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Regard critique · Justice sociale

Mus-e : pérégrinations artistiques à l’école

Mus-E cherche à offrir des outils d’expression artistique à l’école et cible des publics fragilisés. Reportage à Biesmerée (Mettet).

27-04-2012 Alter Échos n° 333

Mus-e1 souhaite offrir aux enfants un égal accès aux outils d’expression artistique. Pour ce faire, l’association développe – le plus souvent à l’école – des projets, avec un accent porté sur les publics fragilisés. Reportage à Biesmerée.

Rencontre improbable entre le folklore wallon et la musique haïtienne. En ce début de matinée, les élèves de l’école primaire de Biesmerée (Mettet) participent à leur séance hebdomadaire de voyage musical en compagnie de l’artiste Marlène Dorcena. Les vingt élèves la suivent dans ses improvisations rythmiques. Des phrases musicales qu’on tape les mains sur les cuisses. Des envies de danser. Des berceuses en créole.

Chaque semaine, Marlène Dorcena vient apprendre à ces enfants à « exploiter l’espace dans lequel ils vivent, à étudier les rythmes et découvrir des musiques du monde entier, pour s’ouvrir aux autres musiques et aux autres cultures. » Et surprise, en ce jeudi matin, un élève expert en tambour frappe avec deux couteaux sur une table, une bonne partie des autres enfants entonne alors un chant folklorique de carnaval, où l’on parle d’un aveugle et d’un bout de pain. Un réel échange a lieu entre l’artiste et les élèves. « C’est très enrichissant pour moi et pour eux », glisse Marlène Dorcena. Car si elle anime ses ateliers hebdomadaires à l’école au nom de l’association Mus-e, c’est avant tout parce que ce type de projets « permet à des enfants de catégories sociales différentes de se mettre ensemble ». A Biesmerée, il y a les enfants du coin et ceux de l’Initiative locale d’accueil, que tout le monde appelle le « centre de réfugiés ». Avec le va-et-vient des élèves qui arrivent et repartent au gré des procédures d’asile. « Parfois, je découvre qu’un enfant n’est plus là. Et c’est assez dur », avoue la chanteuse. Quant aux enfants, malgré les petits ricanements propres à la préadolescence, ils semblent tous enjoués par l’expérience. « On découvre d’autres instruments », « d’autres musiques », « on est tous ensemble et on laisse aller l’imagination », « on n’va pas en classe » sont des éléments qu’ils apprécient dans le projet.

L’accès à des outils d’expression

Des ateliers de ce type, Mus-e en comptabilise cinquante en Belgique, dont 15 en Wallonie. Chaque année, 2 500 élèves côtoient toute l’année, sur base hebdomadaire, un artiste qui se lance dans des pérégrinations artistiques. Mais Mus-e explore d’autres horizons, s’ouvre à d’autres projets, hors des écoles, à l’image de ces quelques journées passées au printemps dans un lieu d’accueil des Gens du voyage. Les artistes travaillent avec les enfants du voyage autour d’images, de films d’animation. Des projets en maisons maternelles sont aussi en train de voir le jour.

A l’origine, Mus-e est un projet d’art à l’école imaginé dans les années ’90 par le violoniste Yehudi Menuhin dans le cadre de sa fondation « Yehudi Menuhin Foundation ». Des associations Mus-e, on en trouve dans une douzaine de pays. « L’artiste a carte blanche, il travaille sur le bien-être et l’épanouissement des enfants », explique Véronique Demaret, coordinatrice des projets artistiques pour Mus-e Belgique. L’idée est de sortir du train-train quotidien de l’école. Il s’agit « d’amener un plus dans une classe par rapport au cadre habituel », nous dit-elle. Mais l’orientation assumée de Mus-e est de toucher des élèves qui ne possèdent pas forcément les mêmes outils d’expression que ceux d’autres écoles. « Nous travaillons dans des endroits qui accueillent un public plus fragilisé », affirme la coordinatrice. Grâce à l’expression artistique, les élèves prennent confiance en eux, ils peuvent se « débloquer » lorsqu’ils sont timides. Ceux qui galèrent en français ou en maths trouvent parfois dans les ateliers d’autres vecteurs de valorisation. « Une dimension très importante pour des primo-arrivants », illustre Véronique Demaret.

Grâce aux artistes, les élèves « ouvrent des portes supplémentaires », nous dit Véronique Demaret. Mais attention, Mus-e ne se voit pas comme donneur de leçons culturelles. L’association ne veut pas dicter aux enfants, du haut de son piédestal, les goûts culturels qu’il faudrait posséder. Véronique Demaret y tient : « L’artiste vient avec une matière et se laisse aller. Le but est d’expérimenter et d’improviser pour laisser la place aux enfants, pour qu’ils amènent leur culture. Nous ne militons pas pour l’accès à la Culture avec un grand C, mais bien pour l’accès à des outils d’expression. »

1. Mus-e :
– adresse : chaussée de la Hulpe, 61 à 1180 Bruxelles
– tél. : 02 660 25 80
– courriel : info@mus-e.be
– site : http://www.mus-e.be

Cédric Vallet

Cédric Vallet

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