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Regard critique · Justice sociale

Modifications des baux à loyer : mécontentement général !

Le moins qu’on puisse dire est que personne ne semble satisfait des modifications apportées par le fédéral à la législation sur les baux à loyer. Lorsdu vote à la Chambre, tant les représentants de la majorité que ceux de l’opposition ont pointé ces manques. Sur le terrain, le mécontentement est égalementde mise.

30-03-2007 Alter Échos n° 226

Le moins qu’on puisse dire est que personne ne semble satisfait des modifications apportées par le fédéral à la législation sur les baux à loyer. Lorsdu vote à la Chambre, tant les représentants de la majorité que ceux de l’opposition ont pointé ces manques. Sur le terrain, le mécontentement est égalementde mise.

Le 15 mars dernier, les députés fédéraux adoptaient un projet de loi portant des dispositions en matière de baux à loyer, ainsi qu’un projet deloi-programme portant des dispositions diverses et contenant des dispositions modifiant la loi de 1991 relative aux baux à loyer portant sur les résidences principales1.

Les modifications introduisent :
• l’obligation d’avoir un bail écrit, dans la foulée de l’obligation de faire enregistrer les baux par les propriétaires ;
• l’obligation d’établir un état des lieux ;
• l’affichage obligatoire du montant des loyers et des charges afin de lutter contre la discrimination dans l’accès au logement, assorties d’amendes administratives. Cette mission decontrôle sera à charge des communes ;
• une réforme du système de garantie locative :
a) une garantie de deux mois versée en une fois;
b) une garantie de trois mois payable par le locataire en plusieurs mensualités auprès de l’organisme bancaire qui verse en une fois la garantie au propriétaire ;
c) une garantie de trois mois versée par une banque directement au propriétaire suite à une convention passée entre un CPAS et une banque.

Et pourtant, ils votent…

Côté CD&V, Servais Verherstraten s’est plaint que les représentants des propriétaires et des locataires n’aient pas été entendus en commission. Ildoute aussi de l’application des amendes administratives en cas de non-affichage des montants des loyers (entre 50 et 250 euros). Insistant sur la disparité régionale des marchésimmobiliers, il plaide pour une régionalisation de la loi sur les loyers et de l’enregistrement des baux.

Par ailleurs, il trouve discriminatoire le fait que les locataires les plus défavorisés devront payer trois mois de garantie alors que ceux qui ont les moyens n’auront qu’às’acquitter de deux mois de garantie.

Si le CDH regarde positivement les mesures, Melchior Wathelet estime que les sanctions – en cas de non-affichage des prix – seront inopérantes. Concernant la garantie locative, il regretteaussi le risque de discrimination entre les locataires défavorisés et ceux qui ont les moyens.

Du côté du PS, Karine Lalieux rappelle qu’établir un équilibre entre intérêts des locataires et intérêts des propriétaires n’estguère aisé. Elle estime que “ces mesures sont un premier pas important”, tout en se hâtant de souligner “qu’elles devront êtrecomplétées”.

Sur les bancs du MR, Marie-Christine Marghem conteste l’affichage obligatoire de montant du loyer et des charges. D’une part, parce que cette mesure dépendra des ressources locales et nesera pas uniforme sur l’ensemble du territoire. D’autre part, “l’efficacité de cette méthode me semble aléatoire, les parties étant toujours libres denégocier la hauteur du loyer. Elle n’empêchera en rien les discriminations que l’on prétend éliminer.” Elle estime aussi contre-productive la mesure faisant passer de3 à 2 mois la garantie locative, mais estime heureux qu’on ne soit pas arrivé à un système de blocage des loyers.

Des mesurettes pour les locataires

Pour José Garcia, secrétaire général du Syndicat des locataires2, les dispositions sont insuffisantes par rapport aux engagements annoncés tant depuiscette législature que depuis la précédente – où strictement rien n’avait été fait, rappelle-t-il. “C’est vrai que la loi-programme prévoit unedisposition importante : la diminution de la TVA de 12 à 6 % pour la construction de logements sociaux et assimilés. C’est bien, parce que cela va permettre de construire davantage avecles mêmes montants”, admet José Garcia. En revanche, il est moins tendre avec les nouvelles dispositions : “Comment ose-t-on se limiter à ces mesurettes face àune crise du logement d’une telle ampleur ?”
“L’obligation de bail écrit – couplée à l’enregistrement du bail obligatoire – ne va pas changer grand-chose. En cas de vente du bien, le locataire sera seulement unpeu mieux protégé.”
Concernant l’affichage obligatoire des montants du loyer et des charges, il souligne que “ce sont les communes qui devront faire la police… et le prix affiché ne devra pasforcément être respecté. C’est un paradoxe. Cette mesure pourra être contournée. De plus, les sanctions sont ridicules et elles ne viseront que l’absence d’affichagedu prix.” Sur la garantie locative à deux mois, il constate que “bien que cela reste la plus favorable des trois mesures, les plus défavorisés serontpénalisés”.
Et de conclure, ironique : “Les locataires étaient nus avant ces mesures, on vient de leur donner des chaussettes. Ils auront juste un peu moins froid aux pieds.”

Pétition des propriétaires

De son côté, avant le vote du texte, le Syndicat national des propriétaires3, avait remis une pétition comptant quelque 22 000 signatures et remarques auprésident de la Chambre, où il contestait le texte, en particulier la garantie locative ramenée à deux mois. Nombre de signataires proposent des “suggestionsconstructives et intéressantes”, selon le SNP.

Nous en avons pointé une émanant d’un propriétaire anonyme : “Plutôt que de réduire la garantie locative à deux mois, il serait plus judicieux queles CPAS, qui nous recommandent des candidats locataires, s’engagent un peu plus. Notamment en cosignant les baux avec la garantie d’être payé (biens du CPAS, de la ville, del’État belge saisissables). En échange, je suis prêt à réduire le montant du loyer de 5 % et même à ne pas demander de garantie locative!”

Le sujet risque encore de faire couler beaucoup d’encre. D’autant plus que, après le passage du texte au Sénat, des arrêtés d’exécution devront êtrepris…

1. Projet de loi portant des dispositions en matière des baux à loyer
(n°2874) et projet de loi portant des dispositions diverses (IV) (n° 2873)– disponibles sur le site de la chambre : http://www.lachambre.be
2. Syndicat des locataires, square Albert Ier 32 à 1070 Bruxelles –
tél. : 02 522 98 69 – fax : 02 524 18 16 –
courriel : syndicatsdeslocataires@gmail.com
3. SNP, rue du Lombard 76 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 512 62 87.

Baudouin Massart

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