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Regard critique · Justice sociale

En octobre, le Commissaire du gouvernement à la Politique des grandes villes, Charles Picqué 1, sortait une note politique générale. Il y a quelques semaines paraissaitsa contribution au projet de Plan fédéral de sécurité 2. Entretemps se préparent différents axes d’action qui n’ont encore reçu que peu devisibilité. Revue de détail avec le directeur de cabinet du Commissaire, Henri Dineur.
AE – Quel est votre travail actuel ?
HD – Il y a deux missions qui doivent être menées de front. Une première, d’éveil du gouvernement fédéral à la problématique urbaine. C’est unedimension oubliée depuis la fédéralisation. Or des mesures dans les soins de santé, l’emploi, etc. ont des impacts spécifiques en ville. Prenez les nouveaux emploispour les jeunes : si on favorise de manière plus intensive les moins qualifiés, les poches importantes de jeunes en question se trouvent dans les villes. Donc, notre mission, c’est devoir arriver l’ordre du jour du gouvernement, et d’infléchir les aspects spécifiquement urbains.
Notre deuxième boulot, avec un budget d’1,5 milliards est de travailler sur des contrats de ville. De fait il y a peu de médiatisation là autour, on veut éviter lesconvoitises et on est à peu de distance des élections communales. On a demandé aux cinq grandes villes – sept communes bruxelloises, Anvers, Gand, Charleroi et Liège – dedélimiter les zones où elles veulent investir, de définir leurs besoins, de préparer un budget dans le cadre des compétences fédérales, et onreçoit actuellement leurs projets. Reste à filtrer ça d’ici la fin du semestre en fonction de deux paramètres qu’on s’est fixés : le critère descompétences, et celui de la cohérence. On veut que les choses ne soient pas complètement nouvelles. Parce qu’avec 200 à 350 millions par programme, on ne fait pas demiracles, on vient consacrer des programmes propres des autorités locales en comblant le manque de moyens qui permet d’atteindre une masse critique d’investissements.
AE – Vous avez des exemples dans les dossiers rentrés ?
HD – On a beaucoup d’emploi. Par exemple, vous avez une commune qui a rénové des espaces publics, mais il y a des problèmes de propreté et elle veut engager des balayeurs,des gens peu qualifiés du quartier. On finance la mise en place de cette brigade. Tout cela reste dans les douze priorités qu’on avait tracées dès le départ.
AE – Le Commissariat a jusqu’ici surtout parlé de sécurité. Comment cela cadre-t-il avec votre politique ?
HD – Premièrement, qu’on essaie de nous coller une étiquette de sécuritaires obsessionnels ne me dérange qu’à moitié dans la mesure où on sait quedans les quartiers les plus précarisés, un des problèmes essentiels pour la population, c’est celui de la sécurité. Le problème de l’insécuriténe touche pas les différentes catégories de la population de la même manière, c’est un problème social. Il y a des gens qui ont les moyens de se payer dessystèmes d’alarme; il y a des communes qui ont les moyens de se payer une police qui a un cadre bien rempli, sans heures supplémentaires. La sécurité, ça touched’abord les pauvres, et parmi eux d’abord les femmes. Pas de honte par rapport à ça.
Deuxième point, il y a un simple problème d’agenda. On nous a dit qu’un Plan de sécurité se prépare, on a dû sauter dans le train pour qu’on y prenne encompte toutes les spécificités urbaines. Et vous allez encore entendre parler de nous là-dessus, parce que sur ce qui se trouve dans ce Plan, on n’est pas d’accord. Les accentsplus sociaux de la chaîne de sécurité doivent être respectés : on ne va pas se passer de bureaux d’aide aux victimes par exemple, on ne va pas voir les travailleursde rue dont on a tant besoin disparaître parce que l’un ou l’autre ministre a eu une «zinne» de chien de garde sécuritaire.
AE – Comment fonctionne la Conférence interministérielle ?
HD – Elle n’a pas démarré. Quand une concertation et une coopération seront nécessaires, la Conférence se réunira. En attendant, ce n’est pas notrepriorité absolue.
AE – Tout le monde n’a pas la même vision que vous de comment une ville doit fonctionner, etc. Comment cela se passe-t-il ? Dans quelle dynamique de décision êtes vous ?
HD – Pour commencer la législature, on s’est réunis pour un brainstorming : la grande leçon à tirer de la littérature sur la ville, c’est une immense modestie. Lesprogrammes bruxellois du début des années 90 sont seulement maintenant en train de produire leurs effets. Je parle du social et du culturel, pas seulement du bâti. Le retourà la mixité, de classes, de cultures, dont on est partisans, ça prend du temps. On ne sait pas en six mois rattraper 20 ans de désintérêt de la politique dela ville.
AE – Mais si on voit la politique de certains bourgmestres – par exemple une ville comme Gand qui mise tout sur la mobilité -, on n’y trouve pas, justement, les effets que vous recherchez entermes de mixité. Qu’est-ce que vous faites par rapport à cela ?
HD – C’est difficile d’aborder ça comme ça. Il faut prendre en compte toutes les spécificités des acteurs concernés, qui font par exemple, qu’ils doivent avoir despriorités propres. Gand a lancé un plan de mobilité parce qu’elle avait un manque de place effroyable. Ils ont misé sur la décongestion du centre historique, et entermes de mixité, je suis d’accord, c’est pas une réussite. Donc comme Commissariat, on a beau savoir ce qu’on veut, on n’est pas en mesure de créer une espèce de plandirecteur pour les villes. On n’a pas d’administration, on est dans un paysage institutionnel qui fait que si on intervient de manière agressive sur les politiques que mènent lescommunes elles-mêmes, on va nous reprocher d’empiéter sur les compétences régionales. On adopte un profil bas : avec des querelles en plus, notre tâche seraitd’emblée infaisable.
AE – Le Commissariat, c’est une structure intéressante ?
HD – C’est un trait d’union obligé vers quelque chose d’autre. Ce n’est pas viable à long terme. Maintenant on n’en souffre pas, on est dans une phase de défrichement. Maisà terme, on manquera de capacités opérationnelles.
1 Cabinet : rue Haute 139 3e étage à 1000 Bruxelles, tél. : 02 510 05 60, fax : 02 510 05 76.
2 Voir la page web : http://www.just.fgov.be/html/10001f_f.htm#pol

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