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Parlement Jeunesse: «L’idéalisme, c’est quelque chose qu’on revendique»

14-03-2017
Vincent Balau / Parlement Jeunesse, le vendredi 5 mars : Samuel Desguin, président de l'asbl, prend la pose.

La 21e édition du Parlement Jeunesse a eu lieu au parlement Wallonie-Bruxelles. 120 jeunes de tous horizons se sont glissés pendant une semaine dans le rôle de député. Une simulation inspirée, depuis 1997, du modèle québécois: le Parlement Jeunesse du Québec (PJQ), lui-même fondé en 1949.

 

Cette année, les décrets les plus «chocs» du Parlement Jeunesse portaient sur les semaines de 32 h et la «suppression» pure et simple des partis politiques. Mesures qui n’ont pas manqué d’attiser l’inquiétude de politiciens de métiers comme en témoigne la carte blanche du député Alain Destexhe publié le 24 février dans le journal La Libre Belgique («Le Parlement de la jeunesse ou le mauvais remake de Sa Majesté des Mouches»): «A la lecture des décrets adoptés lors de la précédente session par ces députés en herbe, je me serais presque cru dans l’ouvrage de William Golding, Sa Majesté des Mouches, dans lequel des enfants croient pouvoir refaire le monde à leur manière, sans l’autorité des adultes, et au final finissent par le mettre en péril».

Samuel Desguin, président de l’asbl Parlement Jeunesse, revient sur l’événement: «On n’a ni vocation à la stricte transposabilité au droit belge ni à avoir de bons contacts avec les politiciens de tous bords. On s’en moque un peu pour être honnête. On a répondu dans une lettre ouverte sur le même média. Nous, on veut un débat où chacun pourra parler en son âme et conscience. Savoir que ce n’est pas compatible avec telle ou telle loi, que les syndicats n’accepteraient pas… On ne se pose pas ces questions. Chaque jeune doit se sentir responsable de l’opinion qu’il donne.»

«L’idéalisme, c’est quelque chose qu’on revendique, ajoute Samuel Desguin. Les jeunes sont peut-être dégoûtés du système politique, des stratégies politiques et des gens qui ne font pas ce qu’on attend d’eux, mais ils sont optimistes par rapport au système démocratique. Ils sont là pour défendre la démocratie, pour la vivre et la comprendre.»

L’asbl PJ n’entend d’ailleurs pas former les politiciens de demain: «Très peu de nos jeunes sont devenus politiciens. Ce n’est pas l’objectif. Le but est surtout de sensibiliser, pas tant de former, moins encore d’établir un réseau de jeunes futurs politiciens. À peine 1 sur 10 se destinent à une carrière. Il y a bien Maxime Prévot qui est un ancien du Parlement Jeunesse. Mais je n’en sais pas plus, on n’y fait pas très attention.»

Ce qui n’empêche pas les politiciens de métier de s’aventurer dans les tribunes du Parlement et de tendre l’oreille vers les débats des novices. Samuel Desguin confirme: «Ça les intéresse de prendre la température. De voir quelles idées les jeunes ont. Je ne dis pas que cela donne des lois qu’eux-mêmes pourraient proposer, ce n’est pas le but non plus. Mais cela pourrait éventuellement leur donner des idées.»

Pour bien marquer la différence avec «le réel», le Parlement Jeunesse va un cran plus loin: «On n’est même pas en Belgique, on est en Péjigonie (Parlement Jeunesse, PJ, PJgonie). Dans nos discours, ça nous permet de ne pas citer de noms de politiciens. Puisqu’on n’est plus en Belgique, ces politiciens n’existent pas. Et il en va de même pour les noms de partis! Ça nous permet d’avoir un réel débat d’idée sans devoir nous encombrer de stratégies politiques.»

Les partis péjigoniens sont au nombre de quatre: Ventôse, Germinal, Brumaire et Thermidor. D’inspiration révolutionnaire et républicaine, «ces noms sont là uniquement pour des raisons logistiques», précise Samuel Desguin. «Ce sont les petits groupes qui se déplacent ensemble pour les repas. Le seul moment où ils ont une quelconque importance, c’est durant les affaires du jour. C’est alors que l’opposition interpelle la majorité pour se moquer les uns les autres. Sinon, pendant les débats, ça n’a aucune incidence puisque chacun s’exprime librement. La répartition entre ces groupes est totalement aléatoire et nous sommes absolument contre les lignes de partis.»

Cette démarche rejoint celle du décret proposant la suppression des partis. Un décret qui ne devrait plus tarder à être partagé au Parlement «officiel»: «Les décrets qu’on adopte sont présentés par nos quatre “fake-ministres” le 29 mars devant les vrais députés. L’an dernier, on exposait pour la première fois nos résultats au Parlement. Nous avions un décret pour abolir l’héritage, le taxer à 100%. Ils ont tous trouvé ça très drôle et ils ne pensent pas forcément à le transposer en vrai. Mais cela leur donne des pistes de réflexion…»

 

En savoir plus

«Le pouvoir en mode mineur», Alter Échos n° 378, mars 2014, Marinette Mormont.

«Parlement Jeunesse: prendre du plaisir en simulant?», Alter Échos n° 290, mars 2010, Cédric Vallet.

Vincent Balau

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