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Regard critique · Justice sociale

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Parents en solo, parents abandonnés

Les familles monoparentales affolent les compteurs sociaux : risque de pauvreté accru de plus de 50 %, isolement, taux de chômage important, mauvaises conditions de logement. Le nombre de ces familles ne cesse d’augmenter parallèlement à celui des ruptures et des divorces. Mais les politiques sociales ne suivent pas.

Parents en solo, parents abandonnés Bruxelles, un enfant sur quatre vit désormais dans une famille monoparentale, et dans presque neuf cas sur dix sous la responsabilité de sa mère. Ce chiffre en entraîne presque inévitablement un autre : c’est dans la capitale que le risque de pauvreté des enfants est le plus grand (41,7 % contre 10 % seulement en Flandre).

L’appauvrissement des familles monoparentales est un fait connu, observé dans les trois Régions du pays et ailleurs en Europe. Le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP) a voulu connaître les raisons de ce phénomène et a proposé à la Fondation Roi Baudouin de mener une enquête qualitative sur le vécu des familles monoparentales (lire interview). La Fondation, de son côté, a demandé au Centrum voor sociaal beleid (CSB) d’apporter des éléments chiffrés pour pouvoir formuler des propositions d’actions. Elles devraient être présentées aux décideurs politiques en juin prochain.

Les chiffres du CSB sont implacables. En Flandre comme en Wallonie, les parents isolés présentent un risque de pauvreté bien plus grand que celui des couples avec ou sans enfants. En Flandre, ce risque est d’un sur cinq, en Wallonie d’un sur deux. Cette différence s’explique, avance le CSB, par le fait que la Wallonie connaît déjà un taux de pauvreté plus grand et les mères isolées sont particulièrement touchées par le chômage. En moyenne, le taux de chômage des familles monoparentales est de 38 %.

Pour ces familles, des femmes en majorité, l’accès à l’emploi reste difficile. « Elles sont phagocytées par les tâches domestiques, éducatives qui incombent normalement aux deux partenaires du couple », constate Pascale Taminiaux, chargée de projet à la Fondation. Martin Wagener, sociologue, a étudié la monoparentalité à Bruxelles. Il constate que ces femmes se retrouvent inévitablement dans des « trajectoires précaires », se débattant dans des problèmes constants d’inadéquation d’horaires, de mobilité, de crèche, de garderie. Tout cela crée un stress permanent et oblige les femmes à assurer le futur de leurs enfants « en prenant sur elles-mêmes ».

Quelle réponse politique ?

La précarité n’est pas la seule caractéristique des familles monoparentales. Leur isolement l’est tout autant et avec lui, le sentiment d’être délaissé par la société. De fait, il n’existe pas en Belgique de politique spécifique en matière de monoparentalité. Les femmes monoparentales sont visées indirectement par des politiques sociales morcelées. Martin Wagener redoute les effets annoncés de la dégressivité des allocations de chômage et le renforcement des logiques d’activation. « Les familles monoparentales sont sanctionnées plus directement par des critères qui ne tiennent compte ni des emplois disponibles à proximité ni du manque de places d’accueil pour les enfants. » L’État, poursuit le sociologue, n’investit pas assez dans ces structures d’accueil qui ne doivent pas se limiter aux bébés ou aux enfants en bas âge. Les formations qualifiantes sont insuffisantes également.

 

À l’étranger, à l’exception notable du Danemark et de la Suède qui mènent une réelle politique de retour à l’emploi pour ces mères monoparentales (avec dès lors un taux de pauvreté parmi les plus bas d’Europe), la situation n’est pas meilleure. Pour Pascale Taminiaux, la question de l’emploi et des revenus sont des éléments clés mais ce ne sont pas les seuls. Et de pointer la question de l’accès au logement, les dépenses scolaires, le manque de places d’accueil et leur coût (plus important en Wallonie qu’en Flandre), les pensions alimentaires accordées aux seules femmes qui se démènent pour les obtenir via le Service des créances alimentaires (Secal). Ce sont les mères dans les situations les plus précaires qui y ont le moins accès.

L’information sur l’accès aux droits manque. En Allemagne, il existe des « guichets » organisés sur le plan local pour aider ces familles.

« Le moment de la séparation est crucial, souligne Pascale Taminiaux. Les femmes ont alors besoin d’accéder à une information claire, précise, centralisée. »

 

Les familles monoparentales sont des familles comme les autres, souligne Martin Wagener. Le fait d’avoir vécu une séparation ne suffit pas pour qu’on les désigne comme une catégorie spécifique. Mais il faut s’attaquer aux inégalités qui touchent particulièrement les femmes et mobiliser des formes d’aide pour éviter d’en faire des citoyennes de seconde zone.

Martine Vandemeulebroucke

Martine Vandemeulebroucke

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