rue, qui présente de nombreux risques pour la santé. Le public était constitué de personnes qui consommaient, pour la plupart, de l’héroïne depuis une vingtaine d’années et de manière quasi quotidienne au cours du dernier mois. Ils avaient tous précédemment suivi un traitement de substitution par méthadone qui s’était soldé par un échec.

Le projet, clôturé en janvier 2013, avait été évalué positivement par l’Université de Liège (Ulg). L’équipe de recherche avait constaté une diminution de la consommation de l’héroïne de rue, une amélioration de la santé physique et mentale des patients et une diminution des faits de délinquance commis par ces personnes. Un point négatif néanmoins, la durée du traitement limitée à douze mois, qui entraîne un risque important de reprise de la consommation d’héroïne de rue en fin de traitement. Les chercheurs avaient recommandé la poursuite de ce type de traitements en Belgique. (Pour plus d’infos, lisez le rapport final de la recherche).

Quant aux salles de consommation à moindre risque, de nombreuses études dans le monde convergent pour dire que ces expériences sont positives (Lire «Un tour du monde des salles de consommation»). Les nuisances publiques sont réduites, de même que le nombre d’overdoses dans les quartiers avoisinants, et la santé sociale et sanitaire du public cible s’améliore: meilleures pratiques d’injection, réduction des infections aux virus HIV et de l’hépatite C, réduction des lésions, meilleur accès aux soins et reprise de contact avec un public difficile d’accès. Une étude de Vancouver a aussi démontré que ces salles seraient un bénéfice pour la société (notamment en termes de soins épargnés par la sécurité sociale), 5,12 fois plus élevé que leur coût. En Belgique, le Plan VIH présenté en octobre 2013 par la ministre fédérale de la Santé de l’époque Laurette Onkelinx, ainsi que le Plan bruxellois de réduction des risque réalisé à la demande des précédents ministres de la Santé Benoit Cerexhe et Céline Fremault, plaidaient d’ailleurs pour la mise en place de ce type de dispositifs.

Vous voulez en savoir plus? Venez à la troisième rencontres sur les salles de consommation à moindre risque, le 28 avril 2015 à l’Hôtel de ville de Bruxelles. Infos sur sur le site de l’asbl Transit.

Relisez aussi nos articles «Une Riboutique à Ribaucourt?» et «Abrigado abrite les toxicomanes luxembourgeois».

 

Marinette Mormont

Marinette Mormont

Journaliste (social, santé, logement)

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