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Regard critique · Justice sociale

Panpan Culture

«De chaque instant»

Avec son nouveau documentaire De chaque instant, Nicolas Philibert rend hommage à toutes ces infirmières et tous ces infirmiers qui chaque jour soignent et prennent soin de leurs patients. Un métier admiré, mais aussi «malmené, déconsidéré, parfois même méprisé dans certains services». Pour appréhender cette profession aussi riche que complexe, il a posé sa caméra au cœur d’un institut de formation en soins infirmiers.

Avec son nouveau documentaire De chaque instant, Nicolas Philibert rend hommage à toutes ces infirmières et tous ces infirmiers qui chaque jour soignent et prennent soin de leurs patients. Un métier admiré, mais aussi «malmené, déconsidéré, parfois même méprisé dans certains services». Pour appréhender cette profession aussi riche que complexe, il a posé sa caméra au cœur d’un institut de formation en soins infirmiers. Car c’est «quand on voit des gens qui apprennent, qui se trompent, qui ont peur, qui sont exaltés, qu’on se confronte aux limites, aux obstacles, et que cela se traduit par des émotions visibles, palpables». De la dextérité du geste aux aptitudes relationnelles («Trouver le mot juste est l’essence de notre travail», glisse l’une des formatrices à une élève à l’issue de son stage), le film déploie pudiquement ce «parcours intense et difficile, au cours duquel elles devront acquérir un grand nombre de connaissances, maîtriser de nombreux gestes techniques et se préparer à endosser de lourdes responsabilités».

Alter Échos: On avance, au fur et à mesure de ce film en trois temps, de la théorie et de la maîtrise des gestes techniques vers la confrontation au monde réel, à la difficulté mais aussi à la beauté de la relation avec le patient…

Nicolas Philibert: Oui il y a une progression en crescendo. La première partie se passe avec beaucoup de légèreté, parce qu’on apprend sur des mannequins, sur de la mousse, entre camarades. Et puis, tout à coup, on arrive en stage et c’est le choc du réel. Il y a de la souffrance, des corps usés, vieillis, de la décrépitude, des gens qui perdent la tête, la finitude, la mort. Cela ne va pas de soi quand on a 25 ans… La troisième partie montre combien il est nécessaire de pouvoir déposer son fardeau, travailler sa posture de soignant pour être à la bonne distance: ne pas se laisser envahir par l’émotion tout en restant humain, sans se réfugier derrière la technique.

A.É.: L’hôpital est un milieu soumis à des exigences de rentabilité. Ce n’était pas l’objet de votre film, mais on le découvre en filigrane…

N.Ph.: Que ce soit en Belgique, en France ou ailleurs, le monde de la santé n’échappe pas aux pressions économiques. Émergent des questions liées au management, à «l’hôpital entreprise», où il faut moins soigner que produire du soin. Cette dimension, je ne l’ai pas filmée, mais on l’entend dans la bouche des étudiants dans la troisième partie. L’un a du mal à trouver sa place, l’équipe n’a pas le temps de l’encadrer, une autre pleure parce qu’elle s’est sentie méprisée. C’est un monde qui peut être très dur, où il arrive que des gens sous pression reproduisent ce qu’ils subissent. Cette dimension économique a aussi des répercussions sur les patients dont on ne s’occupe pas assez, ce qui génère de l’agressivité.

A.É.: Au-delà de son sujet, que dit le film sur notre société d’aujourd’hui?

N.Ph.: Le film a été tourné à Montreuil, en banlieue parisienne, où il y a une population et des étudiants d’une grande diversité. Ce qui fait du film un portrait d’une France contemporaine. Cette diversité qui se met au service de tous, c’est important aujourd’hui où on traverse une période de repli identitaire et où l’on montre souvent la jeunesse au cinéma avec un certain cynisme. Car tous ces jeunes partagent l’envie d’être utile. Ce qui m’importe quand je fais un film, c’est qu’il soit plus grand que son sujet. Ici on parle du rapport à l’autre, de l’altérité, de la fragilité humaine, du lien. C’est peut-être un film sur le lien…

De chaque instant, France, 2018, 105 minutes, Nicolas Philibert. À partir du 5/12 au cinéma.

 

En savoir plus

Alter Échos n°463, «Hôpitaux: vers une privatisation des soins?», Marinette Mormont, 9 avril 2018.

Marinette Mormont

Marinette Mormont

Journaliste (social, santé, logement)

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