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Regard critique · Justice sociale

Social Décalé

« Ne meurent que ceux que l’on oublie »*

Lecteur, lectrice, alors que débutent la joyeuse dispersion estivale et son cortège d’évasions et de congés payés, nous voici contraints de plomber un peu l’ambiance, de suspendre le cours du temps pour nous pencher sur la disparition de personnes chères, proches ou lointaines.

Lecteur, lectrice, alors que débutent la joyeuse dispersion estivale et son cortège d’évasions et de congés payés, nous voici contraints de plomber un peu l’ambiance, de suspendre le cours du temps pour nous pencher sur la disparition de personnes chères, proches ou lointaines.

Nous rappelons ici que Cordon sanitaire est plongé dans un coma profond depuis le 29 mai dernier, à l’âge de 30 ans seulement. Plane ainsi sur la vie politique belge la perte d’une grande figure, polémique certes, mais qui laissera une trace indélébile dans la mémoire collective, par sa personnalité attachante, fédératrice et son combat en faveur des droits humains.

L’existence de Cordon sanitaire n’a pas été un long fleuve tranquille. À peine venu au monde le 10 mai 1989, il se faisait déjà renier par une partie de sa famille. Cordon renaît tel un phœnix le 19 novembre 1992, au grand bonheur de ses parents flamands, déterminés à lui transmettre combativité et valeurs humanistes. Grâce à son entourage, Cordon s’émancipe et prend de l’ampleur sur la scène politique, en grand écart permanent entre le nord et le sud du pays, où sa présence sur la scène médiatique est plus intense. Au gré des coalitions, des forces en présence au pouvoir, Cordon sanitaire est à plusieurs reprises «neutralisé» politiquement par ses adversaires. Surnommé «le revenant», en lien avec cette faculté impressionnante dont il fait montre à rebondir, Cordon suscite admiration et intérêt au-delà du royaume, faisant des émules à l’international. Farouche opposant du Vlaams Belang, il avait fait de la lutte contre les idées liberticides son combat. Cette prometteuse trajectoire a été suspendue en pleine jeunesse par deux attaques cardiaques successives: l’une le dimanche 26 mai dernier, que Cordon, parfait bilingue, avait depuis rebaptisé «zwarte zondag», l’autre le 29 mai, jour de la bilatérale roi Philippe/Tom Van Grieken, le laissant entre la vie et la mort.

Si nous ne pouvons éviter de revenir sur cet «AVC de la démocratie», nous tenons à le croiser avec la disparition, bien réelle cette fois, de nombreuses autres personnes, absentes des radars médiatiques, mais dont les vies, et donc, les morts, comptent tout autant. Nous avons une pensée sincère pour Ali, Moussa, Ilias, Yousef, Zainab, Fatoumata, Ayoub, Amadou, Walid, Zenettin, Moumine, Mawda, Amna, Taher, Huseyin, Malek, Tesfalidet et pour les milliers d’autres réfugiés et migrants évanouis à jamais sur le chemin vers la «Forteresse Europe» depuis 1993. Le 20 juin dernier, Journée internationale des réfugiés, la campagne #Saytheirnames se déploie à Bruxelles. Des militants se relayent au microphone sur la place publique pour égrener un à un les prénoms de ces 36.570 disparus. Pour «rendre visibles les vies de ces personnes». Et pointer au passage la politique migratoire européenne d’un doigt accusateur.

Nous pensons enfin à d’autres morts invisibles, que les vivants s’efforcent de faire compter, celles des personnes sans abri : Walter, Francisca, Jean-Yves, Omar, Walid, Janusz, Vasile, Ahmed, Michel, Dorothée, Nasser, Dumitru, Ali, Jean, Ibrahim, Régine, Piotr,… Chaque année, un hommage poétique, symbolique mais aussi concret leur est rendu par le collectif «Les morts de la rue».

Au risque de nous gâcher les vacances, nous ne pouvons passer à côté de ces absences. D’une part, elles nous renvoient à notre propre humanité et à son inéluctable issue. Et, d’autre part, elles ont comme dénominateur commun la politique et ses effets.

* Citation reprise sur le site du collectif «Les morts de la rue» http://mortsdelarue.brussels/

Marie-Eve Merckx

Marie-Eve Merckx

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