Ce 14 mai, l’asbl Recyclart organisait un séminaire sur la place de l’art dans les conflits urbains en collaboration avec la Minth (Maison internationale)1. L’asblentendait ainsi alimenter le débat en sollicitant les positions des acteurs concernés. Intégrée dans le projet « Arabesk », la journée questionnait la situation deshabitants de la ville, notamment sa population jeune, par rapport aux lieux publics. Angle d’approche : l’art. Plus précisément un processus artistique vu comme dynamiqued’un quartier, incluant les antagonismes qui naissent de la coexistence, en un lieu, de populations aux intérêts divers, voire opposés, mais également issus degroupes sociaux différents – habitants de logements sociaux, Marolliens de souche à faibles revenus, antiquaires et autres commerçants. Dans le cadre de ce projet,Recyclart a développé depuis février dernier des contacts avec diverses associations du quartier des Marolles, puisque c’est de lui qu’il s’agit, et du squareBreughel (ancienne place de l’Epée). Un séminaire porté ainsi par des témoignages à la fois proches et lointains. « Mettre le doigt sur les conflits urbains,comprendre le rôle que peut y jouer une intervention artistique et confronter les dynamiques existantes dans les différents endroits du monde, voilà nos objectifs », adéclaré, en guise d’introduction, Wim Humbrecht, coordonnateur.
Redonner la place aux habitants
Retour sur le projet : Jozef Legrand est un artiste qui travaille surtout dans l’espace public. Il intervient sur une place des Marolles où une structure en arabesque (du « mobilierurbain » sur lequel on pourra s’accouder ou s’asseoir) devrait entourer un arbre à palabres. But : redonner une place aux habitants, notamment aux jeunes qui, il y a peu, ont vuleurs bancs habituels ôtés parce que les riverains percevaient leur présence comme « criminogène » ou néfaste au commerce proche. Selon Jozef Legrand, ces bancsmarqués d’écritures indigènes représentent des lieux de rencontre, constituant une sorte « d’archive » des groupes de garçons régulièrementprésents. Plutôt une mauvaise image pour l’endroit, selon le contrôle social. La question que l’artiste formule est alors : « Comment arriver à une situationoù l’espace public fasse intermédiaire et donne une signification pour partager entre des personnes ayant une histoire différente? » Dans la mesure où, « àchaque époque il y a une compréhension de l’espace public qui reflète l’image de la société ». Jozef Legrand achève : « Pourquoi avons-nous perducontact avec cette nécessité? ».
Faut-il en outre ajouter que « les Marolles » constituent un quartier « typique », à l’identité traditionnellement populaire, concentrant une population multiculturelle àpouvoir économique fort bas. Une population qui se fait toutefois entendre par la voix d’un comité vigilant2. Car la spéculation immobilière (débordant duquartier du Sablon voisin) s’y fait fortement sentir. Ainsi, c’est le contexte même du projet Arabesk qui n’est pas bien compris par tous.
Après l’exposé de l’artiste, plusieurs intervenants se sont partagé le tour de parole. L’échevin de la Culture et de l’Urbanisme Henri Simonsn’a pas développé son travail avec l’art dans l’espace de Bruxelles-Ville, mais a plutôt orienté la réflexion vers l’absenced’implication de la population locale. Partant d’exemples qui dépassent nos frontières, quelques expériences furent échangées. Ainsi Juan Diaz,architecte, s’est basé sur deux cas en République dominicaine pour illustrer la main mise des autorités sur les places publiques, vécues comme lieux de discussionssur la situation sociopolitique. Constat global d’une « volonté politique de ne pas restaurer certains types de quartiers. Il y a différence de traitement et de perception. On netrouve pas ce type de place à Woluwe-St-Lambert, pourquoi? » insiste-t-il.
Après-midi enfin, dix groupes furent formés, qui ont battu les pavés de la ville. Chacun guidé par une personne ayant développé un projet ou étantacteur du quartier, donc impliqué dans l’évolution de l’espace public, aux Marolles ou ailleurs. Un rapporteur était ensuite chargé de présenter lasubstance des échanges de façon originale. Par exemple l’écrivain Laurence Vielle qui fit lecture des discussions, accompagnée à l’accordéon parle chanteur Mathieu Ha. Ou encore Dread Litoko, poète improvisant au rythme de son phrasé rap les visions urbaines rencontrées. Autre rapporteur, l’architecte ThierryDecuypere. Pour lui, l’art n’est pas là pour plaire ou embellir, « il y a une évolution des artistes dans l’art public qui travaillent la relation avec les gens, lecôté utilitaire et la participation. Exemple : une fontaine installée par la Ville, c’est certes joli mais cela empêche d’occuper l’espace, doncempêche les rencontres et le débat » a-t-il expliqué.
1 Recyclart asbl, gare de Bruxelles-Chapelle, n°25 rue des Ursulines à 1000 Bruxelles – tél. : 02 502 57 34 – site : http://www.recyclart.be – courriel : info@recyclart.be. Contact : Wim Humbrecht. La Minth, 139 rue Haute à 1000 Bruxelles.
2 Le « Comité général des habitants des Marolles » qui publie le mensuel Le Marollien rénové, 56 rue de la Prévoyance à 1000 Bruxelles – contact :Léopold Vereecken – tél. : 02 511 54 68.
Archives
"Palabres urbaines : un séminaire sur la place de l'art dans les conflits urbains"
Olivier Bailly
21-05-2001
Alter Échos n° 98
Olivier Bailly
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